Résumé
Quand le directeur a découvert que j'étais enceinte, il m'a appelée à son bureau et m'a dit : « Vous devez quitter notre école immédiatement parce que vous êtes enceinte ».
— Jamida K., Kahama, Tanzanie, avril 2014
Nous n'autorisons pas les filles enceintes à poursuivre leurs études. Nous leur demandons de rentrer chez elles et de revenir après la naissance du bébé. Une fille enceinte qui se rend à l’école risque de subir les moqueries d'autres élèves et d’exercer une mauvaise influence.
— Kenneth Tengani Malemia, directeur adjoint, école primaire de Dyeratu, district de Chikwawa, Malawi, septembre 2013
Selon les Nations Unies, le continent africain a les taux de grossesse chez les adolescentes les plus élevés au monde. Chaque année, des milliers de filles tombent enceintes alors qu’elles devraient être en train d’apprendre l'histoire, l'algèbre et les compétences de la vie quotidienne. Les adolescentes qui ont des grossesses précoces et non désirées sont confrontées à de nombreux obstacles sociaux et financiers entravant la poursuite de leur éducation formelle.
Toutes les filles ont droit à l'éducation, indépendamment de leur grossesse, de leur statut matrimonial ou de mère. Le droit des filles enceintes, et parfois mariées, à poursuivre leurs études a suscité des discussions passionnées dans les États membres de l'Union africaine ces dernières années. Ces débats se concentrent souvent sur des arguments invoquant la « moralité », selon lesquels la grossesse hors mariage est moralement répréhensible, émanant d'opinions et d'expériences personnelles, et d'interprétations diverses des enseignements religieux sur les relations sexuelles hors mariage. L'effet de ce discours est que les filles enceintes – et dans une moindre mesure, les écoliers responsables de leur grossesse – ont été confrontées à toutes sortes de punitions, notamment des pratiques discriminatoires qui empêchent les filles de jouir de leur droit à l'éducation. Dans certains pays étudiés pour ce rapport, l'éducation est considérée comme un privilège qui peut être retiré en guise de sanction.
Toutefois, l'obligation juridique internationale de tous les gouvernements de garantir une éducation à tous les enfants, sans discrimination, est claire.
En 2013, tous les pays qui composent l'Union africaine (UA) ont adopté l'Agenda 2063, une stratégie de développement économique et social à l'échelle du continent. Dans le cadre de cette stratégie, les gouvernements africains se sont engagés à renforcer le « capital humain » de l'Afrique, qu'ils désignent comme « sa ressource la plus précieuse » grâce à des investissements durables dans l'éducation, notamment par « l'élimination des disparités de genre dans tous les niveaux de l’éducation ». Deux ans après l'adoption de l'Agenda 2063, les gouvernements africains se sont joints à d’autres pays pour adopter les Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD), un programme de développement visant à garantir que « personne ne soit laissé de côté » contenant la promesse de garantir une éducation inclusive et de qualité pour tous. Les gouvernements africains ont également adopté des objectifs ambitieux afin de mettre fin au mariage des enfants, d’introduire une éducation complète à la sexualité et à la santé reproductive, et de lutter contre les taux très élevés de grossesses précoces sur le continent qui compromettent l'éducation des filles.
Pourtant, de nombreux États membres de l'UA ne seront pas en mesure de tenir cette promesse s'ils continuent à exclure des dizaines de milliers de filles du système éducatif parce qu'elles sont enceintes ou mariées. Bien que tous les pays de l'UA aient pris des engagements en matière de droits humains pour protéger le droit à l'éducation des filles enceintes et des mères adolescentes, dans la pratique les mères adolescentes sont traitées très différemment selon le pays dans lequel elles vivent.
Un nombre croissant de gouvernements de l'UA ont adopté des lois et des politiques qui protègent le droit des adolescentes de rester à l'école pendant la grossesse et la maternité. Il existe de bonnes politiques et pratiques qui sont à souligner et, de fait, beaucoup plus de pays protègent le droit à l'éducation des jeunes mères dans la législation ou la politique nationale que de pays qui discriminent à leur encontre. Ces pays peuvent encourager les pays qui manquent de politiques adéquates et surtout persuader la minorité des pays ayant adopté ou encouragé des mesures punitives et discriminatoires contre les mères adolescentes d’adopter plutôt des politiques conformes aux droits humains.
Ce rapport fournit des informations sur l'état des lois, des politiques et des pratiques qui bloquent ou qui soutiennent l'accès des filles enceintes ou mariées à l'éducation. Il formule également des recommandations pour des réformes indispensables.
Le Gabon, le Kenya et le Malawi font partie du groupe des 26 pays africains qui ont adopté des politiques de « continuation » ou de « réadmission » pour s'assurer que les filles enceintes puissent reprendre leurs études après l'accouchement. Cependant, la mise en œuvre et l'adhésion à ces politiques varient selon les pays, notamment en ce qui concerne la durée d'absence de la fille à l’école, le processus d’interruption et de réintégration, ainsi que les structures de soutien disponibles dans les écoles et les communautés pour que les mères adolescentes restent à l'école.
Bien que de plus en plus de gouvernements choisissent de garder les mères adolescentes à l'école, la mise en œuvre de leurs lois et de leurs politiques est souvent insuffisante et le suivi de la réinsertion des mères adolescentes dans l'éducation reste globalement fragile. Les aspects punitifs et préjudiciables de certaines politiques suscitent également des préoccupations. Par exemple, certains gouvernements n'appliquent pas une « politique de continuation » pour la réintégration –– où une étudiante enceinte serait autorisée à rester à l'école aussi longtemps qu'elle le souhaite. De longues périodes de congé de maternité, des processus de réintégration complexes tels que ceux nécessitant un certificat médical, comme au Sénégal, ou des lettres à divers responsables de l'éducation au Malawi, ou encore des conditions rigoureuses de réadmission des filles dans une école différente, peuvent nuire à la volonté des mères adolescentes de retourner à l'école ou à leur capacité à rattraper le niveau d'apprentissage.
De nombreux autres facteurs contribuent à ce que des milliers de mères adolescentes ne poursuivent pas leurs études. On trouve principalement parmi ceux-ci, le manque de sensibilisation des communautés, des filles, des enseignants et des responsables scolaires sur les politiques de réintégration selon lesquelles les filles peuvent et doivent retourner à l'école. Les filles sont le plus souvent profondément touchées par les obstacles financiers, le manque de soutien et la forte stigmatisation dans les communautés ainsi que dans les écoles.
Certains gouvernements se sont concentrés sur la lutte contre ces obstacles, ainsi que sur les causes profondes des grossesses précoces et des abandons scolaires, par exemple en :
- Supprimant les frais de scolarité primaire et secondaire pour garantir que tous les élèves puissent accéder à l'école équitablement, et en ciblant le soutien financier pour les filles qui risquent de décrocher par le biais des stratégies d'éducation des filles, comme au Rwanda ;
- Garantissant un soutien financier et social pour les mères adolescentes, comme en Afrique du Sud ;
- Mettant en place des aménagements spéciaux pour les jeunes mères à l'école, par exemple un temps pour allaiter ou des congés lorsque les bébés sont malades ou pour se rendre dans des centres de santé, comme au Sénégal ;
- Garantissant aux filles la possibilité de choisir entre les horaires du matin ou du soir, comme en Zambie ;
- Mettant en place des crèches et des centres de la petite enfance près des écoles, comme au Gabon ;
- Fournissant des services de conseil en milieu scolaire pour les filles enceintes et les mères adolescentes, comme au Malawi ; et en
- Facilitant l'accès aux services de santé sexuelle et reproductive, notamment l'éducation sexuelle complète à l'école et dans la communauté, comme au Côte d’Ivoire, et l'accès à une gamme de méthodes contraceptives, et en Afrique du Sud, l'avortement sûr et légal.
