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Rapport mondial 2018 : Résister face aux attaques contre les droits humains

Des responsables politiques attachés aux principes et des mobilisations populaires peuvent affaiblir les populistes autoritaires et leurs programmes

Abdul Kareem, un musulman rohingya, transporte sa mère Alima Khatoon vers un camp de réfugiés au Bangladesh le 16 septembre 2017, après avoir fui la Birmanie. © 2017 Dar Yasin/AP

(Paris, le 18 janvier 2018) – Des dirigeants politiques disposés à défendre les principes des droits humains ont démontré qu'il était possible de limiter les visées des populistes autoritaires, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans son  Rapport mondial 2018, qui passe en revue les événements de l'année écoulée. Combinés à une mobilisation populaire et à des acteurs multilatéraux efficaces, ces dirigeants ont démontré que la montée de gouvernements hostiles aux droits n’est pas inéluctable.

Couverture du Rapport mondial 2018 de Human Rights Watch (ang) (fra). © 2018 HRW

Dans la 28e édition de son Rapport mondial (version intégrale en anglais, 643 pages - version abrégée en français, 180 pages – PDF), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Dans son essai introductif, le directeur exécutif de l’organisation, Kenneth Roth, montre que lorsque des dirigeants s'opposent fermement aux politiciens diabolisant les minorités, attaquant les droits humains et fragilisant les institutions démocratiques, ils peuvent limiter la progression des populistes. Mais quand les dirigeants politiques de grands partis traditionnels capitulent face à la rhétorique de haine et d'exclusion, les populistes autoritaires prospèrent.

« L'année écoulée a montré combien il était important de réagir contre la menace posée par les démagogues et leurs politiques violant les droits humains », a déclaré Kenneth Roth. « Alors que 2018 marque le 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le meilleur moyen de lui faire honneur est d’en défendre vigoureusement les principes contre ces dirigeants qui cherchent à gagner du terrain politique en privant des groupes marginalisés des droits garantis pour tous. »

Kenneth Roth affirme que les démagogues se sont servis des bouleversements et des inégalités économiques causées par la mondialisation et les avancées technologiques, de la peur du changement culturel dans un monde de plus en plus mouvant et de la menace d'attaques terroristes, pour alimenter xénophobie et islamophobie. Ils se sont attaqués frontalement aux valeurs d’inclusion, de tolérance et de respect de l'autre, au cœur des droits humains. Ces populistes autoritaires cherchent à remplacer la démocratie – un gouvernement élu dont les pouvoirs sont limités par les droits et l'État de droit – en interprétant la volonté de la majorité à leurs propres fins.

La France a représenté l'exemple le plus frappant du succès de la résistance au populisme xénophobe. En Autriche et aux Pays-Bas, en revanche, les dirigeants de partis de centre-droit ont fait campagne sur des positions xénophobes, et hostiles à l’immigration et aux musulmans, banalisant ainsi des politiques populistes abusives. Le président français Emmanuel Macron a choisi une approche différente, soutenant les principes démocratiques et s'opposant fermement à la campagne haineuse du Front national contre les musulmans et les immigrants, menée par le Front national. Sa victoire a montré que les électeurs français rejettent très largement la politique de divisions du Front national. Le défi est à présent qu’Emmanuel Macron gouverne en conformité avec les principes qu'il a défendus. Le bilan de ses premiers mois au pouvoir est mitigé, tant sur le plan international que national, ses politiques de lutte contre le terrorisme et sa visite en Chine, où il a été très discret sur les droits humains, constituant des sujets de préoccupation.

L'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis et ses politiques anti-immigration, divisant la société sur les questions raciales et favorables à la guerre contre la drogue, ont suscité une très large réaffirmation des droits humains et une vaste réaction de résistance de la part d'organisations populaires, de groupes de défense des droits civiques, de journalistes, d'avocats, de juges, et même d'élus appartenant au même parti que Donald Trump.

En Europe centrale, des gouvernements populistes autoritaires ont également rencontré des résistances. En Pologne, les tentatives de remise en cause des principes de l'État de droit et de l'indépendance de la justice ont suscité d'importants mouvements de protestation et de fortes critiques de la part de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe. En Hongrie, la menace d'une action de l'UE sur le plan juridique et une large condamnation internationale sont venues compliquer les projets de fermeture par le gouvernement de l'Université d'Europe centrale, un bastion d'idées indépendantes qui a exprimé son opposition à la « démocratie illibérale » prônée par le Premier ministre Viktor Orbán.

La population est également descendue dans la rue pour protester contre les efforts du président Nicolás Maduro pour vider de leur substance la démocratie et l'économie du Venezuela. De nombreux pays d'Amérique latine ont abandonné leur habituelle réticence à critiquer un État voisin, intensifiant ainsi la pression en faveur de réformes en matière de droits humains au Venezuela.

La Marche des femmes aux États-Unis s'est transformée en un phénomène mondial, des millions de personnes ayant manifesté en faveur des droits des femmes. Avant même l'apparition du mouvement #MeToo, le Canada a fait de l'égalité entre les sexes un point central de ses programmes d'aide au développement, et la France a annoncé de nouvelles mesures pour lutter contre les violences sexistes et le harcèlement sexuel. La Tunisie, la Jordanie et le Liban ont abrogé des dispositions législatives qui permettaient à des auteurs de viol d'échapper à une condamnation en épousant leur victime. Les gouvernements néerlandais et belge, et ceux des pays scandinaves, ont mené une initiative visant à créer un fonds international afin de compenser les réductions de financement annoncées par les États-Unis pour les programmes de santé reproductive. La Suède a mené une politique étrangère féministe.

