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États-Unis /Afrique : Les droits humains devraient figurer au cœur des discussions du sommet

Le président Obama devrait insister auprès des dirigeants africains pour mettre un terme à la répression dans divers pays

(Washington, le 4 août 2014) – Le Président Barack Obama devrait s’assurer que les questions relatives aux droits humains sont une priorité lors du sommet des dirigeants des États-Unis et de l’Afrique, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les préoccupations en matière de droits humains ne devraient pas être reléguées aux rencontres tenues en marge du sommet. Le thème du sommet devant se dérouler du 4 au 6 août à Washington est « Investir dans notre avenir ».

Le sommet accueille quelque 45 chefs d’État africains, dont une dizaine au moins dirigent des gouvernements répressifs qui ont emprisonné des journalistes, des défenseurs des droits humains et des militants anti-corruption. Nombre d’entre eux ont approuvé des lois qui répriment la liberté d’expression et ont utilisé les prétextes d’atteinte à la sûreté nationale de diffamation ou de violation de lois antiterroristes pour mener des poursuites contre des écrivains indépendants, des manifestants et des militants qui critiquent les politiques gouvernementales.

« Les graves problèmes de l’Afrique en matière de droits humains semblent avoir été relégués à l’arrière-plan du Sommet États-Unis, mais les objectifs de ce sommet en matière de développement et de sécurité sont étroitement liés aux questions de la répression, de la corruption et de l’État de droit », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le Président Obama devrait placer clairement les droits humains sur sa liste de sujets à aborder avec les dirigeants africains. »

L’administration Obama a fait un certain nombre de déclarations publiques et privées critiquant les gouvernements africains qui ont recouru à des méthodes répressives, mais ces déclarations ne reflètent pas une approche politique plus large qui pourrait aider à mener à l'abrogation ou la modification substantielle des lois répressives, selon Human Rights Watch.

Parmi les leaders attendus au sommet figure le président Eduardo Dos Santos, qui depuis plus de 30 ans gouverne l'Angola, troisième plus grand producteur de pétrole du continent. Il a utilisé les actions pénales basées sur la diffamation, les arrestations arbitraires et la force brutale de la police pour réduire au silence les médias et les citoyens du pays. Dans un cas, en septembre 2013, la police a arrêté un activiste et organisateur de manifestation âgé de 17 ans à cause de t-shirts portant la mention « dictateur dégoûtant » qui devaient être utilisés lors d'une manifestation. Les autorités ont arrêté, sévèrement battu et menacé trois journalistes qui ont interviewé certains des manifestants arrêtés.

En Éthiopie, le gouvernement a systématiquement bloqué toute opportunité pour la dissidence pacifique au cours de la dernière décennie. En 2009, il a adopté une loi draconienne régulant l'activité non gouvernementale qui interdit le travail sur les droits humains, la bonne gouvernance, la résolution des conflits, et le plaidoyer pour les droits des femmes, des enfants et des personnes handicapées si les organisations reçoivent plus de 10 pour cent de leurs fonds de pays étrangers. Les organisations de défense des droits humains les plus réputées du pays ont arrêté ou réduit leurs activités. Le gouvernement a également utilisé une loi antiterroriste de 2009 pour incarcérer et poursuivre arbitrairement des dizaines de journalistes, des manifestants et des dirigeants politiques de l'opposition. Plus récemment, en juillet, la police a inculpé trois journalistes et sept blogueurs connus comme le collectif « Zone 9 » après qu’ils ont écrit des articles appelant à des réformes et à l'opposition pacifique aux politiques gouvernementales. Ils ont été accusés d'avoir des liens avec des groupes interdits en vertu de la loi antiterroriste.

Au Rwanda, presqu’aucune voix indépendante ne s’exprime publiquement. Les journalistes et les militants ayant critiqué le gouvernement du président Paul Kagame ont été menacés, poursuivis, emprisonnés, contraints à l'exil, et même tués. Quelques semaines avant les élections présidentielles de 2010, Jean-Léonard Rugambage, journaliste au journal indépendant Umuvugizi, a été abattu devant sa maison dans la capitale, Kigali. Il enquêtait sur des affaires sensibles, notamment sur la tentative d’assassinat à l’encontre d’un éminent opposant au gouvernement qui vivait en exil.