Malgré ces mesures positives prises par certains pays africains, un nombre important d'entre eux imposent encore des lois et des politiques qui discriminent directement les filles enceintes et les mères adolescentes dans l'éducation. Par exemple, la Guinée équatoriale, la Sierra Leone et la Tanzanie expulsent les filles enceintes de l'école et refusent aux mères adolescentes le droit d'étudier dans les écoles publiques. Dans la plupart des cas, de telles politiques mettent fin aux chances d'une fille de retourner à l'école et l'exposent, elle et ses enfants, au mariage des enfants, aux difficultés et aux abus. En pratique, les filles sont expulsées, mais pas les garçons responsables de la grossesse s’ils sont également scolarisés.
Human Rights Watch a également constaté que 24 pays africains ne disposent pas d'une politique ou d'une loi de réintégration pour protéger le droit à l'éducation des filles enceintes, ce qui conduit à une application irrégulière de la scolarité obligatoire au niveau de l'école. Nous avons constaté que les pays d'Afrique du Nord manquent généralement de politiques relatives au traitement des grossesses précoces à l'école, mais qu’en parallèle ils imposent de lourdes sanctions et peines aux filles et aux femmes qui auraient eu des relations sexuelles hors mariage. Des pays comme le Maroc et le Soudan, par exemple, appliquent des lois de moralité qui leur permettent d'inculper les adolescentes pour adultère, indécence ou rapports sexuels extraconjugaux.
Certains pays recourent à des moyens préjudiciables pour identifier les filles enceintes, et parfois ils les stigmatisent et les humilient publiquement. Certains effectuent des tests de grossesse obligatoires sur les filles, soit dans le cadre de la politique officielle du gouvernement ou de la pratique scolaire individuelle. Ces tests sont généralement effectués sans le consentement des filles et portent atteinte à leur droit à la vie privée et à la dignité. Certaines filles craignent à tel point une telle humiliation qu'elles abandonnent prématurément l'école lorsqu'elles apprennent qu'elles sont enceintes, tandis que d'autres se donnent beaucoup de mal pour se procurer des avortements dangereux, mettant ainsi leur santé et leur vie en danger.
Les politiques gouvernementales qui discriminent les filles en cas de grossesse ou de mariage violent leurs obligations internationales et régionales en matière de droits humains. Ces politiques enfreignent souvent les lois nationales et les droits constitutionnels et sapent les programmes de développement nationaux.
Marginaliser les filles enceintes et les mères adolescentes est préjudiciable au développement du continent. Ne marginaliser personne signifie que les gouvernements africains devraient réaffirmer leurs objectifs de développement inclusifs et leurs obligations en matière de droits humains envers tous les enfants, et veiller à adopter des politiques conformes aux droits humains aux niveaux national et local pour protéger le droit à l'éducation des mères et des adolescentes enceintes. Les grossesses précoces et non désirées mettent en péril le niveau d'instruction de milliers de filles. C’est pourquoi les gouvernements devraient empêcher de telles grossesses en veillant à ce que leurs établissements d'enseignement fournissent des connaissances, des informations et des compétences pour que les filles enceintes et les mères adolescentes puissent jouir de leur droit à poursuivre leur éducation.
Recommandations
Aux gouvernements de l'Union africaine
Mettre fin immédiatement à la discrimination à l'école fondée sur la grossesse dans les politiques et dans la pratique
- Mettre fin, dans les politiques et la pratique, à l'expulsion des élèves qui tombent enceintes ou se marient, et fournir des logements aux élèves enceintes et mariées dans les écoles.
- Mettre fin immédiatement aux tests de grossesse dans les écoles.
- Veiller à ce que les cas de harcèlement et d'abus sexuels, notamment par les chauffeurs d'autobus, les enseignants ou les responsables scolaires, soient signalés aux autorités compétentes, notamment la police, et que les affaires fassent l'objet d'une enquête et de poursuites.
S'assurer que les élèves enceintes et les jeunes mères puissent reprendre leur éducation
- Adopter immédiatement des politiques de réintégration positives et accélérer les règlements qui facilitent le retour des filles enceintes et des jeunes mères d’âge scolaire à l'école primaire et secondaire.
- Veiller à ce que les élèves enceintes et mariées qui souhaitent poursuivre leurs études puissent le faire dans un environnement exempt de stigmatisation et de discrimination, notamment en permettant aux élèves de choisir une école alternative, et contrôler l’application de ces pratiques par les écoles.
- Relier les mères enceintes, mariées et scolarisées aux services de santé, tels que les cliniques de planification familiale.
- Introduire des programmes scolaires flexibles formels, notamment des cours du soir ou des cours à temps partiel, pour les filles qui ne peuvent pas suivre des cours à plein temps, et s'assurer que les élèves reçoivent une accréditation complète et des diplômes de l’enseignement secondaire à la fin de leurs études.
- Inclure les mères adolescentes dans les programmes ciblant les élèves qui risquent d'abandonner l’école, et s'assurer que les programmes ciblés comprennent des mesures d'aide financière aux élèves à risque, des conseils, des bourses scolaires et la distribution de matériel éducatif et d'installations sanitaires inclusifs, notamment des kits de gestion de l'hygiène menstruelle dans les écoles.
- Élargir les possibilités de centres de garde d'enfants et de développement de la petite enfance pour les enfants de mères adolescentes afin que les filles d'âge scolaire puissent aller à l'école.
- Veiller à ce que les réponses de l'éducation humanitaire dans les contextes de conflit comprennent les besoins particuliers des filles enceintes et des jeunes mères en âge d'aller à l'école.
- Fournir un accès à l'information aux parents, aux tuteurs et aux dirigeants communautaires sur les effets physiques, éducatifs et psychologiques néfastes des grossesses chez les adolescentes et sur l'importance de la poursuite des études pour les filles enceintes et les jeunes mères.
- Fournir des services de conseil en milieu scolaire pour les élèves enceintes, mariées ou mères. Fournir un soutien psychosocial à long terme aux adolescentes ayant été victimes d'abus sexuels et de harcèlement.
- S'engager auprès des enseignants et autres responsables de l'éducation pour soutenir l'éducation des filles enceintes et des mères adolescentes, ainsi que veiller à ce qu'ils garantissent un environnement scolaire sûr.
- Améliorer les données et surveiller la mise en œuvre des politiques scolaires concernant les élèves enceintes. Les écoles devraient:
- Améliorer le suivi et la collecte de données sur les filles qui abandonnent l'école en raison d'une grossesse ou d'un mariage ;
- Développer et mettre en place des mécanismes pour assurer le suivi et garder la trace des filles qui abandonnent l'école en raison d'une grossesse ou d'un mariage, dans le but de susciter leur retour à l'école ;
- Surveiller la mise en œuvre des politiques de réintégration scolaire en faisant la collecte des données sur le nombre d'élèves enceintes et mariées réadmises, leur taux de fréquentation scolaire et leur taux de réussite ; et utiliser ces informations pour améliorer le soutien aux élèves enceintes, mariées et mères.
S'attaquer d'urgence aux obstacles qui entravent l'éducation des filles
- Garantir la gratuité de l'enseignement primaire en supprimant les frais de scolarité, et traiter l'accès à l'enseignement secondaire gratuit comme une priorité urgente et immédiate plutôt que comme un objectif à atteindre progressivement au fil du temps. Prendre des mesures pour faire face aux coûts indirects de l'enseignement primaire et secondaire.
