(Tunis) – Durant l’année 2017, la Tunisie n’a pas avancé dans la réforme de ses législations répressives ni dans la mise en place d’institutions clés destinées à protéger les droits humains, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, à l’occasion de la publication de son Rapport mondial 2018. Tout en réalisant des avancées pour les droits des femmes, les législateurs ont adopté des lois qui menacent la transition démocratique en accordant l’amnistie pour certains délits de corruption et sont en train d’étudier un projet de loi qui renforcerait l’impunité des forces de sécurité et pénaliserait l’expression pacifique.
« Comme une amibe, la Tunisie avance dans plusieurs directions à la fois, certaines bénéfiques, d’autres nocives », a déclaré Amna Guellali, directrice de Human Rights Watch à Tunis. « Parmi les directions erronées, on compte la nouvelle loi qui amnistie certaines formes de corruption et un projet de loi qui voudrait sanctionner le fait de critiquer la police. »
Dans cette 28e édition annuelle de son Rapport mondial (version intégrale en anglais 643 pages - version abrégée en français 180 pages – PDF), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Dans son introduction au Rapport, le directeur exécutif Kenneth Roth observe que certains dirigeants politiques, prêts à défendre les principes des droits humains, ont démontré qu'il est possible de limiter l'impact des programmes populistes autoritaires. Lorsqu’ils ont pu s’appuyer sur une opinion publique mobilisée et des acteurs multilatéraux efficaces, ces dirigeants ont démontré que la montée des gouvernements hostiles aux droits humains n'a rien d'inéluctable.
La constitution tunisienne, adoptée en janvier 2014, prévoit la création d’une Cour constitutionnelle dotée du pouvoir d’abroger les lois qui ne seraient pas conformes aux normes internationales relatives aux droits humains. Pourtant les autorités n’ont toujours pas mis en place cette cour ni désigné ses membres.En matière de droits des femmes, la Tunisie continue à montrer l’exemple au sein du monde arabe, a déclaré Human Rights Watch. Le 26 juillet, le Parlement a adopté une loi complète destinée à lutter contre la violence à l’égard des femmes, comprenant des dispositions pour prévenir les violences, protéger les rescapées et poursuivre les auteurs de ces abus. La loi a également annulé une disposition du Code pénal qui permettait à un violeur d’échapper aux sanctions pénales s’il épousait sa victime.
Le 14 septembre, le ministère de la Justice a annoncé qu’il avait abrogé une directive de 1973 interdisant le mariage d’une femme tunisienne à un homme non musulman.
D’un autre côté, les autorités ont continué à se servir du Code pénal pour sanctionner des discours pacifiques. Des policiers se sont servis de l’article 125 du Code pénal, qui pénalise l’« outrage à un fonctionnaire public », afin d’arrêter des personnes qui s’étaient querellées avec eux, avaient suivi leurs ordres trop lentement ou bien avaient porté plainte contre des policiers. Certaines de ces personnes ont été poursuivies par la suite, voire emprisonnées.
Le Parlement a adopté la loi n°2017-62, « relative à la réconciliation dans le domaine administratif », qui protège des poursuites judiciaires les fonctionnaires qui ont été impliqués dans la corruption et le détournement de fonds publics, mais sans en retirer de bénéfices personnels. Cette loi sape le travail de l’Instance de la vérité et de la dignité, instaurée en 2014, qui est compétente pour enquêter à la fois sur les anciennes violations des droits humains et sur les délits économiques.
Bien qu’il ait accepté une recommandation, lors de l’Examen périodique universel de la Tunisie auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies au mois de mai, le poussant à mettre immédiatement fin à la pratique des examens anaux destinés à « prouver » l’homosexualité, le gouvernement n’a encore pris aucune mesure concrète pour tenir sa promesse. Les autorités ont continué à poursuivre les hommes supposés homosexuels en vertu de l’article 230 du Code pénal, qui punit la « sodomie » d’un à trois ans de prison.
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— HRW en français (@hrw_fr) 21 janvier 2018
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— GéopolisAfrique (@GeopolisAfrique) 22 janvier 2018