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Guinée équatoriale : Il faut mettre fin aux tortures dans les prisons

Le président Obama devrait insister auprès du président Obiang pour qu'il fasse cesser les abus

(Washington, le 30 juillet 2014) – Le président des États-Unis, Barack Obama, et les autres dirigeants mondiaux qui doivent rencontrer la semaine prochaine le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, devraient dénoncer la torture, la corruption et les autres graves violations des droits humains commises dans ce pays, ont déclaré EG Justice et Human Rights Watch aujourd'hui. Obiang doit participer au Sommet des dirigeants américano-africain organisé sous l'égide du président Obama à Washington, du 4 au 6 août 2014.

Human Rights Watch a publié un rapport dans lequel sont documentés en détail trois exemples récents de graves violations des droits humains en Guinée équatoriale.
 
« Le président Obiang cherche à se débarrasser de son image de chef d'un régime corrompu et qui viole les droits humains », a déclaré Lisa Misol, chercheuse senior auprès de la division Entreprises et droits humains à Human Rights Watch. « Au lieu de lui donner l'occasion de faire une opération de relations publiques, le président Obama devrait insister pour qu'il soit mis fin à la pratique de la torture, à la corruption et à d'autres abus qui sont monnaie courante en Guinée équatoriale. »

Le président Obiang, qui fait depuis longtemps l'objet de controverses, est l'invité d'honneur d'un dîner offert le 7 août, exclusivement sur invitation, par le Corporate Council on Africa, une association d’entreprises américaines actives en Afrique qui co-organise également un « Forum économique équato-guinéen » devant se tenir le 8 août.

Le président Obiang, qui dirige la Guinée équatoriale depuis le 3 août 1979, détient le record de longévité au pouvoir parmi les chefs d'État africains et parmi les régimes non monarchiques dans le monde. La violente répression exercée par son gouvernement à l'encontre de ses opposants politiques, des organisations indépendantes de la société civile et des médias, ainsi que le haut degré de corruption prévalant dans son pays, ont entaché sa réputation sur la scène internationale.

La Guinée équatoriale est l'un des principaux producteurs de pétrole d'Afrique subsaharienne, et sa faible densité de population en fait le pays le plus riche du continent par tête d'habitant. Toutefois, la corruption et les priorités mal orientées du gouvernement ont permis à une petite élite proche du président de s'enrichir en profitant des ressources naturelles du pays, tandis que la majorité de la population vit dans des conditions socio-économiques pires que celles qui prévalent dans de nombreux pays africains dotés de beaucoup moins de ressources.

Le Département d'État américain, dans son dernier rapport annuel sur les droits humains dans le monde, identifie les plus graves violations de ces droits en Guinée équatoriale comme étant « le mépris des principes de l'État de droit et de la régularité des procédures judiciaires, y compris le recours à la torture et à une force excessive par la police; le non-respect des libertés d'expression, de réunion, d'association et de la presse; et une corruption généralisée de l'appareil d'État ».

Dans l'un des cas documentés par Human Rights Watch, Roberto Berardi, un hommes d'affaires italien, est incarcéré de manière injuste ?depuis plus de 18 mois dans une tentative apparente de l’empêcher de faire des révélations sur la corruption présumée du fils aîné d'Obiang, Teodoro (« Teodorín ») Nguema Obiang Mangue, deuxième vice-président du pays chargé de la défense et de la sécurité. Berardi a été torturé et s'est vu refuser des soins médicaux, a affirmé l'organisation.

Berardi a été arrêté en janvier 2013, puis a été jugé et condamné à plus de deux ans de prison, lors d'un procès que son avocat a décrit comme un effort pour l'empêcher de témoigner auprès du Département américain de la Justice et d'autres enquêteurs internationaux au sujet de la corruption présumée de Teodorín. Teodorín et Berardi sont conjointement propriétaires d'une entreprise de bâtiment et travaux publics en Guinée équatoriale.

