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Le Conseil d’État valide la dissolution d’une organisation anti-discrimination

Une décision susceptible d’avoir un impact dissuasif sur la société civile en France et au-delà

Manifestation du Front contre l'islamophobie et pour l'égalité des droits pour tou·te·s, tenue à Paris le 21 mars 2021. © 2021 Alain Jocard/AFP via Getty Images

Le 24 septembre, la plus haute juridiction administrative de France, le Conseil d’État, a validé la dissolution, décidée en décembre 2020 par les autorités françaises, du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), une importante association anti-discrimination. Cette décision du Conseil d’État nuit sérieusement à la réputation auto-proclamée du pays de champion des libertés d’expression et d'association.

Au cours des années, le CCIF a joué un rôle clé en fournissant un soutien juridique à des personnes confrontées à des discriminations envers les musulmans et en documentant l’impact discriminatoire à leur encontre des mesures antiterroristes prises par la France.

Dans son jugement, le Conseil d’État a affirmé que la dénonciation par le CCIF de l’hostilité de la France vis-à-vis des musulmans dans le cadre de sa lutte contre le terrorisme, ainsi que le fait que l’association se soit abstenue de « modérer » des commentaires antisémites et d’autres commentaires hostiles affichés par des tiers en réponse à des publications du CCIF sur les réseaux sociaux, constituaient des incitations à la discrimination, à la haine et à la violence, justifiant la décision de la dissoudre. Le Conseil a également accepté des allégations controversées selon lesquelles le CCIF entretenait des liens étroits avec des partisans de l’islamisme radical, notamment par l’intermédiaire de son ancien directeur exécutif.

Selon le droit international et européen en matière de droits humains, les États ne peuvent restreindre les droits aux libertés d'association, de religion et de conviction, et d’expression que lorsqu’une telle restriction repose sur une base légale, qu’elle est nécessaire et proportionnée. La dissolution d’une association indépendante devrait être une mesure de dernier ressort, à prendre dans les cas où elle prône une menace claire et imminente de violence ou a agi en grave violation de la loi. Le Conseil d’État a rejeté tous les autres arguments du gouvernement français selon lesquels le CCIF représentait une telle menace, mais a tout de même approuvé la décision de le dissoudre.

La dissolution du CCIF intervient dans le cadre d’une répression plus large de la part des autorités françaises en réponse à des attaques imputées à des extrémistes islamistes. Une loi controversée visant à « lutter contre le séparatisme et les atteintes à la citoyenneté [française] » a été adoptée en août dernier, suscitant des préoccupations de la part de Commission nationale consultative des droits de l’homme en France et de la Commission européenne.

La dissolution du CCIF et la décision du Conseil d’État de la semaine dernière sont susceptibles d’avoir un effet dissuasif sur les libertés d’expression et d'association des personnes qui travaillent dans le domaine de la non-discrimination en France et ailleurs en Europe. Fermer le CCIF affaiblit la crédibilité du pays en tant que champion des droits et offre un dangereux exemple à d’autres gouvernements prompts à recourir à des lois vaguement formulées afin de réduire leurs détracteurs au silence. Les autorités françaises devraient cesser d’imposer une censure aux organisations de la société civile et démontrer au contraire leur attachement aux libertés d’expression et d'association, ainsi que leur détermination à lutter contre les discriminations.

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