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Arabie saoudite : La répression éclipse certaines réformes relatives aux droits des femmes

Les attaques illégales au Yémen et la discrimination à l’encontre des femmes et des minorités religieuses se sont poursuivies

Décombres d'immeubles résidentiels bombardés le 25 août 2017 à Sanaa, au Yémen, lors d'une attaque menée par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite. Cette attaque a tué au moins 16 civils dont sept enfants, et blessé 17 autres dont huit enfants. © 2017 Mohammed al-Mekhlafi

(Beyrouth, le 18 janvier 2017) – En 2017, l’Arabie saoudite a annoncé des réformes pour renforcer les droits des femmes, notamment en mettant fin à l’interdiction de conduire un véhicule, mais Riyad a également intensifié les arrestations et les poursuites judiciaires visant les militants en quête de réformes ou d’opposition pacifique, a déclaré aujourd’hui Human Right Watch dans son Rapport mondial 2018.

Depuis le 26 mars 2015, l’Arabie saoudite est à la tête d’une coalition militaire de huit pays ligués contre les Houthistes au Yémen et les forces loyales à l’ex-président Ali Abdullah Saleh, laquelle s’est rendue coupable de nombreuses violations du droit international humanitaire. Human Rights Watch a documenté 87 attaques illégales perpétrées par la coalition, dont certaines peuvent être assimilées à des crimes de guerre, causant près de 1 000 pertes civiles et la destruction de maisons, marchés, hôpitaux, écoles et mosquées.

« L’image de réformiste soigneusement entretenue de Mohammad bin Salman ne tient pas devant la catastrophe humanitaire qui sévit au Yémen et les nombreux militants et dissidents politiques qui croupissent dans les prisons saoudiennes pour des chefs d’inculpation fabriqués de toutes pièces », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les réformettes sur les droits des femmes ne dissimulent pas les abus systémiques de l’Arabie saoudite. »

Dans cette 28e édition annuelle de son Rapport mondial (version intégrale en anglais 643 pages - version abrégée en français 180 pages – PDF), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Dans son introduction au Rapport, le directeur exécutif Kenneth Roth observe que certains dirigeants politiques, prêts à défendre les principes des droits humains, ont démontré qu'il est possible de limiter l'impact des programmes populistes autoritaires. Lorsqu’ils ont pu s’appuyer sur une opinion publique mobilisée et des acteurs multilatéraux efficaces, ces dirigeants ont démontré que la montée des gouvernements hostiles aux droits humains n'a rien d'inéluctable.

En 2017, plus d’une douzaine d’activistes de premier plan condamnés pour de vagues accusations liées à leurs activités pacifiques purgeaient de longues peines de prison. D’autres ont été jugés pour des infractions similaires.

Le 5 juin, l’Arabie saoudite, Bahreïn et les Émirats arabes unis ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar et ordonné l’expulsion des citoyens qataris de leurs territoires respectifs et le rapatriement de leurs ressortissants établis au Qatar.

À la mi-septembre, les autorités saoudiennes ont arrêté des dizaines de personnes, dont des dignitaires religieux et des intellectuels d’envergure, lors de ce qui semblait être une répression coordonnée de la dissidence. Le 4 novembre, sur la foi d’allégations de corruption, les autorités saoudiennes ont procédé à une purge massive de princes, d’anciens et d’actuels hauts responsables gouvernementaux et d’hommes d’affaires importants. Selon les médias, certains d’entre eux ont été détenus dans un hôtel cinq étoiles à Riyad et contraints, en échange de leur remise en liberté, de céder leurs biens, dans l’illégalité la plus totale.

Entre janvier et début décembre 2017, l’Arabie saoudite a exécuté 133 condamnés. Cinquante-sept de ces exécutions font suite à des infractions non-violentes pour trafic de stupéfiants. En vertu du droit international des droits de l’homme, les États ne devraient appliquer la peine capitale que pour les « délits les plus graves ».

L’Arabie Saoudite ne tolère pas d’autre confession que l’islam. Les minorités religieuses musulmanes, notamment les chiites duodécimains et les ismaéliens, font l’objet d’une discrimination systématique, notamment dans l’éducation publique, le système judiciaire, la liberté religieuse et l’accès au marché de l’emploi. Les autorités religieuses affiliées au gouvernement dénigrent l’Islam chiite dans des déclarations et des documents publics, malgré l’engagement de Mohammad bin Salman à faire opérer à son pays un retour à un islam plus « modéré ».

Le système de tutelle masculine discriminatoire de l’Arabie saoudite se poursuit, en dépit des réformes de 2017, qui ont interdit l’imposition de restrictions au nom de cette tutelle « non officielle ». En vertu de ce système, les femmes adultes doivent obtenir la permission d’un tuteur, généralement un mari, un père, un frère ou un fils, pour voyager, se marier ou être libérée de prison. Le consentement préalable du tuteur est parfois nécessaire pour obtenir un emploi ou recevoir des soins de santé. Les femmes se heurtent régulièrement à des difficultés pour effectuer une série de formalités en l’absence d’un homme de leur famille, qu’il s’agisse de la location d’un appartement ou du dépôt d’une plainte. En septembre, les autorités ont annoncé qu’elles mettraient fin en juin 2018 à l’interdiction de conduire pour les femmes, mais certaines militantes des droits des femmes auraient été mises en garde de ne pas s’exprimer publiquement au sujet de cette décision.

« L’Arabie saoudite devrait remettre en liberté les militants emprisonnés et prendre d’autres mesures concrètes et visibles pour démontrer la volonté du gouvernement d’améliorer son triste bilan en matière de droits de l’homme », a conclu Sarah Leah Whitson.

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Tweets - Août 2018

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