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RD Congo : Hausse alarmante du nombre d’enlèvements dans l’est du pays

Les autorités devraient créer une unité de police spéciale chargée de lutter contre cette menace

Jean Emmanuel Biriko (à droite), connu également sous le nom de Manoti, en procès pour son rôle présumé dans des kidnappings commis sur le territoire de Rutshuru, dans l'est de la République démocratique du Congo. Il a été inculpé et condamné à mort en mai 2015. Les kidnappings ont continué dans la région après son arrestation. 15 avril 2015.  © 2015 Privé

(Goma) – Au moins 175 personnes ont été enlevées contre rançon en 2015 en République démocratique du Congo, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Des membres actuels et anciens de groupes armés semblent être responsables de plusieurs cas de ces kidnappings.

La grande majorité des cas documentés par Human Rights Watch ont eu lieu dans le Rutshuru, territoire de la province du Nord-Kivu, dans l’est du pays. Au moins trois otages ont été tués et un autre est décédé de ses blessures lors d’une tentative d’enlèvement. Un autre otage est toujours porté disparu. Presque tous les otages ont été relâchés après que des membres de leurs familles ou des employeurs aient payé une rançon. Vingt des victimes étaient des travailleurs humanitaires congolais et étrangers.

« La hausse alarmante du nombre de kidnappings constitue une grave menace pour la population de l’est de la RD Congo », a déclaré Ida Sawyer, chercheuse senior de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les autorités congolaises devraient de toute urgence créer une unité de police spéciale chargée d’aider à secourir les otages, et de mener des enquêtes et des poursuites contre les ravisseurs. »
La hausse alarmante du nombre de kidnappings constitue une grave menace pour la population de l’est de la RD Congo. Les autorités congolaises devraient de toute urgence créer une unité de police spéciale chargée d’aider à secourir les otages, et de mener des enquêtes et des poursuites contre les ravisseurs.
Ida Sawyer

chercheuse senior de la division Afrique
Human Rights Watch a mené des entretiens auprès de 45 anciens otages et témoins dans le Nord-Kivu entre mai et décembre. Ceux-ci ont indiqué que les ravisseurs opèrent en général en groupes d’une dizaine d’individus ou plus, et sont souvent lourdement armés de kalachnikovs et autres armes d’assaut militaires. Nombre d’entre eux portent des tenues militaires et semblent appartenir, ou avoir appartenu, à l’un des nombreux groupes armés actifs dans l’est de la RD Congo.
Les ravisseurs suivent souvent une procédure similaire ; ils frappent, fouettent ou menacent leurs otages de mort, leur demandant d’appeler leurs proches ou leurs employeurs afin de les persuader de payer pour leur libération. Les ravisseurs ont souvent utilisé les téléphones portables des victimes ou bien leurs propres téléphones afin de négocier le paiement des rançons. Dans certains cas, les ravisseurs ont enlevé un seul otage, et dans d’autres cas un groupe d’otages.

Dans un incident survenu le 2 septembre, des hommes armés ont enlevé une étudiante de 27 ans près de l’hôpital général de Goma et l’ont emmenée au fin fond de la forêt, où elle a été détenue avec d’autres otages. Les ravisseurs frappaient et maltraitaient les otages, même en les brûlant avec des baïonnettes chauffées. « Lorsque nous avons demandé de la nourriture, ils ont choisi un homme parmi nous et l’ont tué en lui tranchant la gorge », a-t-elle confié à Human Rights Watch. « ‘Si vous voulez manger, voilà la viande’, nous ont-ils dit. » Elle a été détenue pendant neuf jours, et relâchée après que sa famille ait versé une rançon.        

Dans les cas documentés par Human Rights Watch, les ravisseurs ont réclamé de 200 à 30 000 $US par otage, même si les montants payés étaient souvent bien inférieurs à la somme réclamée, selon des proches et d’anciens otages.

Les paiements de rançon ont souvent entraîné de graves difficultés financières pour les familles. Un homme a été obligé de vendre sa ferme afin de pouvoir rembourser l’argent emprunté par sa famille pour payer la rançon de sa libération, laissant sa famille sans aucune source de revenu.