Au Burundi, le gouvernement du Président Pierre Nkurunziza a renforcé son harcèlement contre les militants des droits humains et d'autres détracteurs. En mai, Pierre Claver Mbonimpa, 66 ans, le plus important militant des droits humains au Burundi, a été arrêté et inculpé d'atteinte à la sécurité de l'État et d’usage de faux documents. Le gouvernement a bloqué les manifestations contre son arrestation, et a interdit la diffusion d'une chanson sur Mbonimpa.

En Ouganda, les 28 années de mandat du président Yoweri Museveni se caractérisent par l’aggravation de la répression des droits fondamentaux. Le gouvernement a menacé des organisations travaillant sur un éventail de questions, notamment la corruption, la terre, le pétrole et la bonne gouvernance. Une loi de 2013 sur l'ordre public donne à la police de larges pouvoirs discrétionnaires pour l’autorisation des réunions publiques.

En Guinée équatoriale, pays riche en pétrole, le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, est au pouvoir depuis 35 ans, plus que tout autre chef d'État africain ou non-monarque dans le monde. Le gouvernement d'Obiang est caractérisé par la corruption, la répression et la torture. Les conditions relatives à l'enregistrement et au fonctionnement des organisations non gouvernementales sont si restrictives qu’aucune organisation indépendante de défense des droits humains ne peut s'enregistrer et fonctionner légalement. Les quelques militants qui cherchent à répondre aux préoccupations relatives aux droits humains sont en butte à l'intimidation, au harcèlement et aux représailles.

Au Swaziland, il y a eu une détérioration considérable de la situation des droits humains au cours des dernières années. Les partis politiques sont interdits, le pouvoir judiciaire est gravement compromis, et une loi antiterroriste a été utilisée pour cibler des organisations indépendantes et harceler des militants de la société civile. Le 25 juillet, Bhekithemba Makhubu, rédacteur en chef du mensuel d’information du Swaziland The Nation, et Thulani Maseko, un avocat des droits humains, ont été condamnés à deux ans de prison à l’issue d’un procès inéquitable après The Nation a publié deux articles de Maseko critiquant le juge en chef du Swaziland.

Des pratiques restrictives similaires contre des organisations non gouvernementales et des médias indépendants ont été utilisées en Gambie, en Somalie, au Tchad et au Cameroun, pays dont les dirigeants sont tous attendus à ce sommet. Trois autres dirigeants africains répressifs - Robert Mugabe, Isaias Afeworki et Omar al-Bachir, présidents respectivement du Zimbabwe, de l'Érythrée du Soudan - n'ont pas été invités. L'administration Obama a déclaré que leurs gouvernements ne sont pas « en bons termes » avec les États-Unis. Catherine Samba-Panza, présidente intérimaire de la République centrafricaine n’a pas été invitée parce que ce pays n'a pas encore tenu des élections nécessaires à sa réadmission au sein de l'Union africaine, l’un des critères de participation au sommet.

Les gouvernements de l’Éthiopie, de l’Ouganda, du Nigeria et du Kenya, entre autres, bénéficient de solides partenariats bilatéraux sur le développement et d’une assistance importante en matière de sécurité, même si leurs services de sécurité ont été impliqués dans des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des viols et d'autres violations graves. L'administration Obama n'a pas fait assez pour appuyer des enquêtes et des poursuites dans plusieurs de ces cas, selon Human Rights Watch.

Dans une grande partie de l'Afrique, la corruption endémique et la faiblesse des systèmes judiciaires minent systématiquement les droits des citoyens. Le pouvoir judiciaire, qui pourrait atténuer certaines atteintes aux droits humains dans de nombreux pays africains, est négligé ou manipulé, ce qui permet à une dangereuse culture de l'impunité de s’enraciner. Les responsables de violations graves des droits humains, de corruption et de répression soutenue par l'État sont rarement l’objet d’enquêtes et traduits en justice, ce qui laisse aux victimes peu d'espoir de recours juridique.

« Le Sommet des dirigeants des États-Unis et de l’Afrique est une occasion unique pour le Président Obama de prendre le parti des peuples africains et non des dirigeants répressifs », a conclu Daniel Bekele. « Le commerce, les investissements et l’amélioration de la sécurité au niveau mondial, questions cruciales au programme de ce sommet, ne se réaliseront que si les droits humains et l’État de droit sont respectés. »

 

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