- Élever l'âge minimum du mariage à 18 ans pour les garçons et les filles et prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer les mariages d'enfants dans le droit et la pratique, notamment en mettant en œuvre des stratégies nationales globales et bien financées pour combattre le mariage d’enfants, ainsi que par le partage des meilleures pratiques.
- Mettre en œuvre des programmes à l’échelle nationale pour permettre aux filles d'aller à l'école. Concevoir des programmes adaptés aux communautés locales qui répondent aux besoins des enfants et visent à développer leurs compétences sur divers sujets, notamment : la sensibilisation à la santé sexuelle et reproductive, la gestion de l'hygiène menstruelle, la sensibilisation au consentement sexuel, à la violence sexuelle et au mariage des enfants, ainsi que des mécanismes pour signaler tout abus et obtenir de l'aide.
- Mettre en œuvre des campagnes d'information destinées aux familles, aux leaders communautaires et aux adolescents qui s'attaquent aux préjugés entourant la grossesse, la sexualité ainsi que la reproduction chez les adolescents, et discuter de l'importance de l'éducation sexuelle et promouvoir des moyens pour les parents de parler de pratiques sexuelles saines.
Garantir les droits sexuels et reproductifs des jeunes
- Inclure l'éducation obligatoire en matière de santé sexuelle et reproductive en tant que matière indépendante et pouvant donner lieu à un examen, dans le programme d'enseignement primaire et secondaire.
- Veiller à ce que le programme national obligatoire sur la sexualité et la santé reproductive soit conforme aux normes internationales et:
- Comprenne des informations complètes sur la sexualité et la santé reproductive, notamment des informations sur la santé et les droits sexuels et reproductifs, un comportement sexuel responsable et la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles. Inclure des informations et des compétences liées à l'égalité des sexes, la capacité d'établir des relations saines, le consentement au sexe et au mariage et la différence entre les deux, ainsi que la prévention de la violence sexuelle et sexiste, notamment des voies pour la dénonciation et la réparation ;
- Soit obligatoire, adapté à l'âge et scientifiquement exact ;
- Comprenne des modules appropriés pour l'enseignement à l'école primaire; et
- Repose sur des consultations avec les jeunes.
- Former les enseignants de façon adéquate pour enseigner le programme de manière impartiale.
- Veiller à ce que l'éducation et l'information en matière de santé sexuelle et reproductive soient accessibles aux élèves en situation de handicap et qu’elles soient disponibles dans des formats accessibles tels que le braille ou des formats faciles à comprendre.
- Adopter des lois fixant l'âge minimum de consentement à l'activité sexuelle et l'accès aux services de santé sexuelle et reproductive, à égalité pour les garçons et les filles adolescents, conformément aux normes et aux meilleures pratiques internationales en matière de droits humains.
- Veiller à ce que les adolescents aient accès à des services de santé communautaires adaptés aux adolescents et à ce qu'ils puissent accéder à des informations précises et à une contraception appropriée pour limiter les grossesses chez les adolescentes, le VIH ainsi que les maladies sexuellement transmissibles. L'autorisation d’un tiers pour accéder à ces services ne devrait pas être exigée et les États membres devraient s'efforcer de veiller à ce que des frais d'utilisation ne soient pas facturés pour la contraception.
- Veiller à ce que les centres de santé ne stigmatisent pas les adolescents sexuellement actifs et qu'ils disposent d'un personnel médical qualifié pour dispenser des services de santé confidentiels et complets aux adolescents.
- Prendre toutes les mesures nécessaires, tant immédiates que progressives, pour dépénaliser l'avortement et garantir aux adolescentes et aux jeunes femmes un accès informé et gratuit à des services d'avortement sûrs et légaux comme partie intégrante de l’exercice de leurs droits reproductifs et autres droits humains.
À l'Union africaine
- Appeler les États membres à mettre fin à la discrimination fondée sur la grossesse dans les écoles et aux abus connexes, notamment les tests de grossesse obligatoires.
- Envisager de mener une campagne à l’échelle du continent pour soutenir l'éducation des filles enceintes et mariées et des mères adolescentes. Cette campagne s'appuierait sur les réalisations de la Campagne pour mettre fin au mariage des enfants en Afrique et du Plan d'action de la Décennie africaine de la jeunesse, ainsi que sur d'autres initiatives régionales, notamment la Campagne pour la réduction accélérée de la mortalité maternelle en Afrique (CARMMA), la Décennie des femmes africaines et la Stratégie continentale d'éducation pour l'Afrique 2016-2025 (CESA 16-25).
- Mener une étude approfondie des lois, politiques et pratiques existantes qui soutiennent ou bloquent l'éducation des filles enceintes et mariées et des mères adolescentes dans les États membres de l'Union africaine, dans le but de faciliter une approche coordonnée et globale entre les pays et de partager les bonnes pratiques.
- Élaborer une politique de réintégration conforme aux droits humains et des lignes directrices à suivre par les gouvernements tout en élaborant des lois, des politiques ou des directives pour soutenir l'éducation des filles enceintes et mariées ainsi que des mères adolescentes aux niveaux national et local. Encourager les gouvernements à adopter des politiques progressives qui permettent aux élèves enceintes de rester à l'école aussi longtemps qu'elles le souhaitent, et à ne pas prescrire un congé obligatoire rigide après l'accouchement.
À la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et au Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant
- Demander aux gouvernements d'abroger les lois et les politiques discriminatoires à l'égard des filles enceintes et des mères adolescentes, notamment les lois pénales qui imposent de lourdes accusations criminelles pour les relations sexuelles hors mariage.
- Surveiller que les gouvernements respectent la mise en œuvre des politiques visant à soutenir l'éducation des filles enceintes et mariées ainsi que des mères adolescentes lors des examens du gouvernement dans le cadre des instruments pertinents relatifs aux droits humains.
Aux partenaires au développement et aux agences des Nations Unies
- Exhorter les États membres de l'Union africaine à respecter leurs obligations internationales et régionales en matière de droits humains. En particulier, exhorter et soutenir les gouvernements, à travers une assistance technique et financière, pour :
- Mettre fin, dans la politique et la pratique, à l'expulsion des écoles des élèves qui tombent enceintes ou se marient, et mettre fin immédiatement aux tests de grossesse dans les écoles, où qu'ils soient pratiqués.
- Accélérer l'adoption de politiques de continuation et de réadmission conformes aux droits humains pour les parents en âge scolaire. Encourager les gouvernements à adopter des politiques progressives qui permettent aux élèves enceintes de rester à l'école aussi longtemps qu'elles le souhaiteraient, et ne pas exiger un congé obligatoire après l'accouchement.
- Introduire un programme complet d'éducation sexuelle obligatoire dans les écoles primaires et secondaires qui soit conforme aux normes internationales des droits humains ; mettre en œuvre ce programme en tant que matière indépendante sujette à examen.
- Soutenir financièrement et techniquement une étude complète sur les lois, politiques et pratiques existantes qui soutiennent ou bloquent l'éducation des filles enceintes et mariées ainsi que des mères adolescentes dans les États membres de l'Union africaine, dans le but de faciliter une approche coordonnée et globale entre les pays et de partager les bonnes pratiques.
- Soutenir l'élaboration d'une politique modèle et de lignes directrices conformes aux droits humains auxquelles les gouvernements adhéreront en élaborant des politiques ou des lignes directrices pour soutenir l'éducation des filles enceintes et mariées ainsi que des mères adolescentes aux niveaux national et local.