Agustín Esono Nsogo, un enseignant emprisonné sans chef d'accusation pendant plus d'un an jusqu'à février 2014, a été torturé à trois reprises en étant suspendu par les mains et les pieds, et a été sévèrement battu au point de perdre toute faculté auditive dans une oreille, selon des déclarations de son avocat recueillies par Human Rights Watch.

Cipriano Nguema Mba, un ancien officier de l'armée équato-guinéenne qui avait obtenu le statut de réfugié en Belgique en 2013, a été enlevé alors qu'il était en visite au Nigéria fin 2013. Il a été illégalement renvoyé en Guinée équatoriale, où il a été détenu secrètement par les autorités gouvernementales et torturé. Il est toujours détenu et aurait été transféré dans une cellule isolée le 26 juillet 2014. C'est la seconde fois que Nguema est enlevé alors qu'il se trouve en exil à l'étranger. Son avocat a affirmé à Human Rights Watch qu'il n'avait pas été en mesure de lui rendre visite.

Le gouvernement Obiang a nié à plusieurs reprises le recours à la torture dans le pays. En 2013, lorsque le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies a procédé à l'examen périodique de la Guinée équatoriale, la délégation de ce pays a souligné « l'absence de torture dans les prisons du pays et les soins prodigués aux détenus ». Le président Obiang a également affirmé qu'« il n'y a pas de torture » en Guinée équatoriale.

Dans une contribution en février 2014 au Conseil des droits de l'homme de l'ONU, son gouvernement a affirmé qu'il appliquait fermement une politique consistant à « ne pas tolérer la pratique de la torture ou de la détention arbitraire, sous peine de sévères mesures de dissuasion ».

Le président Obiang exerce un contrôle démesuré sur le système judiciaire, qui manque totalement d'indépendance. Des avocats ont indiqué que les juges affirment être obligés de consulter le cabinet du président avant de prendre leurs décisions relatives aux affaires sensibles. Le président est désigné comme le « premier magistrat » du pays. Entre autres prérogatives, il préside l'organe qui supervise les juges et nomme les autres membres de cet organe.

Des procédures judiciaires sont utilisées pour intimider ou punir les personnes qui sont considérées comme déloyales à l'égard des autorités. Par exemple, Florentino Manguire, un autre ancien partenaire d'affaires de Teodorín Obiang, a passé plus de deux ans en prison sur la base d'accusations de vol non prouvées portées par ce dernier, qui à l'époque était ministre des Forêts. Manguire a bénéficié d'une grâce présidentielle en juin 2012. En août 2012, il a été de nouveau arrêté arbitrairement et détenu pendant 10 jours, puis libéré sans faire l’objet de chefs d'accusation et après avoir reçu le ferme avertissement de ne pas divulguer d'informations concernant Teodorín.

Le président Obama a invité tous les dirigeants africains «qui jouissent d’une bonne réputation [in good standing] auprès des États-Unis et de l'Union africaine » à participer au Sommet américano-africain.

Pour le président Obiang, la mention selon laquelle son gouvernement est « de bonne réputation » (« in good standing »), ainsi que la possibilité de participer au sommet aux côtés d'Obama et des autres chefs d'État, représente un grand succès dans les domaines diplomatique et des relations publiques.

Afin d'améliorer son image, le président Obiang a fait appel à des sociétés de relations publiques, versé d'importantes donations à des organisations internationales, effectué de nombreux voyages dans d'autres pays et a fait construire de luxueux centres de conférences pour accueillir des événements internationaux susceptibles d'attirer des personnalités en vue en Guinée équatoriale.

« Il est choquant de constater que le tapis rouge sera déroulé pour le président Obiang à Washington, alors que les personnes perçues comme des opposants à son régime en Guinée équatoriale sont jetées en prison et brutalisées », a déclaré Tutu Alicante, un avocat équato-guinéen qui a fondé EG Justice en exil. « Nous espérons que le président Obama lui dira sans ambages qu'il est temps de mettre fin aux emprisonnements arbitraires, à la torture et à la corruption alimentée par la manne pétrolière. »

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Version intégrale en anglais, incluant davantage d'informations sur des cas spécifiques de torture dans les prisons en Guinée équatoriale : www.hrw.org/node/127741

 

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