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Russie : 2017, une année sombre pour la liberté

Une année marquée par des lois répressives, des poursuites contre des opposants et divers abus commis en toute impunité

La police antiémeute arrête un manifestant lors d’une marche contre la corruption rue Tverskaya, en plein cœur de Moscou, en Russie, le 12 juin 2017.  © 2017 Maxim Shemetov/Reuters
(Moscou) –Le gouvernement russe a intensifié en 2017 sa répression contre l’opposition politique et les manifestants pacifiques, en prévision des élections qui seront tenues en 2018, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans de son Rapport mondial 2018.

Le gouvernement a également pris de nouvelles mesures pour prévenir tout changement, et le parlement adopté des lois restreignant encore davantage la liberté d’expression en ligne et la liberté de la presse. Les autorités ont harcelé avec violence des militants politiques et civiques et intensifié les poursuites judiciaires contre la liberté d’expression en ligne. Les responsables de la sécurité tchétchènes, aux ordres de dirigeants locaux, ont procédé à une vaste purge antigay, pour laquelle les autorités fédérales n’ont pas ouvert de poursuites.

« L’année 2017 a été une année noire pour les voix indépendantes en Russie », a déclaré Tanya Lokshina, directrice du progamme Russie et chercheuse senior auprès de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « À l’approche de l’élection présidentielle de mars 2018, le Kremlin prend des mesures répressives pour dissuader l’opposition politique, le militantisme indépendant et la critique. »

Dans cette 28e édition annuelle de son Rapport mondial (version intégrale en anglais, 643 pages - version abrégée en français, 180 pages – PDF), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Dans son introduction au Rapport, le directeur exécutif Kenneth Roth observe que certains dirigeants politiques, prêts à défendre les principes des droits humains, ont démontré qu'il est possible de limiter l'impact des programmes populistes autoritaires. Lorsqu’ils ont pu s’appuyer sur une opinion publique mobilisée et des acteurs multilatéraux efficaces, ces dirigeants ont démontré que la montée en puissance des gouvernements hostiles aux droits humains n'a rien d'inéluctable.

Rien qu’au cours du premier semestre 2017, le nombre de personnes condamnées en Russie à une amende pour avoir enfreint la réglementation des rassemblements publics était deux fois et demie plus élevé qu’en 2016. Dans la plupart des cas, les autorités ont refusé d’autoriser des manifestations et placé en détention arbitraire, harcelé et intimidé des manifestants pacifiques, notamment des élèves et des étudiants, ainsi que les parents d’élèves qui y ont participé.

Les autorités ont systématiquement perturbé la campagne présidentielle mené par l’opposant politique et militant anticorruption Alexei Navalny. Bien qu’officiellement inéligible en raison d’une condamnation à caractère politique, Navalny a ouvert des QG de campagne dans la plupart des régions de la Russie. La police les a perquisitionnés, y a saisi sans raison des documents, placé en détention des militants sur la base d’accusations sans fondement, et également perquisitionné les domiciles de militants locaux et de leurs proches. Des groupes ultranationalistes et des militants pro-Kremlin s’en sont pris de façon de plus en plus ciblée aux militants et aux bureaux de Navalny. Des assaillants ont saccagé les QG de campagne ou les domiciles de militants, interrompu des réunions et même agressé physiquement certains d’entre eux.

Plusieurs attaques violentes ont également été commises contre des militants indépendants et des journalistes. Fin décembre à Krasnodar, des assaillants masqués s’en sont pris à trois militants pro- environnement et à un journaliste. L’une des victimes, Andrei Rudomakha, a été hospitalisée en soins intensifs, après avoir subi une fracture du crâne et un nez cassé.

Les autorités ont poursuivi leur vaste campagne de dénigrement d’organisations non gouvernementales indépendantes et sanctionné sept d’entre elles pour leur prétendue coopération avec des organisations étrangères interdites en Russie, car considérées comme « indésirables ».

Une loi adoptée en juillet a interdit l’utilisation anonyme d’applications et de logiciels de messagerie en ligne conçus pour contourner la censure sur Internet. En novembre, le parlement a adopté une loi permettant au gouvernement de désigner une organisation ou une plateforme médiatiques d’origine étrangère comme « média étranger remplissant les fonctions d’un agent étranger » et de la contraindre par conséquent à se conformer aux réglementations restrictives applicables aux organisations non gouvernementales prévues par la loi de 2012 « sur les agents étrangers ».

La loi permet également aux autorités de bloquer de manière extrajudiciaire les sites contenant des « éléments d’information en provenance d’organisations indésirables » ou des appels à des rassemblements publics non autorisés et à des actions extrémistes, y compris les informations accessibles via des hyperliens. En décembre, les autorités ont menacé de bloquer Twitter et YouTube si ces deux compagnies ne parvenaient pas à supprimer le contenu d’une organisation « indésirable » interdite. Les négociations à ce sujet se poursuivent.

Au début du printemps, les responsables sécuritaires en Tchétchénie ont illégalement raflé des dizaines d’hommes suspectés d’être gays, les plaçant dans des centres de détention non déclarés où ils ont été torturés, révélant leur homosexualité à leurs familles et encourageant les crimes d’honneur. Les dirigeants tchétchènes ont réagi au tollé médiatique suscité par ces actions en affirmant qu’il n’existe pas d’homosexuels en Tchétchénie et en accusant journalistes et militants des droits humains de chercher à déstabiliser la république. Les autorités fédérales ont ouvert une enquête, sans résultat. Début janvier 2018, les autorités tchétchènes ont arrêté le directeur du centre de défense des droits humains Memorial Men, Oyub Titiev, accusé sans fondement de trafic de stupéfiants.

Malgré les nombreux cas de violence domestique à travers le pays, le gouvernement russe a promulgué en février une loi dépénalisant de tels actes lorsqu’ils n’occasionnent pas de lésions graves.

Les ouvriers des chantiers des stades en cours de construction pour la Coupe des Confédérations de la FIFA 2017 et la Coupe du Monde 2018 ont fait l’objet d’une exploitation, sous la forme d’une absence de contrats, de salaires non payés et de représailles pour avoir signalé des abus.

Les autorités russes ont intensifié leur répression contre les critiques de l’occupation de la Crimée, principalement des Tatars de Crimée, et fourni un appui politique et matériel aux séparatistes armés autoproclamés dans l’est de l’Ukraine tout en fermant les yeux sur les abus commis par ces derniers.

Les forces syriennes et russes ont perpétré des attaques illégales en Syrie, en particulier des attaques aériennes contre des écoles et des hôpitaux, et largué par voie aérienne des bombes à sous-munitions et des armes incendiaires sur des centre de population. La Russie a protégé le gouvernement syrien des conséquences de ses violations du droit de la guerre. Depuis 2011, elle a exercé son veto de membre permanent du Conseil de sécurité à 11 reprises pour protéger Damas de sanctions ou empêcher le renvoi de la situation en Syrie devant la Cour pénale internationale (CPI).

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Mars 2018 :

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