- Garantir la gratuité réelle de l'enseignement primaire en supprimant les frais de scolarité et que l'accès à l'enseignement secondaire gratuit soit considéré comme une priorité urgente et immédiate plutôt que comme un objectif à atteindre progressivement au fil du temps. Aider les gouvernements à prendre des mesures pour faire face aux coûts indirects de l'enseignement primaire et secondaire.
Méthodologie
Human Rights Watch a mené une étude sur les lois, les politiques et les pratiques relatives aux adolescentes enceintes dans l’éducation, dans tous les États membres de l'Union africaine. Nous avons également examiné les stratégies des gouvernements dans le domaine de l’éducation, de la santé et de la santé reproductive, ainsi que les rapports, les recherches universitaires, l’analyse des lois et des pratiques, réalisés par des organisations nationales et internationales sur ce sujet, et des articles de journaux.
Human Rights Watch a contacté six ministères de l'éducation et / ou des délégations nationales auprès de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), à savoir l'Angola, Djibouti, la Guinée équatoriale, la Côte d'Ivoire, et le Mali, afin de solliciter des réponses officielles relatives aux politiques et aux pratiques applicables dans ces pays. Nous avons également consulté des organisations de la société civile nationales et régionales œuvrant dans le domaine de l'éducation et de la santé des filles.
Le rapport comprend des témoignages de filles enceintes et de mères adolescentes interrogées par Human Rights Watch au Malawi, au Sénégal, en Tanzanie et au Zimbabwe. Il s'appuie sur les recherches approfondies menées par Human Rights Watch sur les droits des filles en Afrique, notamment les abus liés au mariage des enfants, les obstacles à l'éducation primaire et secondaire des filles, la violence sexuelle et sexiste, et l'accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs.[1]
I. Contexte : Grossesse chez les adolescentes et éducation des filles en Afrique
Je suis tombée enceinte l'année dernière quand j'avais 14 ans. J'avais arrêté d'aller à l'école la même année parce que ma mère ... n'avait pas les moyens de m'envoyer à l'école. J'ai eu une liaison avec un homme plus âgé qui avait une épouse. Je n'ai reçu aucune éducation sexuelle, et quand j'ai eu des rapports sexuels avec cet homme, je suis tombée enceinte. Je souhaite retourner à l'école parce que je suis encore une enfant.
—Abigail C., 15, Zimbabwe, octobre 2015
Grossesse chez les adolescentes en Afrique
Le taux de grossesse des adolescentes est resté obstinément élevé en Afrique subsaharienne, où la prévalence est la plus élevée au monde. [2] Chaque année, des milliers de filles africaines tombent enceintes juste au moment où elles devraient apprendre l'histoire, l'algèbre et les compétences de vie. [3] Les filles issues de ménages et de communautés pauvres et des plus marginalisés sont parmi les plus touchées. [4]
Les principales causes de grossesse chez les adolescentes en Afrique sont l'exploitation et les abus sexuels, la pauvreté, le manque d'informations sur la sexualité et la reproduction, et le manque d'accès à des services tels que la planification familiale et la contraception moderne. [5] La plupart de ces grossesses ne sont pas planifiées et nombre d’entre elles se produisent dans le contexte des mariages d'enfants, un gros problème sur le continent. Environ 38% des filles en Afrique subsaharienne sont mariées avant l'âge de 18 ans et 12% avant l'âge de 15 ans.[6] Les pays africains représentent 15 des 20 pays ayant les taux de mariage d'enfants les plus élevés au monde. [7] Pourtant, de nombreux gouvernements de l'Union africaine ont omis d’adopter un âge de mariage minimum de 18 ans pour aider à protéger les filles contre ces abus et défendre leurs droits à et par l'éducation.[8]
Stigmatisation des relations sexuelles à l’adolescence et de la grossesse hors mariage
Dans de nombreux pays africains, le personnel de l'éducation et de la santé humilie et stigmatise souvent et, parfois, isole les adolescentes qui ont des grossesses précoces et non désirées. La condamnation par les dirigeants politiques ou dans les médias peut encourager et exacerber leur stigmatisation. Ces filles sont également confrontées à une vulnérabilité accrue à la violence et à la maltraitance, ou à une plus grande pauvreté et à des difficultés économiques.[9]
Quand il s'agit de scolarisation, certains gouvernements utilisent des arguments fondés sur la morale pour exclure les filles enceintes et les jeunes mères. Selon ces arguments, leur permettre de poursuivre leur éducation normalisera la grossesse hors mariage, exonèrera les filles de sanction, et créera un « effet domino » par lequel plus de filles tomberont enceintes.[10] De tels arguments ne sont fondés sur aucune des études faisant autorité.[11] Au Malawi, au Sénégal, au Soudan du Sud et en Tanzanie, les filles qui se sont entretenues avec Human Rights Watch ont déclaré qu'elles étaient attachées à leur éducation et qu'elles étaient déjà pleinement conscientes de la difficulté de devenir jeune mère, sans que des sanctions supplémentaires ne soient imposées.
Information et éducation insuffisantes sur la sexualité et la reproduction pour les adolescents
Dès leur plus jeune âge, de nombreux enfants sont exposés à des idées contradictoires ou négatives sur la sexualité à la maison ou à l'école. Pendant la puberté, les familles, les communautés et les écoles peuvent en particulier imposer des attentes stéréotypées sur les rôles, les comportements et les normes morales des garçons et des filles. Bien que de telles attitudes puissent empêcher de nombreux enfants de poser des questions, selon les enquêtes des Nations Unies sur le comportement sexuel des adolescents, cela ne les empêche pas d'expérimenter: de nombreux jeunes ont des relations sexuelles, souvent à un très jeune âge.[12] La plupart d’entre eux le font sans informations essentielles et sans accès adéquat à la contraception.[13]
Dans l'ensemble de l'Union africaine, de nombreux gouvernements ont omis de mettre en œuvre une éducation sexuelle et reproductive complète, scientifiquement exacte et adaptée à l’âge.[14] Cela signifie que nombre de filles et de garçons ont une compréhension limitée des changements de leur corps et du comportement sexuel des adolescents, de la prévention de la grossesse et des infections sexuellement transmissibles, du cycle menstruel, de la reproduction de base, ainsi que de la violence sexuelle et sexiste. Au Sénégal et en Tanzanie, par exemple, de nombreuses filles interrogées par Human Rights Watch ne savaient pas qu'elles pouvaient tomber enceintes la première fois qu'elles avaient des rapports sexuels.[15]
Certains pays continuent d'enseigner l'abstinence des relations sexuelles avant le mariage.[16] Des données scientifiques, sociologiques et sur les droits humains à l'échelle mondiale montrent qu'un programme exclusivement axé sur l'abstinence n'entraîne aucun changement visible dans le comportement sexuel des adolescents.[17] L'accent mis sur l'abstinence isole et humilie également de nombreux adolescents ayant déjà eu des rapports sexuels et les empêche d'obtenir les informations et les services pouvant les protéger contre les abus, les grossesses non désirées, ou le VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles.[18]
De plus, très peu de pays ont adopté des lois qui clarifient l'âge du consentement à l'activité sexuelle.[19] Certains pays criminalisent encore l'activité sexuelle consensuelle entre adolescents ou les relations sexuelles hors mariage.[20] Dans le cadre de leurs efforts en faveur des droits reproductifs des adolescents, les agences des Nations Unies et les organes de surveillance de l'application des traités relatifs aux droits humains ont demandé aux gouvernements d'introduire un âge minimum légal pour le consentement sexuel, équilibrant la protection des enfants et l'évolution des capacités des enfants.[21] Selon le Comité des droits de l'enfant, qui fournit des commentaires faisant autorité sur la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, les États devraient envisager d’introduire dans la loi la « présomption selon laquelle les adolescents sont compétents pour demander et obtenir l’accès à des produits et à des services de santé sexuelle et procréative qui sont de nature préventive ou sont soumis à des contraintes de temps ». Les États devraient également éviter de pénaliser les adolescents d'âge similaire pour des activités sexuelles consensuelles et ne relevant pas de l’exploitation.[22]
La majorité des pays de l'UA ne fournissent pas de services de santé sexuelle et reproductive confidentiels, accessibles et adaptés aux adolescents. De plus, la plupart des pays de l'UA criminalisent l'avortement dans la plupart des cas, ce qui signifie que les filles enceintes sans l’avoir désiré doivent soit mener ces grossesses à terme contre leur volonté, soit obtenir des avortements clandestins, et souvent dangereux.[23] De toutes les régions du monde, l'Afrique a le plus grand nombre de décès dus à l'avortement à risque.[24]
Principaux obstacles à l'éducation des filles
J'ai 16 ans, je me suis enfuie de la maison pour me marier quand j'avais 14 ans après avoir eu un rapport sexuel avec mon petit ami, qui avait 21 ans. J'avais peur que ma famille découvre que j'avais eu un rapport sexuel, alors je suis allée vivre avec mon petit ami comme son épouse. J'étais en septième année à ce moment-là et j'ai arrêté d'aller à l'école. Après environ sept mois, mon mari et ses trois frères ont commencé à se plaindre du fait que je ne tombais pas enceinte. Il ne m'a jamais battue mais il se plaignait toujours que j'étais stérile. Je travaillais dur pour laver les vêtements, nettoyer et cuisiner pour mon mari et sa famille. Après deux ans de mariage, il m'a renvoyée en disant que j’étais stérile, et ma mère m'a reprise. Mon souhait est de retourner à l'école mais ma mère n'a pas les moyens de me renvoyer à l'école.
