Skip to main content

Gaza : Les frappes israéliennes illégales contre des hôpitaux aggravent la crise sanitaire

Les bombardements et le blocus déciment le système de santé, et devraient faire l’objet d’enquêtes en tant que crimes de guerre présumés

Des membres du personnel médical de l'Hôpital indonésien de Gaza soignaient un homme palestinien blessé lors d'une frappe israélienne, à l'aide d’une lampe de poche en raison de la coupure d'électricité imposée par Israël, le 10 novembre 2023. © 2023 Anas al-Shareef/Reuters
  • Les attaques répétées et apparemment illégales menées par l’armée israélienne contre des établissements de santé, des membres du personnel médical et des moyens de transport sanitaire continuent de détruire le système de santé de la bande de Gaza et devraient faire l’objet d’enquêtes en tant que possibles crimes de guerre.
  • Les préoccupations concernant les attaques disproportionnées sont amplifiées pour les hôpitaux. Même la menace d’une attaque ou de dommages mineurs peut avoir d’énormes conséquences mortelles pour les patients et les soignants.
  • Le gouvernement israélien devrait mettre fin aux attaques contre les hôpitaux. La Commission d’enquête internationale indépendante sur le territoire palestinien occupé et la CPI devraient enquêter sur ces attaques.

(Jérusalem, 14 novembre 2023) – Les attaques répétées et apparemment illégales menées par l’armée israélienne contre des établissements de santé, des membres du personnel médical et des moyens de transport sanitaire continuent de détruire le système de santé de la bande de Gaza et devraient faire l’objet d’enquêtes en tant que possibles crimes de guerre, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le 5 novembre, l’armée israélienne a dénoncé « l’utilisation cynique des hôpitaux par le Hamas » ; néanmoins, aucune preuve de cette pratique ne justifierait de priver les hôpitaux et les ambulances de la protection qui devrait leur être accordée en vertu du droit international humanitaire.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a indiqué qu'au 12 novembre, au moins 521 personnes, dont 16 membres du personnel médical, avaient été tuées lors de 137 « attaques contre les soins de santé » à Gaza. Parallèlement aux décisions d'Israël de couper l’accès à l'électricité et à l'eau, et de bloquer l’acheminement d’aide humanitaire, ces attaques ont gravement entravé l'accès aux soins de santé à Gaza. Le 10 novembre, les Nations Unies ont indiqué que deux tiers des établissements de soins primaires et la moitié de tous les hôpitaux de Gaza ne fonctionnaient pas, alors même que le nombre de patients gravement blessés est particulièrement élevé. Les hôpitaux sont à court de médicaments et d'équipements de base ; des médecins ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils étaient obligés d'opérer sans anesthésie, et d'utiliser du vinaigre comme antiseptique.

« Les attaques répétées d’Israël, qui ont endommagé des hôpitaux déjà durement touchés par le blocus illégal, et mis en danger les professionnels de la santé, ont dévasté l’infrastructure sanitaire de Gaza », a déclaré A. Kayum Ahmed, conseiller spécial sur le droit à la santé à Human Rights Watch. « Les frappes contre les hôpitaux ont tué des centaines de personnes, et menacé la santé de nombreux patients qui ne peuvent plus recevoir de soins médicaux appropriés. »

Entre le 7 octobre et le 7 novembre, Human Rights Watch a enquêté sur des attaques contre ou à proximité de cinq établissements de santé à Gaza : l'Hôpital indonésien, l'Hôpital al-Ahli, le Centre international de soins oculaires, l'Hôpital de l'Amitié turco-palestinienne et l'Hôpital al-Quds. Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec deux personnes déplacées qui se sont réfugiées dans des hôpitaux à Gaza, et 16 membres du personnel dans ces hôpitaux ; Human Rights Watch a aussi analysé et vérifié des données de sources publiques, notamment des vidéos publiées sur les réseaux sociaux et des images satellite, ainsi que des bases de données de l'OMS.