En revanche, là où les gouvernements ont réprimé l’opposition nationale et où l'inquiétude internationale ne s'est pas vigoureusement manifestée, les populistes et les autres forces hostiles aux droits ont prospéré, déplore Kenneth Roth. Le président Recep Tayyip Erdoğan a démantelé le système démocratique de la Turquie pendant que l'UE se préoccupait plutôt de s'assurer de son aide pour endiguer le flux de réfugiés vers l'Europe et de sa coopération dans le domaine de la sécurité. Le président Abdel Fattah al-Sissi a écrasé la dissidence populaire en Égypte, sans que les États-Unis ou l’UE ne s’expriment publiquement sur la répression, acceptant ainsi l’argument d’al-Sissi selon lequel il assurait la stabilité de son pays. En Chine, le président Xi Jinping s'est livré à une répression intense des opinions indépendantes dans le silence des autres nations, trop inquiètes de voir une condamnation publique remettre en cause de lucratifs contrats.

Kenneth Roth met en garde contre les conséquences d'un retrait de gouvernements qui pourraient défendre activement les droits humains tels que les États-Unis, un Royaume-Uni préoccupé par le Brexit, et d’autres pays européens aux prises avec l'influence des populistes xénophobes. Leurs tergiversations ont créé un vide favorable à la poursuite, souvent incontrôlée, d'atrocités massives dans des pays comme le Yémen, la Syrie, la Birmanie et le Soudan du Sud.

Toutefois, Kenneth Roth remarque que plusieurs pays de petite ou moyenne taille sont entrés dans l'arène. Alors que les grandes puissances continuaient de soutenir la coalition menée par l'Arabie saoudite au Yémen, qui s’est rendue coupable d’abus, où les civils sont pilonnés par les attaques aériennes dirigées par Ryad et, isolés par un blocus, sont exposés aux risques de choléra et de malnutrition sévère, les Pays-Bas ont pris la tête d'une initiative visant à réclamer une enquête de l'ONU. Soutenus par le Canada, la Belgique, l'Irlande et le Luxembourg, ils ont contraint l'Arabie saoudite à accepter l'ouverture d'une enquête, ce qui augmentera la pression en faveur d'un meilleur comportement de sa part dans le cadre du conflit. Les Pays-Bas et la Norvège ont également imposé un embargo sur les armes à destination de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, respectivement.

Face au refus de la Russie d'autoriser le Conseil de sécurité de l'ONU à agir en faveur de la justice en Syrie, le Liechtenstein a rassemblé une large coalition en décembre 2016 pour obtenir l'adoption d'une résolution par l'Assemblée générale de l'ONU. Par 105 voix contre 15, cette coalition a créé un mécanisme destiné à recueillir des éléments de preuve et à constituer des dossiers afin d'entamer des procédures judiciaires, ce qui constitue une action importante pour que justice soit rendue pour les crimes de guerre commis en Syrie.

« La principale leçon à tirer des événements de l'année écoulée est que les droits humains peuvent être protégés face au défi populiste », a conclu Kenneth Roth. « Ce dont nous avons besoin, c'est une défense vigoureuse des principes, plutôt qu'un renoncement, un appel à l'action plutôt qu'un cri de désespoir. »

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Communiqués par pays ou région :

  1. Afrique australe : Une répression accrue de la dissidence pacifique
  2. Arabie saoudite : La répression éclipse certaines réformes relatives aux droits des femmes
  3. Bahreïn : Le gouvernement réprime la dissidence
  4. Birmanie : Nettoyage ethnique, répression et dénis
  5. Cambodge : Répression à l’encontre des médias et de l’opposition
  6. Chine : La répression des droits se généralise
  7. Corée du Nord : Rendre justice pour les violations graves des droits humains
  8. Égypte : Une répression féroce en 2017
  9. Émirats arabes unis : Violations graves des droits humains à l’intérieur et à l’extérieur du pays
  10. États-Unis : La première année de la présidence Trump a fait reculer les droits humains
  11. Iran : Les réformes au point mort
  12. Liban : Restrictions de la liberté d’expression et réformes en suspens
  13. Libye : L'impunité encourage la violence
  14. Maroc, Sahara occidental : Les manifestations soumises aux « lignes rouges »
  15. Qatar : Une année de crise qui a débouché sur des réformes
  16. Russie : 2017, une année sombre pour la liberté
  17. Tunisie : La lenteur des réformes affaiblit le respect des droits humains
  18. Turquie : Les médias, les activistes et les opposants politiques menacés
  19. UE : Les droits humains souvent relégués au rang d’options
  20. Ukraine : Un manquement aux engagements envers les droits humains
  21. Yémen : Toutes les parties au conflit aggravent la crise humanitaire

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À lire aussi :

Rapport mondial 2018 : Chiffres clés 

Rapport mondial 2018 : Principaux tweets

Storify : Rapport mondial 2018 et interviews de Kenneth Roth

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