—Munesu C., 16, Zimbabwe, octobre 2015
Sur l'ensemble du continent africain, les filles sont confrontées à des défis uniques en matière de scolarité en raison d'inégalités de genre structurelles et systématiques. Malgré les efforts du gouvernement, il subsiste d'importantes disparités de genre en matière d’opportunités éducatives et des disparités manifestes entre les genres en matière d'apprentissage et de compétences.[25]
Les obstacles à l'éducation des filles sont très divers et interdépendants, mais peu de gouvernements africains se sont attaqués aux facteurs clés qui poussent des millions de filles à quitter l'école, notamment :
- Des frais de scolarité élevés combinés avec les coûts indirects de l'école primaire et secondaire[26] ;
- Des environnements scolaires dangereux, notamment les abus sexuels, le harcèlement et l'exploitation par les enseignants, les responsables scolaires et les camarades de classe ; la stigmatisation liée à la grossesse et au statut matrimonial ; les châtiments corporels infligés par les enseignants et les responsables des écoles, ce qui constitue parfois un traitement inhumain et dégradant ; et de longues distances jusqu'aux écoles dans les zones rurales qui exposent les filles à la violence sexuelle et à d'autres risques de sécurité[27] ;
- La discrimination de la part des enseignants et des responsables scolaires, et le manque d'accessibilité pour les filles handicapées[28] ;
- Des infrastructures médiocres, notamment le manque d'eau et de toilettes adéquates, et d'eau courante pour gérer les périodes menstruelles [29] ; et
- Des normes et des stéréotypes sexistes néfastes qui ne soutiennent pas l'éducation des filles et des femmes, la discrimination et les pratiques culturelles telles que le mariage des enfants.[30]
La grossesse est à la fois un obstacle à la poursuite des études des filles et, souvent, une conséquence de l'abandon de l’école par les filles. De nombreuses études ont montré que plus une fille reste longtemps à l'école, moins elle est susceptible d'être mariée encore enfant et/ou de tomber enceinte pendant son adolescence.[31]
II. L’éducation des filles enceintes et des mères adolescentes: obligations des gouvernements en matière de droits humains
Les gouvernements africains sont tenus par le droit international des droits humains d'assurer un enseignement primaire gratuit et obligatoire et de veiller à ce que l'enseignement secondaire soit accessible et disponible pour tout le monde sans discrimination.[32] Le droit à l'éducation secondaire vise notamment à «compléter l'éducation de base et à affermir la base d'une éducation permanente et de l'épanouissement de la personnalité ».[33]
Human Rights Watch a appelé les gouvernements du monde entier à prendre des mesures immédiates pour assurer la gratuité d’un enseignement secondaire disponible et accessible pour tout le monde. Il est reconnu que de nombreux gouvernements en Afrique et ailleurs sont confrontés à de sérieuses contraintes de ressources qui limitent leur capacité à réaliser immédiatement des objectifs importants en matière de droits humains tels que l'éducation secondaire gratuite pour tous. Human Rights Watch estime néanmoins qu'il est important que les gouvernements considèrent l'accès à l'enseignement secondaire gratuit comme une priorité urgente et immédiate plutôt que comme un objectif à atteindre progressivement au fil du temps.
Au niveau régional africain, l'UA a adopté un cadre juridique qui protège les droits de toutes les filles à l'éducation. Tous les pays africains sauf sept ont ratifié la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, qui oblige les gouvernements à prendre des mesures spéciales pour assurer l'égalité d'accès des filles à l'éducation, à relever l'âge minimum du mariage à 18 ans et à prendre toutes les mesures appropriées afin de veiller à ce que les filles qui tombent enceintes avant de terminer leurs études aient le droit de poursuivre leurs études.[34]
La Charte africaine de la jeunesse, ratifiée par plus de la moitié des gouvernements africains, oblige les gouvernements à s'assurer que les filles et les jeunes femmes enceintes ou mariées avant la fin de leurs études aient la possibilité de poursuivre leurs études.[35] La Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples et le Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant ont appelé les États à mettre en place des mesures pour maintenir tous les enfants à l'école, à mettre en place des mesures pour assurer l’égalité d’accès à l’éducation des filles et des garçons, et à encourager les filles enceintes à se rendre ou à retourner à l'école. Ces organismes ont collectivement déclaré « qu'il est essentiel ... de faciliter la rétention à l’école et la rescolarisation des filles enceintes ou mariées ... et de développer des programmes alternatifs d'enseignement ... dans les cas où les femmes ne peuvent ou ne veulent pas retourner à l'école à la suite d’une grossesse ou d’un mariage ».[36]
Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, également connu sous le nom de Traité africain sur les droits des femmes, prévoit des obligations explicites de garantir les droits sexuels et reproductifs des filles.[37] Cela comprend le droit d'accéder à l'avortement médicamenteux dans les cas d'agression sexuelle, de viol, d'inceste ou lorsque la grossesse met en danger la santé physique et mentale ainsi que la vie de la mère.[38]
III. Grossesse des adolescentes et exclusion de l'éducation dans l'Union africaine
Il y avait un enseignant [privé] qui me donnait des cours particuliers. J'ai été abusée sexuellement par l'enseignant jusqu'à ce que je me retrouve enceinte. Après avoir découvert que j'étais enceinte, je l'ai dit au professeur et il a disparu. Mon rêve a alors été brisé. J'ai été expulsée de l'école. J'ai été expulsée de chez moi également. Je suis allée vivre avec mon ami jusqu'à ce que j'accouche. Je m'occupais de mon bébé toute seule en faisant des petits travaux. Jusqu'à maintenant.