Les forces israéliennes ont frappé l'Hôpital indonésien à plusieurs reprises entre le 7 et le 28 octobre, tuant au moins deux civils. Le Centre international de soins oculaires a été frappé à plusieurs reprises et complètement détruit après une frappe les 10 et 11 octobre. Les 30 et 31 octobre, des frappes ont touché l'enceinte et les environs de l'Hôpital de l'Amitié turco-palestinienne ; les dommages subis ainsi que le manque de carburant pour les générateurs de l'hôpital ont entraîné sa fermeture le 1er novembre. Des frappes israéliennes répétées ont endommagé l'Hôpital al-Quds, et blessé un homme et un enfant devant l'hôpital. Les forces israéliennes ont aussi frappé à plusieurs reprises des ambulances, tuant et blessant au moins une douzaine de personnes lors d'un incident le 3 novembre, dont des enfants, devant l'Hôpital al-Shifa.

Ces incidents n’étaient pas des cas isolés. Les forces israéliennes ont également mené de nombreuses frappes endommageant plusieurs autres hôpitaux à travers Gaza. L'OMS a rapporté qu'au 10 novembre, 18 des 36 hôpitaux et 46 des 72 cliniques de soins primaires avaient été contraints de fermer leurs portes. La fermeture forcée de ces installations résulte des dégâts causés par les attaques, ainsi que du manque d'électricité et de carburant.

Les hôpitaux et autres installations médicales sont des biens civils bénéficiant de protections spéciales en vertu du droit international humanitaire (droit de la guerre). Les hôpitaux ne perdent leur protection contre les attaques que s’ils sont utilisés pour commettre des « actes nuisibles à l’ennemi », et après avoir reçu et ensuite ignoré un avertissement par les forces ennemies. Ordonner aux patients, au personnel médical et à d’autres personnes d’évacuer un hôpital ne doit être utilisé qu’en dernier recours. Le personnel médical doit être protégé et autorisé à faire son travail.

Toutes les parties belligérantes doivent veiller constamment à minimiser les dommages causés aux civils. Les attaques contre des hôpitaux utilisés pour commettre des « actes nuisibles à l’ennemi » demeurent illégales si elles sont indiscriminées ou disproportionnées. L’utilisation d’armes explosives dans des zones densément peuplées accroît la nature « indiscriminée »de ces attaques. Les attaques dans lesquelles les pertes anticipées en vies civiles et en biens sont excessives par rapport aux gains militaires concrets et directs sont considérées comme « disproportionnées ». Les inquiétudes concernant les attaques disproportionnées sont amplifiées en ce qui concerne les hôpitaux, car des attaques ou dommages – même mineurs – peuvent avoir de graves conséquences mortelles pour les patients et leurs soignants.

L’armée israélienne a affirmé le 27 octobre que le Hamas utilise les hôpitaux comme « infrastructures terroristes », en publiant des images concernant le plus grand hôpital de Gaza, l’Hôpital al-Shifa. Israël a également allégué que le Hamas utilisait l'Hôpital indonésien pour cacher un centre de commandement et de contrôle souterrain et qu'il avait déployé une rampe de lancement de roquettes à 75 mètres de l'hôpital.

Ces affirmations sont contestées ; Human Rights Watch n’a pas été en mesure de les corroborer. Mais même si elles sont avérées, Israël n’a pas démontré que ses attaques contre les hôpitaux étaient proportionnées.

Le gouvernement israélien devrait immédiatement mettre fin aux attaques illégales contre les hôpitaux, les ambulances et autres biens civils, ainsi qu'à son blocus total de la bande de Gaza, qui équivaut au crime de guerre de punition collective, a déclaré Human Rights Watch. Le Hamas et les autres groupes armés palestiniens devraient prendre toutes les précautions possibles pour protéger les civils sous leur contrôle des effets des attaques, et ne pas utiliser les civils comme « boucliers humains ».

La Commission d’enquête internationale indépendante sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël devraient enquêter sur les attaques israéliennes apparemment illégales contre les infrastructures de santé à Gaza.

Le Procureur de la Cour pénale internationale a compétence sur les hostilités actuelles entre Israël et les groupes armés palestiniens. Selon le Statut de Rome de la CPI « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre… [des] unités et moyens de transport sanitaires » est un crime de guerre.

Les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Allemagne et d’autres pays devraient suspendre leur aide militaire et leurs ventes d’armes à Israël tant que ses forces continueront de commettre contre les civils palestiniens en toute impunité des abus graves et généralisés, dont certains constituent des crimes de guerre. Les gouvernements étrangers devraient exiger qu’Israël rétablisse l’approvisionnement en électricité et en eau vers Gaza et autorise l’acheminement du carburant et d’aide humanitaire.

Texte complet en anglais : en ligne ici.

…………

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.