(Beyrouth) – Le gouvernement du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a observé en 2017 peu de limites à sa répression féroce de toute forme de dissidence, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans son Rapport mondial 2018. Alors que le pays était confronté à de graves menaces de sécurité et à des attaques de groupes armés, le gouvernement a introduit une série de lois répressives, rétabli l'état d'urgence abusif et envoyé des milliers de civils devant des tribunaux militaires qui, ainsi que des tribunaux civils, ont prononcé des dizaines de condamnations à mort dans des procès entachés d'irrégularités.
Il est peu probable qu'Al-Sissi soit confronté à un défi sérieux pour obtenir un deuxième mandat lors de l’élection présidentielle de 2018, prévue en mars et avril. Son gouvernement contrôle étroitement les médias locaux, poursuit les journalistes et les activistes critiques, et maintient une politique de tolérance zéro pour l'exercice du droit de réunion pacifique, éliminant ainsi les exigences fondamentales pour des élections justes.
« En examinant le bilan de l'Égypte pour 2017, il semble que l'application de la violence et de la répression pour décimer l'État de droit et l'opposition pacifique soit la principale réalisation d'al-Sissi », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Étant donné la façon dont les choses évoluent, la répression du gouvernement continuera à étouffer les aspirations et les droits légitimes des citoyens. »
Dans cette 28e édition annuelle de son Rapport mondial (version intégrale en anglais 643 pages - version abrégée en français 180 pages – PDF), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Dans son introduction au Rapport, le directeur exécutif Kenneth Roth observe que certains dirigeants politiques, prêts à défendre les principes des droits humains, ont démontré qu'il est possible de limiter l'impact des programmes populistes autoritaires. Lorsqu’ils ont pu s’appuyer sur une opinion publique mobilisée et des acteurs multilatéraux efficaces, ces dirigeants ont démontré que la montée des gouvernements hostiles aux droits humains n'a rien d'inéluctable.
L'Agence de sécurité nationale, qui dépend du ministère de l'Intérieur, opérant en toute impunité, a été responsable de certains des abus les plus flagrants en 2017, notamment l'utilisation généralisée et systématique de la torture pour extorquer des aveux, généralement après la disparition forcée des détenus par les forces de sécurité. De nombreux incidents ont ressemblé à des exécutions extrajudiciaires, notamment de personnes précédemment détenues, lors de « fusillades » organisées.Al-Sissi a décrété un état d'urgence à l'échelle nationale en avril, à la suite des attentats à la bombe d’églises revendiqués par l'État islamique (EI), qui ont fait 47 morts le dimanche des Rameaux. Au mois de janvier 2018, il l'avait déjà prolongé à trois reprises. La loi d'urgence de 1958 confère aux forces de sécurité des pouvoirs incontrôlés pour arrêter et détenir des personnes et permet au gouvernement d'imposer la censure des médias et d'ordonner des expulsions forcées. Les autorités ont utilisé des lois antiterroristes abusives afin de placer des centaines de personnes sur des listes de terroristes et de saisir leurs biens pour liens présumés avec le terrorisme, sans procédure régulière.
Al-Sissi a également ratifié en mai une nouvelle loi sur les associations qui, si elle était mise en œuvre, pourrait éliminer l'espace limité restant pour les organisations indépendantes. Cette loi criminalise le travail des organisations non gouvernementales, prévoyant de longues peines de prison pour non-respect de ses dispositions, par exemple en fonctionnant ou en recevant des fonds sans l'approbation du gouvernement.
En octobre, le gouvernement a rétabli les tristement célèbres Cours de sûreté de l'État d'urgence, dont les décisions ne sont pas susceptibles d'appel. Les autorités ont référé des détenus politiques à ces tribunaux, même pour des délits mineurs.
Les procureurs militaires ont envoyé des centaines de civils, dont des enfants, pour qu’ils soient jugés dans des procès militaires, ce qui porte à plus de 15 000 le nombre de civils impliqués dans des poursuites militaires en trois ans. En 2017, la Cour de cassation a confirmé les condamnations à mort d'au moins 22 personnes, tandis que la Cour suprême d'appel militaire a confirmé la condamnation à mort de 19 autres personnes qui ont été par la suite exécutées.
Le gouvernement a maintenu environ 17 journalistes en prison et bloqué des centaines de sites d'information, notamment d’organisations de défense des droits humains telles que Human Rights Watch et Reporters sans frontières.
Les autorités ont arrêté ou inculpé au moins 57 travailleurs en 2017 seulement pour des grèves et des manifestations pacifiques sur le lieu de travail. Les forces de sécurité ont également arrêté au moins 75 personnes et activistes gays et transgenres, dont plus de 40 ont déjà été condamnées à des peines de prison.
La campagne gouvernementale dans le nord du Sinaï a été marquée par des abus généralisés, notamment des détentions secrètes, des exécutions extrajudiciaires et des procès militaires contre des civils. En avril, une vidéo confirmée comme étant authentique montre des officiers de l'armée et des membres de la milice pro-armée exécutant des détenus aux yeux bandés. Le groupe armé Wilayat Sinaï, affilié à l’État islamique, a pris pour cible des résidents perçus comme des collaborateurs et des chrétiens, ainsi que les forces de sécurité. En novembre, une attaque contre une mosquée proche d'Al-Arish, qui ressemblait à une attaque de l'État islamique, a fait au moins 300 morts parmi les civils. Les attaques répétées contre les chrétiens du gouvernorat ont entraîné le déplacement forcé de centaines de familles chrétiennes.
Les alliés internationaux de l'Égypte ont rarement critiqué publiquement ses graves violations des droits humains. Cependant, en août, les États-Unis ont supprimé 100 millions de dollars US et retenu 195 millions de dollars US de plus sur leur aide pour l'Égypte, invoquant des violations des droits humains.
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— HRW en français (@hrw_fr) 22 janvier 2018