—Imani, 22 ans, Mwanza, Tanzanie, janvier 2016
Un nombre croissant de pays de l'Union africaine ont adopté des lois et des politiques qui protègent le droit des adolescentes de rester à l'école pendant la grossesse et la maternité. Ces pays peuvent servir de modèle à de nombreux autres pays qui manquent de politiques adéquates, et persuader en particulier la minorité des pays ayant adopté ou encouragé des mesures punitives et discriminatoires contre les mères adolescentes d’adopter des politiques conformes aux droits humains. Bien qu'il soit à noter que plus de gouvernements choisissent de maintenir les mères adolescentes à l'école, leurs lois et politiques ne sont pas toujours pleinement appliquées, et le suivi du retour des mères adolescentes à l'éducation reste globalement faible.
Pays ayant des lois et politiques de continuation ou de réadmission
Vingt-six pays de l'UA ont mis en place des lois, des politiques ou des stratégies afin de garantir le droit des filles à retourner à l'école après la grossesse.[39]
Dans ce groupe de pays, six ont des lois qui permettent aux filles de poursuivre leurs études.[40] Cependant, l'absence de politiques qui précisent le processus à suivre par les écoles afin d’assurer la poursuite de la scolarité des filles après la grossesse entraîne souvent l'expulsion des filles de l'école.[41]
Pays ayant des lois nationales relatives au droit à l’éducation des filles enceintes et des mères |
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Bénin |
Lesotho |
Mauritanie |
Nigeria |
République démocratique du Congo |
Soudan du Sud |
Quatre pays ont des politiques ou des stratégies qui prévoient la « continuation»: elles permettent à la fille enceinte de rester à l'école et ne prescrivent pas d'absence obligatoire après l'accouchement.[42]
Pays ayant des politiques ou des stratégies qui prévoient la « continuation » |
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Cap-Vert |
Côte d’Ivoire |
Gabon |
Rwanda |
Quinze pays ont mis en place des politiques de réadmission conditionnelle qui obligent les filles enceintes et les jeunes mères à abandonner l'école mais offrent des possibilités de retour, à condition que les filles remplissent certaines conditions.[43] Les politiques de réadmission exigent généralement qu'une étudiante quitte l'école une fois qu'il est admis qu’elle est enceinte. Dans certains cas, si la personne responsable de la grossesse est scolarisée dans l'établissement, il devra également prendre un congé.[44] La fille peut être réadmise – parfois dans une école différente – après l'accouchement.[45] Les politiques et les pratiques varient en particulier en ce qui concerne la durée d'absence de la fille à l'école et les processus d’interruption et de réadmission.[46]
Pays ayant des politiques de « réadmission » qui posent des conditions pour les mères adolescentes |
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Afrique du Sud |
Botswana |
Burundi |
Cameroun |
Gambie |
Kenya |
Liberia |
Madagascar |
Malawi |
Mozambique |
Namibie |
Sénégal |
Swaziland |
Zambie |
Zimbabwe |
Certaines conditions de réadmission sont difficiles à remplir pour les filles.[47] Dans certains cas, celles-ci sont compliquées ou imprécises, ou bien incluent des directives nuisibles telles que le test de grossesse obligatoire.[48] Au Malawi, par exemple, les filles sont immédiatement exclues dès la découverte de leur grossesse pendant un an, mais peuvent être réadmises au début de l’année scolaire suivante après leur exclusion. Une jeune mère qui souhaite présenter une nouvelle demande d'admission doit envoyer deux demandes : une au ministère de l'Éducation et une à l'école dans laquelle elle souhaite étudier.[49] Au Sénégal, les mères adolescentes doivent présenter un certificat médical attestant qu'elles sont en bonne santé et aptes à étudier afin d'être réadmises.[50]
Au-delà de leurs politiques de réadmission, certains de ces gouvernements ont remédié à des obstacles spécifiques au retour des jeunes mères à l'école, par exemple :
- supprimer les frais de scolarité primaire et secondaire et les coûts indirects ;
- mettre en place des aménagements spéciaux pour les jeunes mères à l'école, par exemple en leur donnant le temps d'allaiter ou en leur permettant de s'absenter quand leurs enfants sont malades[51] ;
- mettre en place des modalités d'apprentissage flexibles, telles que donner aux filles la possibilité de choisir entre les horaires du matin ou du soir[52] ;
- fournir un soutien social et financier aux mères adolescentes[53] ;
- ouvrir des crèches ou des centres de la petite enfance proches des écoles secondaires[54] ; et
- fournir des services de conseil en milieu scolaire pour les filles enceintes et / ou les mères adolescentes.[55]
Sénégal: soutenir l’inclusion des jeunes mères
En 2007, le Sénégal a adopté une circulaire sur « la gestion du mariage et des grossesses à l'école », qui ordonne aux écoles de suspendre temporairement les filles de l'éducation jusqu'à l'accouchement pour des raisons de « sécurité ». Pour retourner à l'école, les filles doivent montrer un certificat médical prouvant qu'elles sont prêtes à retourner à l'école. Les filles peuvent obtenir ces certificats en se rendant dans des cliniques de santé locales ou des hôpitaux. Dans la pratique, Human Rights Watch a constaté que les filles sont autorisées à rester à l'école jusqu'à ce qu'elles ne puissent plus y aller, bien que certaines écoles demandent aux filles d'abandonner au cours du sixième ou du septième mois de grossesse. Les filles enceintes ou les jeunes mères peuvent également passer des examens. Un directeur d’établissement de la ville de Vélingara, dans le sud du pays, a déclaré qu'il était essentiel de soutenir les filles enceintes pour qu'elles reviennent une fois qu'elles sont prêtes à reprendre leurs études : « Il existe une conscience parmi le personnel que si elles [les jeunes mères] sont en retard ou absentes à cause de leurs bébés, nous [les] comprenons. [Nous sommes également conciliants avec] les filles enceintes qui peuvent s'endormir en classe, ou celles qui demandent de la nourriture parce qu'elles ont faim ». Fatoumata, 17 ans, vit à Sédhiou et fréquente une école secondaire de la ville. Elle est tombée enceinte à l'âge de 16 ans et a été autorisée à rester à l'école. Un mois après l'accouchement, elle a continué à aller à l'école. Sa grand-mère s'est occupée de sa petite fille. «Je ne voulais pas avoir un bébé », a déclaré Fatoumata à Human Rights Watch. « J'ai dit à toutes mes amies qu'elles n'essayent pas d'avoir un bébé ... cela cause beaucoup de problèmes ... Mais si vous avez un bébé, alors vous devriez retourner à l'école après la naissance. Il ne faut pas avoir honte. Les erreurs sont humaines. » Fatoumata n'a pas appris la santé sexuelle et reproductive à l'école. Elle a déclaré qu’« il aurait été très utile d'avoir des informations sur les méthodes contraceptives. » Human Rights Watch a constaté que dans certaines écoles sénégalaises, les enseignants concentrent leurs discussions sur l'abstinence et la virginité avant le mariage. Certaines écoles accueillent des clubs scolaires pour parler aux élèves des méthodes contraceptives et de la prévention des grossesses, du VIH et des maladies sexuellement transmissibles. Human Rights Watch a constaté que dans certains clubs, les filles sont faussement informées que les contraceptifs seraient mauvais pour celles qui ne seraient pas mariées parce qu'ils réduiraient leurs chances de tomber enceintes ou pourraient entraîner la mort du fœtus pendant la grossesse. |