Les ravisseurs ont également pris pour cible des travailleurs de l’aide nationale et internationale, du personnel sous contrat travaillant pour les Nations Unies, et des chauffeurs d’une importante société de transport. Dans tous les cas, les otages ont ensuite été relâchés. Aucune information n’a été rendue publique quant à savoir si des rançons ont été versées.

Dans la plupart des cas documentés par Human Rights Watch, les membres des familles des otages n’ont pas informé la police ni d’autres autorités à propos du kidnapping, soit parce qu’ils pensaient qu’ils n’obtiendraient aucune aide, soit parce qu’ils craignaient que cela n’empire la situation et ne les expose à d’autres actes d’extorsion de la part des autorités pour toute aide fournie. Une ancienne otage a indiqué que lorsque sa mère a informé un fonctionnaire judiciaire à Goma du fait que sa fille avait été kidnappée, celui-ci s’est contenté de répondre que la mère devrait « aller payer ».

Au moins 14 personnes ont été kidnappées à proximité de zones où des militaires congolais étaient basés, amenant certaines des victimes et de leurs familles à se demander si les militaires pouvaient s’être rendus complices. Human Rights Watch n’a trouvé aucune preuve indiquant que des militaires congolais aient participé aux kidnappings, mais certains des individus impliqués semblent être ou avoir été des membres de groupes armés que des officiers de l’armée congolaise avaient armés ou soutenus par le passé.

L’un des groupes impliqués est les Forces de défense des intérêts du peuple congolais (FDIPC) qui a collaboré avec l’armée congolaise pendant les opérations militaires contre le groupe rebelle M23 en 2012 et 2013, selon les recherches de Human Rights Watch et de l’ONU. D’anciens otages et des autorités locales ont affirmé à Human Rights Watch que des combattants et anciens combattants des FDIPC étaient responsables de certains des enlèvements.

Le 14 avril, les autorités congolaises ont arrêté le chef militaire des FDIPC, Jean Emmanuel Biriko (connu sous le nom de Manoti), son épouse, ainsi qu’une dizaine de ses combattants et les ont mis en accusation pour enlèvement, entre autres crimes. Leur procès s’est ouvert dès le lendemain devant un tribunal militaire dans la ville de Rutshuru. Le 18 mai, à la suite de procédures profondément entachées d’irrégularités au cours desquelles les droits des accusés ont été violés, le tribunal a condamné à mort Manoti et dix de ses co-accusés pour appartenance à un gang criminel. Bien que la peine de mort soit encore autorisée en RD Congo, un moratoire sur les exécutions est en vigueur depuis 2003. Human Rights Watch est opposé en toutes circonstances à la peine de mort, en tant que sanction inhumaine et irrévocable.

Au cours du procès, Manoti a prétendu avoir collaboré avec plusieurs officiers de l’armée congolaise, dont un qui, selon lui, était impliqué dans les enlèvements. Human Rights Watch n’a pu identifier aucune enquête judiciaire menée sur le rôle présumé de ces officiers de l’armée ni sur d’autres, même si des responsables gouvernementaux et de l’armée sont au courant de ces allégations. Un officier haut-gradé du renseignement militaire a reconnu auprès de Human Rights Watch que Manoti « pourrait avoir travaillé avec certains des militaires » durant les incidents de kidnapping.

L’arrestation de Manoti et de ses hommes n’a pas mis fin aux enlèvements. La majorité des cas documentés par Human Rights Watch en 2015 s’est produite après leur arrestation. Si les autorités congolaises affirment qu’elles ont arrêté d’autres ravisseurs présumés, aucun d’entre eux n’a été traduit en justice.

Invoquant « l’ampleur incommensurable » des kidnappings dans l’est de la RD Congo, la Commission Défense et Sécurité de l’Assemblée Nationale a tenu une audition le 3 décembre avec le Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur Évariste Boshab au sujet de la réponse du gouvernement. Boshab a répondu que la situation est « vraiment très préoccupante » et « compte parmi les grands défis sécuritaires auxquels le gouvernement est confronté en ce moment ».

Trois membres de la commission ont indiqué qu’il avait été décidé d’établir une commission d’enquête parlementaire afin d’enquêter sur les enlèvements et sur l’éventuelle complicité de membres du gouvernement et des services de sécurité, d’évaluer ce qui a déjà été fait et de formuler des recommandations.

