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Brésil : Les exécutions sommaires nuisent à la sécurité de Rio

Les meurtres commis par la police se poursuivent à l’approche des Jeux olympiques

(Rio de Janeiro) – Les autorités de L’État de Rio de Janeiro, au Brésil, se sont engagées à améliorer la sécurité publique en préparation des Jeux olympiques mais n’ont toutefois pas pris suffisamment de mesures pour remédier aux exécutions sommaires commises par la police, obstacle principal à un maintien de l’ordre plus efficace a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.

Le rapport de 109 pages, intitulé « ‘Good Cops Are Afraid’: The Toll of Unchecked Police Violence in Rio de Janeiro » (« Les bons policiers ont peur : Conséquences néfastes de la violence incontrôlée de la police à Rio de Janeiro ») décrit la manière dont les meurtres illégaux par la police ont torpillé les efforts ambitieux de l’état visant à améliorer la sécurité publique.



La police de Rio a tué plus de 8 000 personnes au cours de la décennie écoulée, dont au moins 645 en 2015. Selon les conclusions d’Human Rights Watch, s’il est probable que la plupart des meurtres commis découlaient d’un usage légitime de la force, de nombreux autres étaient purement et simplement des exécutions sommaires.

« La criminalité violent est un véritable problème à Rio, mais la réponse n’est pas l’exécution des criminels soupçonnés », a déclaré Maria Laura Canineu, directrice de Human Rights Watch au Brésil. « Ces meurtres illicites montent les communautés contre la police et sapent la sécurité pour tous. »
Un véhicule blindé de la police militaire brésilienne près du corps d’une personne tuée par la police le 7 avril 2016, dans la favela (bidonville) de Jacarezinho, à Rio de Janeiro, lors d'une opération au cours de laquelle deux autres personnes ont été tuées. © 2016 Carlos Cout

Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus de 30 policiers de Rio, dont plusieurs qui ont décrit leurs expériences avec l’usage de force létale et deux qui ont avoué une participation directe à des exécutions. Un policier a relaté une opération au cours de laquelle l’un de ses collègues a exécuté un membre présumé d’un gang de trafiquants de drogue alors qu’il gisait blessé au sol. Un autre a décrit une opération montée pour tuer des membres présumés d’un gang.

Les policiers ont déclaré ne pas vouloir signaler les crimes de leurs collègues de crainte d’être tués. « Ils n’hésiteraient même pas une milliseconde à me tuer moi ou ma famille »,  a affirmé l’un d’entre eux.

Les policiers impliqués dans des meurtres illicites cherchent régulièrement à dissimuler leur comportement criminel a constaté Human Rights Watch. Ils menacent les témoins, placent une arme ou de la drogue sur leurs victimes et déplacent les cadavres du lieu du crime, les transportent dans un hôpital en affirmant tenter de les « sauver ».

Human Rights Watch a trouvé dans 64 cas, des preuves crédibles de dissimulation de meurtres illicites par la police. Ces cas révèlent un plus large problème selon les responsables locaux de la justice : ils ont déclaré à Human Rights Watch qu’un grand nombre d’« échanges de feu » déclarées par la police dans l’état au cours des dernières années, étaient en fait des exécutions sommaires. Les données officielles de l’état appuient cette conclusion.

Pendant les « échanges de feu » présumés déclarés de 2013 à 2015, la police de Rio a tué cinq fois plus de personnes qu’elle en a blessé, l’inverse de ce que l’on attendrait. En 2015, il a été dénombré 24.8 personnes tuées par policier tué dans l’exercice de ses fonctions, soit plus du double de la proportion relevée en Afrique du Sud et du triple de celle relevée aux États-Unis.

Les meurtres illicites commis par la police ont des conséquences dramatiques – non seulement sur les victimes et leur famille, mais aussi sur la police elle-même, a constaté Human Rights Watch. Les meurtres déclenchent des cycles de violence qui mettent en danger la vie des policiers en service dans les zones de forte criminalité, empoisonnent leurs relations avec les communautés locales et contribuent à un niveau de stress élevé qui compromet leur capacité de bien exercer leurs fonctions.

Parmi les 64 cas pour lesquels Human Rights Watch a trouvé des preuves de dissimulation figurent les 35 cas présentés dans le rapport le rapport Lethal Force (« Force létale ») de 2009. Sur les 29 cas documentés depuis, 12 l’ont été au cours des deux dernières années. Dans les 64 cas, 116 personnes ont perdu la vie dont au moins 24 enfants.

Presque tous les cas ont été déclarés « échanges de feu » par la police. Néanmoins dans au moins 20 d’entre eux, les rapports d’autopsie ont montré que les victimes ont été tuées à bout portant. Dans d’autres cas, les analyses de lieu de crime ou les témoignages des témoins ont indiqué qu’il n’y avait pas eu de fusillade.

Les policiers responsables de crimes illicites et de dissimulation comparaissent rarement devant la justice. Human Rights Watch a trouvé les enquêtes de la police civile terriblement insuffisantes. La responsabilité incombe en fin de compte au ministère public de Rio de Janeiro chargé de surveiller le travail des enquêteurs de la police ainsi que de mener ses propres enquêtes a déclaré Human Rights Watch.

« En n’enquêtant pas sur les meurtres commis par la police, les autorités se rendent non seulement coupables d’un déni de justice envers les familles des victimes mais nuisent grandement aux forces de police de Rio elles-mêmes », a affirmé Maria Laura Canineu. « Tant qu’il n’y aura aucune obligation de rendre des comptes, les exécutions sommaires par des policiers continueront, ce qui rend le travail de maintien de l’ordre à Rio plus difficile et dangereux pour le reste. »

Dans son dossier de candidature aux Jeux olympiques, le gouvernement brésilien a affirmé que les jeux serviraient de catalyseur puissant aux améliorations à long terme de l’appareil de sécurité  de la ville de Rio de Janeiro. La principale initiative de Rio concernant la sécurité était un projet de renoncer aux descentes de police militarisées sur les quartiers pauvres et d’établir des postes de police de quartiers axés sur des services de police communautaires appelés Unités de police pacificatrices (UPP).

Alors que le nombre officiellement enregistré de meurtres commis par la police a diminué après une pointe de plus de 1300 en 2007 à environ 400 en 2013, le nombre a augmenté depuis, pour atteindre 645 en 2015 et 322 de janvier à mai 2016, selon les données les plus récentes dont nous disposons.

Les autorités de Rio ont récemment pris plusieurs mesures en vue d’améliorer la manière dont sont traités les cas concernant les meurtres par la police en créant, entre autres dispositions, une unité chargée de poursuites des abus de pouvoir de la police. Il faudra néanmoins d’autres mesures pour renforcer la nouvelle unité et garantir l’ouverture d’enquêtes et des poursuites de ces cas a conclu Human Rights Watch.

« On ne peut pas s’attendre à ce que des services de police communautaires soient efficaces tant que la police exécute des membres de la communauté qu’elle est censée protéger » a déclaré Maria Laura Canineu. « On ne peut pas s’attendre non plus à ce que les policiers honnêtes exercent bien leurs fonctions s’ils vivent dans la crainte permanente de leurs collègues en plus de celle des membres des gangs. »

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