Dans de nombreux cas, une mauvaise diffusion au niveau de l'école et la méconnaissance de ces politiques par les enseignants, les communautés et les filles elles-mêmes limitent leur efficacité.[56] Par exemple, les responsables de l'éducation ne réalisent pas de suivi proactif des filles qui ont quitté l'école en raison d'une grossesse afin d’entreprendre une réadmission. Les données manquent largement concernant le nombre de filles qui abandonnent leur scolarité pour cause de grossesse ; les mères adolescentes qui ont été réadmises à l'école en vertu des politiques ; les défis auxquels elles font face après leur réadmission ; et les résultats des mères adolescentes une fois de retour à l'école.[57]
Certains pays sont passés de politiques restrictives et même punitives à des voies d'accès pour que les filles puissent poursuivre leur éducation.[58] En 2017, par exemple, le Cap-Vert a renoncé à sa politique d'expulsion en accordant aux élèves enceintes un congé de maternité et s'est engagé à garantir des aménagements raisonnables dans les écoles accueillant de jeunes mères.[59]
Au moment de la rédaction du présent rapport, au Ghana et en Ouganda, le gouvernement et les acteurs de la société civile discutaient des politiques de retour à l'école ou des lignes directrices pour l'éducation des jeunes mères.[60]
Les pays touchés par un conflit armé ont généralement des taux de grossesse élevés en raison, en partie, des violences sexuelles généralisées commises par des membres des forces armées nationales et des groupes armés, ainsi que des niveaux élevés de pauvreté qui facilitent l'exploitation sexuelle. Ces pays ont particulièrement besoin de fortes politiques de réadmission. Les situations de crise augmentent l'inégalité entre les genres et la discrimination fondée sur le genre, déjà présentes dans de nombreux pays en conflit. Certaines survivantes de la violence sexuelle ne retournent jamais à l'école à cause de la stigmatisation et de l'humiliation, et celles qui retournent à l'école manquent souvent de soutien pour poursuivre leurs études.[61] La République démocratique du Congo et le Soudan du Sud, par exemple, ont des lois qui protègent le droit des jeunes mères à retourner à l'école.[62] En revanche, Human Rights Watch a constaté que la République centrafricaine ne dispose pas d'une loi ou d'une politique ciblée.[63]
Human Rights Watch a constaté que les analyses des besoins en matière d'éducation ainsi que les réponses qui leurs sont apportées en temps de crises humanitaires incluent rarement les adolescentes ayant des enfants.[64] Le fait de ne pas pourvoir en contexte humanitaire aux besoins éducatifs des mères adolescentes, notamment celles qui ont survécu au viol, limite non seulement l'accès à l'éducation, mais expose également les enfants déjà vulnérables à plus de violence, de difficultés et de pauvreté.
Pays qui excluent les mères adolescentes du système éducatif
Une minorité de gouvernements de l'UA ont continué à exclure explicitement les filles enceintes de l'école. Des hauts représentants du gouvernement dans des pays comme la Guinée équatoriale, la Sierra Leone et la Tanzanie ont déclaré publiquement que les élèves enceintes devraient être expulsées de l'école publique.[65]
Dans ces pays, les politiciens ont souvent insisté sur les mesures punitives imposées aux filles qu'ils accusent d'être des « échecs moraux ».[66] En Tanzanie, des agents du gouvernement et de la police sont allés jusqu'à arrêter des filles enceintes et harceler leurs familles pour les forcer à avouer qui était l’autre personne responsable de la grossesse.[67] De nombreuses filles parmi celles interrogées par Human Rights Watch qui ont abandonné l'école ou ont été expulsées pour cause de grossesse ou de mariage ont regretté de ne pas pouvoir poursuivre leurs études.[68]
Bien que le Togo ait déclaré aux organes des Nations Unies qu'il n’appliquait plus une loi interdisant aux filles enceintes de fréquenter des établissements scolaires, il ne l'a pas officiellement abrogée ni remplacée par une politique positive de continuation ou de réadmission.[69]
Tanzanie : politiques discriminatoires contre les filles enceintes et les jeunes mères Le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, le Comité africain sur les droits et le bien-être de l'enfant et le Rapporteur spécial de la Commission africaine sur les droits des femmes en Afrique, entre autres, ont demandé au gouvernement tanzanien de mettre fin à son interdiction discriminatoire frappant les filles enceintes. Des experts des droits humains ont appelé le gouvernement à garantir de toute urgence que les filles enceintes et les mères adolescentes puissent reprendre leur éducation dans les écoles publiques.[70] Avant l'interdiction publique du président John Magufuli en 2017 relative à la présence des filles enceintes et des jeunes mères dans les écoles, des hauts fonctionnaires de l'éducation soutenaient que les filles enceintes ne devraient pas rester à l'école et pourraient exercer une influence négative sur les autres filles, en « normalisant » la grossesse à l’école.[71] L'expulsion des filles enceintes des écoles est autorisée par les règlements tanzaniens sur l'éducation, qui stipulent que « l'expulsion d'un élève de l'école peut être ordonnée lorsque ... un élève a ... commis un délit contre la moralité » ou « est entré dans le mariage » [72]. Cette politique n'explique pas quels sont les délits contre la moralité, mais les responsables de l'école interprètent souvent la grossesse comme une infraction. Les responsables de l'école secondaire soumettent systématiquement les filles à des tests de grossesse forcés en tant que mesure disciplinaire visant à expulser les élèves enceintes des écoles. En 2018, le gouvernement a préparé de nouvelles lignes directrices qui préciseront l'entrée dans un système d'éducation basique public parallèle existant pour les jeunes mères, semblable à un parcours existant pour les enfants non scolarisés. Human Rights Watch a constaté que ce système est déficient, qu'il entraîne des coûts élevés pour les élèves et qu'il ne leur permet pas d'acquérir les mêmes compétences ou de fournir une accréditation similaire. Les élèves qui suivent cette voie doivent payer des frais pouvant s'élever à environ 500 000 shillings tanzaniens (TZS) (220 USD) par an, tandis que les élèves des écoles publiques ne paient pas de frais de scolarité ni de coûts indirects. L'accès à une bonne formation professionnelle n'est assuré que dans une poignée de collèges disséminés à travers le pays. De plus, les adolescents qui quittent l'école secondaire prématurément n’ont pas les accréditations et ni les études leur permettant d’obtenir un diplôme officiel d'enseignement professionnel et de formation professionnelle.[73] |
Pays qui manquent de politiques claires
Vingt-quatre pays n'ont pas de politique ou de loi de réadmission pour protéger le droit des filles enceintes à l'éducation, notamment au moins six pays qui criminalisent les rapports sexuels hors mariage. [74] Cela conduit souvent à une application irrégulière de la scolarité obligatoire au niveau de l'école, où les autorités scolaires peuvent décider de ce qu’il advient de l'éducation d'une fille enceinte. Au Burkina Faso, par exemple, les responsables gouvernementaux ont adopté une stratégie pour prévenir les grossesses précoces, mais les responsables scolaires interdisent souvent aux filles enceintes l’accès à l'école en raison de normes sociales strictes ainsi que de la stigmatisation de la maternité hors mariage.[75] En Angola, par exemple, il est demandé aux filles enceintes d’assister plutôt aux cours du soir.[76]
Pays qui manquent de législation ou de politiques claires |
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Angola |
Burkina Faso |
Comores |
Djibouti |
Érythrée |
Éthiopie |
Ghana |
Guinée |
Guinée-Bissau |
Île Maurice |
Niger |
Ouganda |
République centrafricaine |
République du Congo |
São Tomé e Príncipe |
Seychelles |
Somalie |
Tchad |
Pays qui criminalisent les relations sexuelles hors mariage