Human Rights Watch a préconisé vivement à la commission de soutenir la création d’une unité de police spéciale chargée de documenter les affaires de kidnapping et d’y répondre, d’identifier et d’arrêter les ravisseurs présumés, de signaler les allégations de complicité entre les ravisseurs et des officiels, et de travailler avec les membres du système judiciaire pour traduire les coupables en justice dans des procès équitables et crédibles.

« Mettre fin à la menace de kidnapping devrait constituer une haute priorité pour le gouvernement congolais », a conclu Ida Sawyer. « Les autorités devraient non seulement traduire les individus responsables en justice dans le cadre de procès équitables, mais également identifier et agir contre tout fonctionnaire impliqué. »

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Informations complémentaires et témoignages d’anciens otages

Les enlèvements
Human Rights Watch a confirmé les enlèvements contre rançon de 172 Congolais et de trois ressortissants étrangers lors de 35 incidents distincts dans le Rutshuru, deux dans le territoire du Nyirangongo, un dans le Walikale, et quatre à Goma en 2015. Le nombre actuel des cas est probablement beaucoup plus élevé. Human Rights Watch a également recueilli des informations au sujet de cas de kidnappings dans la ville de Butembo et dans le territoire de Beni, mais ces incidents sont au-delà de la portée de des recherches décrites ici.

La plupart des enlèvements documentés par Human Rights Watch ont eu lieu dans des zones contrôlées antérieurement par le M23, un groupe rebelle soutenu par le Rwanda qui s’est rendu coupable de crimes de guerre généralisés entre début 2012 et fin 2013, lorsque l’armée congolaise et les forces de l’ONU ont vaincu le groupe. Un nouveau programme national de Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) chargé de désarmer les anciens combattants du M23 et d’autres groupes armés, et de leur proposer d’autres opportunités économiques n’est pas encore pleinement opérationnel. Les combattants de divers groupes armés qui se sont rendus au cours des deux dernières années ont été envoyés dans des camps de regroupement où ils ont attendu pendant des mois, souvent dans des conditions épouvantables, que le programme commence. Certains ont abandonné les camps, lassés d’attendre, et sont revenus à leurs groupes armés ou bien se sont tournés vers une autre activité criminelle, notamment le kidnapping.

Plusieurs cas des enlèvements se sont produits sur les routes principales des territoires du Rutshuru et de Nyiragongo, au Nord-Kivu, y compris celles de Rutshuru à Rwindi, de Nyiragongo à Rutshuru, de Rutshuru à Nyamilima, de Rwindi à Nyanzale, et de Rutshuru à Bunagana.

Human Rights Watch a constaté que les victimes n’ont pas été choisies en fonction de leur appartenance ethnique. La grande majorité d’entre elles étaient des hommes. Si des femmes étaient capturées, elles étaient souvent volées et immédiatement relâchées. Human Rights Watch a documenté cinq cas de femmes prises en otages. L’âge des victimes variait de 4 à 70 ans. Les ravisseurs ont pris des personnes pour cible sur des routes, dans des fermes, dans des maisons et dans des écoles. Les personnes ont été détenues sur des durées allant de huit heures à neuf jours.

Les conclusions de Human Rights Watch s’appuient sur quatre missions de recherche à Kibirizi, Kiwanja, et Kibumba dans les territoires du Rutshuru et Nyiragongo, et sur des entretiens menés en personne et par téléphone à Goma. Au total Human Rights Watch s’est entretenu avec plus de 70 anciens otages, témoins, défenseurs des droits humains, hommes d’affaires, autorités locales et coutumières, agents du gouvernement, membres de la police et du renseignement militaire, et du personnel civil de la mission de maintien de la paix de l’ONU.