Human Rights Watch a constaté que les pays d'Afrique du Nord manquent généralement de politiques liées au traitement des grossesses précoces à l'école, mais qu’ils imposent en même temps de lourdes peines aux filles et aux femmes qui ayant eu des relations sexuelles hors mariage.[77] Des pays comme le Maroc et le Soudan, par exemple, appliquent des « lois de moralité » qui leur permettent de poursuivre des adolescentes ou des jeunes femmes et de les inculper d'adultère, d'indécence ou de relations sexuelles extraconjugales.[78] Les filles et les jeunes femmes avec enfants, qui sont souvent perçues comme déshonorantes pour leur communauté, sont exposées au ridicule public, à l'isolement et aux peines de prison, et il est attendu d’elles qu’elles quittent l'école.[79]
Ne marginaliser aucune adolescente ? |
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Pays ayant des politiques ou des décrets d'expulsion |
Pays ayant des politiques de « réadmission » conditionnelle |
Pays ayant des politiques de « continuation » |
Pays ayant des lois qui protègent le droit des filles enceintes de rester à l'école ou de reprendre leurs études, mais qui n'ont pas de politique |
Pays ayant des lois ou des pratiques pénalisant les filles et les jeunes femmes qui tombent enceintes hors mariage |
Pays sans lois ni politiques relatives au maintien des filles enceintes ou des mères adolescentes dans les écoles |
Guinée équatoriale Sierra Leone Tanzanie Togo |
Afrique du Sud Botswana Burundi Cameroun Gambie Kenya Liberia Madagascar Malawi Mali Mozambique Namibie Sénégal Swaziland Zambie Zimbabwe |
Cap-Vert Côte d’Ivoire Gabon Rwanda |
Bénin Lesotho Mauritanie (**) Nigeria République démocratique du Congo Soudan du Sud
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Algérie Égypte Libye Maroc/ Sahara Occidental Mauritanie Soudan Tunisie |
Angola Burkina Faso Comores Djibouti Érythrée Ethiopie Ghana Guinée Guinée-Bissau Ile Maurice Niger Ouganda République centrafricaine République du Congo Sao Tomé-et-Principe Seychelles Somalie Tchad |
IV. Ouvrir les portes des écoles à toutes les adolescentes
La grossesse et la procréation sont des événements importants qui changent la vie, d’autant plus s’agissant de jeunes filles. Traverser ces expériences tout en étant encore à l’école – alors qu’elles sont souvent stigmatisées ou rejetées, avec peu ou pas de soutien de la part de la famille ou de l'école, condamnées par des agents de l’Etats, confrontées à des difficultés économiques et parfois à des abus et à la violence – peut représenter de graves difficultés pour des filles enceintes et des mères adolescentes voulant poursuivre leur éducation.
Cependant, au lieu de qualifier les filles enceintes et les mères adolescentes d'échecs «moraux», de les punir et de les exclure de l'école, les gouvernements africains ont des obligations en vertu du droit international des droits humains d'encourager et de soutenir l'éducation et les progrès scolaires de ces filles sans discrimination.
Dans l'ensemble, une approche globale est nécessaire pour réduire les grossesses précoces et non désirées et aider les jeunes mères à poursuivre leurs études. Les bonnes pratiques de tout le continent montrent que le secteur de l'éducation peut jouer un rôle important, s’agissant de lutter contre les grossesses précoces, notamment en s’attaquant à certaines de leurs causes profondes, et en traitant les impacts et les besoins éducatifs, sanitaires et sociaux des mères enceintes et adolescentes.
Les pays de l'Union africaine adhérant aux bonnes politiques et pratiques ont au moins mis l'accent sur les mesures suivantes: aider les filles à rester à l'école en supprimant les frais de scolarité primaire et secondaire pour que tous les élèves puissent avoir accès à l'école; fournir un soutien financier aux filles à risque et très vulnérables; veiller à ce que les écoles soient sûres pour les élèves en veillant à ce que les écoles disposent de mécanismes adéquats de protection des enfants; offrir aux adolescents un accès à des services de santé sexuelle et reproductive, y compris une éducation sexuelle complète à l'école et dans la communauté; et assurer l'accès à une gamme de méthodes contraceptives, ainsi qu'à un avortement sans risque et légal.[80]
Les écoles devraient assurer l'inclusion de tous les élèves et prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants contre les abus, l'exploitation ou le harcèlement sexuels. Les écoles devraient également jouer un rôle clé en fournissant aux élèves les informations et les outils nécessaires pour comprendre les changements survenant à l'adolescence, la sexualité et la reproduction, et leur fournir des informations leur permettant de prendre des décisions éclairées sans la pression, les stéréotypes ou les mythes véhiculés par leurs amis ou leurs communautés.
Les gouvernements devraient adopter des programmes scolaires nationaux obligatoires qui comprennent la santé et les droits sexuels et reproductifs, un comportement sexuel responsable, des relations saines, la prévention des grossesses précoces et des mariages, la prévention des infections sexuellement transmissibles, l'égalité des sexes, ainsi que la connaissance et la prévention de l'exploitation sexuelle et des violences sexuelles et fondées sur le genre.[81] L'orientation technique fondée sur des données probantes montre que les enfants devraient être initiés à un contenu adapté à leur âge sur la sexualité et la santé reproductive à l'école primaire, avant la puberté.[82]
Remerciements
Ce rapport a été rédigé par Elin Martínez, chercheuse à la Division des droits de l'enfant de Human Rights Watch, et par Agnès Odhiambo, chercheuse principale à la Division des droits des femmes. La recherche pour ce rapport a été menée par Elin Martínez, avec l'aide d'Allison Cowie, Aurélie Edjidjimo Mabua et Elena Bagnera, stagiaires à la Division des droits de l'enfant, Ochieng Angayo, assistant de recherche, et Leslie Estrada, associée à la Division des droits de l'enfant.
Le rapport a été édité par Zama Neff, directeur exécutif de la Division des droits de l'enfant. James Ross, directeur juridique et politique, et Babatunde Olugboji, directeur adjoint du programme, ont fourni des analyses juridiques et des programmes. Margaret Wurth, chercheuse auprès des divisions Droits des femmes et Droits des enfants ; Maria Burnett, directrice adjointe pour l’Afrique de l’Est ; Corinne Dufka, directrice adjointe pour l’Afrique de l'Ouest ; et Mausi Segun, directrice exécutif de la Division Afrique, ont fourni des avis d'experts. Le rapport a également bénéficié des analyses de chercheurs des divisions Afrique, Moyen-Orient et Afrique du Nord. La Dr Chi-Chi-Undie, du Population Council, a réalisé une révision externe. La traduction en français a été assurée par Danielle Serres, et révisée par Peter Huvos. L'aide à la production a été fournie par Leslie Estrada, associée à la Division des droits de l'enfant ; et Fitzroy Hepkins, directeur administratif.
Nous aimerions remercier les experts des organisations non gouvernementales nationales et internationales, des ministères de l'Éducation et des agences des Nations Unies qui nous ont aidés à mener les recherches pour ce rapport, et ont partagé des données et d'autres informations avec nous. Ces experts et ces représentants sont les suivants : Van Daniel de Pairs Educateurs et Promoteurs sans Frontières au Cameroun, Nicolas Effimbra du ministère de l'Éducation de Côte d’Ivoire, Najlaa Elkhalifa, Desiré Essossinam Adjoke de Plan International Togo, Bernard Makachia de Education for Better Living, Sabrina Mahtani d’Amnesty International, Trine Petersen de l’UNICEF Lesotho, Ndiaye Khadidiatou Sow du ministère de l'Éducation nationale du Sénégal, et Boaz Waruku de la Campagne du réseau africain sur l'Éducation pour tous. Nous aimerions également remercier la Dr Chi-Chi Undie du Population Council pour ses précieux commentaires, et Françoise Kpeglo Moudouthe, de Girls not Brides, pour ses conseils stratégiques.