Témoignages d’anciens otages
Une jeune femme de 19 ans kidnappée à Goma le 18 septembre après avoir accepté une offre de trajet en voiture de la part de trois hommes :

Une autre fille se trouvait aussi dans la voiture quand je suis montée. Quand nous avons réalisé qu’ils nous emmenaient dans la mauvaise direction, nous nous sommes mises à crier. Le conducteur s’est alors penché vers l’arrière et il m’a mis du ruban adhésif sur la bouche et les yeux. Il a fait la même chose pour l’autre fille. Ils m’ont lié les pieds et les mains avec une ceinture. Je ne savais pas où j’étais ni où nous allions. Un peu plus tard, la voiture a klaxonné et deux hommes m’ont portée dans une maison. Plus tard ce jour-là, ils m’ont injecté quelque chose et j’ai perdu connaissance.

Elle a été relâchée neuf jours plus tard, après que sa famille a versé 300 $US aux kidnappeurs. Après avoir consulté un docteur, elle a appris qu’elle avait été violée pendant qu’elle était inconsciente.

Une étudiante de 27 ans a été kidnappée à 11:00 du matin le 2 septembre près de l’hôpital général de Goma :

Je me rendais à l’université quand une voiture a klaxonné derrière moi. L’un des passagers m’a appelée par le nom de famille de mon père. Ils m’ont dit qu’ils avaient essayé de joindre mon frère par téléphone pour lui remettre un paquet mais qu’il ne l’avait pas pris. Ils m’ont demandé de venir le chercher avec eux. J’ai eu le courage de monter dans la voiture parce qu’ils connaissaient mon père. Je ne connaissais aucun d’entre eux. Quand nous sommes passés devant l’hôtel Karibu, j’ai perdu connaissance. Je ne sais pas comment. Le lendemain, je me suis retrouvée dans une forêt. Il y avait d’autres personnes qui avaient été kidnappées : des enfants, des hommes et des femmes. Nous avons tous été battus. Ils plaçaient une baïonnette dans le feu puis nous la posaient sur le ventre. C’était horriblement douloureux. Un jour, quand nous avons demandé à manger, ils ont choisi un homme parmi nous et l’ont tué en lui tranchant la gorge. « Si vous voulez manger, voilà la viande », nous ont-ils dit. Ma famille a envoyé 7 000 $US via Airtel Money. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite mais quand je me suis réveillée je me suis retrouvée devant [la ville de] Sake.

Un groupe de femmes à proximité l’ont aidée à trouver un téléphone pour appeler sa famille et rentrer à Goma neuf jours après son enlèvement. Elle est suivie par un psychologue pour les effets secondaires de l’expérience.

Un homme de 48 ans, appartenant à l’ethnie Shi, a été kidnappé avec six autres sur la route Rwindi-Kibirizi, dans le territoire de Rutshuru, en juillet :

Trois hommes armés nous attendaient dans le parc…Ils ont tendu une corde en travers de la route pour nous obliger à nous arrêter. C’était effrayant. Certains d’entre nous se sont urinés dessus. Nous ne savions à quel saint nous vouer. Ils ont pillé systématiquement le véhicule et chacun de nous a dû donner son téléphone portable et tout l’argent que nous possédions. Peu après, ils nous ont donné l’ordre de nous mettre en marche. Dans la forêt, nous avons rencontré onze autres hommes qui se cachaient. Ils avaient tous des armes à feu, nous avons marché très longtemps jusqu’à installer un campement en pleine forêt [du Parc national de la Virunga].

Le lendemain, leur chef nous a dit : « Nous pouvons faire de vous ce que nous voulons. Nous sommes seuls avec vous. Nous pouvons même vous couper la tête et vous donner aux animaux du parc. Nous pouvons vous garder ici pendant six mois et personne ne pourra rien faire pour vous. Nous savons que vous n’avez pas d’argent sur vous ici, mais vos familles en ont. Alors, nous allons vous donner vos téléphones [portables]. » Alors chacun de nous s’est vu rendre son téléphone pour trouver un ou deux numéros de nos familles. « Vous allez leur dire que vous êtes dans le parc avec les lions et qu’ils doivent apporter chacun 1 000 $US pour votre libération. C’est urgent. Ce n’est pas négociable », [a dit le kidnappeur].

La victime a été relâchée trois jours plus tard après le versement de 1 000 $US par des membres de sa famille.

Un homme d’affaires de 53 ans, enlevé avec seize autres hommes le 17 mai à Mabenga, territoire de Rutshuru :

Nous nous trouvions dans un bus public allant à Mabenga quand nous avons rencontré des bandits qui se sont mis à tirer en l’air puis dans nos pneus. L’un des passagers a été tué immédiatement … une autre personne a été blessée. Je voulais fuir mais un des bandits a déclaré : « À ceux qui osent fuir, nous vous tuerons de la même façon. » … les femmes qui se trouvaient avec nous dans le bus n’ont pas été prises. Nous n’étions que des hommes, 17 en tout.

Quand les FARDC [l’armée congolaise] ont appris notre enlèvement, ils sont venus nous aider. Ils ont tiré un grand nombre de coups de feu sur les ravisseurs. L’un des bandits a dit : « Votre armée veut vous libérer, nous allons vous montrer qui nous sommes. » Immédiatement ils ont tiré sur un [des otages], qui est mort ensuite dans les champs.

Les passagers ont été relâchés par la suite, l’un après l’autre, contre des rançons allant de 500 à 4 000 $US. L’homme d’affaires a été relâché en même temps que son neveu au bout de neuf jours et contre un paiement de 1 000 $US.

Un homme de 31 ans dont la famille a versé 1 500 $US après son enlèvement à Mabenga, territoire de Rutshuru, et qui a été détenu pendant deux jours à la mi-mai : 

En ce moment, ma famille est dans la misère totale. Nous n’avons plus d’argent …J’ai perdu mon travail après l’enlèvement. Je ne sais pas pourquoi. Alors je suis désormais un homme sans emploi à la maison.

Un chauffeur de bus âgé de 40 ans et appartenant à l’ethnie Hunde, a été enlevé par quatre assaillants le 12 mai à Rugari, territoire de Rutshuru :

J’étais dans le véhicule juste après Rugari quand quatre hommes armés ont surgi devant nous. Ils ont commencé à nous tirer dessus. Un des passagers a été touché au bras. J’ai immédiatement stoppé le bus. Ils n’ont pris que moi. Ils m’ont emmené dans la forêt.… Ils m’ont bandé les yeux et ils m’ont dit : « Nous aurions pu t’enlever hier quand tu revenais de Rutshuru mais tu étais avec une délégation de politiciens. Ce matin quand tu es sorti du parking à Goma, nos éclaireurs nous ont informés que tu étais en route. Maintenant, nous t’avons et tu es entre nos mains. Notre objectif est de te tuer. Si tu ne veux pas que nous mettions fin à ta vie, tu dois nous donner 10 000 $US. »

Sa famille a laissé 2 000 $US dans une veste pendue à un arbre deux jours plus tard comme rançon, obtenant sa libération. Il a ensuite perdu son travail parce que son employeur ne lui faisait plus confiance après l’incident.

Un enseignant de 62 ans a été enlevé chez lui à Bukoma, territoire de Rutshuru, le 9 mai :

C’était 20h00 et je mangeais avec ma famille quand trois hommes armés sont entrés chez moi, m’appelant par mon nom. Sous la menace des armes et devant mes enfants tremblant de peur, je leur ai donné tout l’argent que j’avais dans la maison. Mais ça ne leur suffisait pas alors ils m’ont pris en otage et ont demandé une rançon pour me libérer.

Il a été relâché le lendemain, après que ses collègues aient collecté de toute urgence 1 500 $US de plus pour payer les kidnappeurs.

Un home de 24 ans, vendeur de crédit de téléphones portables, kidnappé le 5 mai près de Rwindi, territoire de Rutshuru :

Nous venions de dépasser Rwindi lorsqu’un homme en uniforme militaire est apparu au bord de la route et s’est mis à tirer en l’air. Le chauffeur du bus s’est arrêté immédiatement et nous avons réalisé que nous étions encerclés par neuf autres bandits. Ils portaient également des uniformes militaires et ont commencé à tirer en l’air. On se serait cru en guerre.

Les bandits nous ont forcés à les suivre dans la forêt. Personne n’a essayé de résister. Nous étions quatorze hommes. Ils n’ont pris aucune des femmes. Ils les ont seulement volées et leur ont dit de rester dans le bus. Dans la forêt ils ont commencé à nous battre. Ils nous ont sévèrement fouettés. Nous ne pouvions rien faire à part crier. Personne n’aurait pu venir à notre aide dans la forêt.…

Je ne peux même pas compter le nombre de coups de fouet que j’ai reçus. Après nous avoir fouettés, ils nous ont dit en swahili : « Nous voulons vous tuer maintenant. » ils ont demandé au second chauffeur [de bus] : « Il te reste de l’argent ? » Il leur a dit qu’il n’avait plus rien. Immédiatement, ils lui ont mis un couteau sous la gorge en disant : « Nous allons te tuer maintenant. » Il s’est mis à pleurer bruyamment en les suppliant de l’épargner. Grâce à Dieu, il n’a pas été tué. Ensuite ils s’en sont pris à moi en me demandant de l’argent. J’étais allongé sur le sol avec une machette sur le cou. J’ai prié. « Seigneur, recevez mon âme ! » Ils m’ont lâché, mais j’ai été fouetté de nouveau jusqu’à ce que je n’en puisse plus.

Il a été relâché avec les treize autres hommes après trois jours de captivité, lorsque leurs familles ont payé des rançons.

Un chauffeur de bus a été attaqué avec 18 de ses passagers et son assistant le 4 mai, dans le territoire de Rutshuru :

Nous étions à deux kilomètres de Burai quand nous avons dépassé une position de l’armée. Environ 150 mètres devant nous, il y avait une autre de leurs positions. Soudain, j’ai vu un homme non armé portant une cape de pluie. Il m’a fait signe de m’arrêter et s’est placé au milieu de la route. J’ai commencé à ralentir. Puis, sur ma gauche, un homme armé en vêtements civils a tiré dans un des pneus du bus. Mon assistant et les passagers ont commencé immédiatement à descendre du bus. Pendant ce temps, deux autres assaillants sont arrivés et m’ont tiré hors du véhicule. Ils ont pillé le bus et tous les passagers. Ils m’ont emmené tout seul dans la forêt.

Le chauffeur a été libéré trois jours plus tard après le paiement d’une rançon de 1 200 $US.

Un chauffeur de bus de 45 ans kidnappé avec l’un de ses passagers en mai à Busendu, territoire de Rutshuru :

Les bandits nous ont arrêtés et ont confisqué nos téléphones portables. Nous nous trouvions à 500 mètres d’une position des FARDC et de l’endroit où étaient postés les gardes forestiers [de Virunga]. Ils se sont contentés de tirer en l’air, mais ils ne sont pas venus à notre aide. L’un des [deux] assaillants a également tiré en l’air tandis que l’autre bandit nous conduisait dans la forêt.

Les deux otages ont été relâchés deux jours plus tard contre une rançon de 3 000 $US.

Le père d’un vacher de 17 ans à Bwito, territoire de Rutshuru, qui a été kidnappé et ensuite tué par des combattants présumés des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé composé essentiellement de Hutus rwandais actif dans l’est de la RD Congo :

Tôt le matin du 2 avril, j’ai demandé à mon fils d’aller aux pâturages porter du sel et des médicaments pour les vaches aux bergers. [Plus tard ce jour-là] un combattant des FDLR m’a appelé et il a passé le téléphone à mon fils. « Papa, je suis avec les FDLR », a-t-il dit. « Ils demandent 3 000 $US. » Avant que mon fils puisse continuer, ils lui ont repris le téléphone. « Nous n’avons pas assez de temps pour discuter ça avec toi. Si l’argent n’arrive pas ici avant 15h00, nous n’allons te laisser que le cadavre de ton fils. » Un peu plus tard, après trois heures il me semble, ils ont rappelé. « Il te reste moins de deux heures pour réagir. » Plus tard ils m’ont néanmoins rappelé disant qu’ils étaient pourchassés par les FARDC. « Il nous faut bouger. » Ensuite, ils ont expliqué où apporter l’argent. Quand j’y suis arrivé, j’ai vu le corps de mon fils, abandonné, décapité. Je ne savais plus que faire. J’ai pleuré … j’ai enterré mon fils le lendemain matin.

Un fermier de 51 ans a été kidnappé ainsi que trois personnes travaillant pour l’ONU, le 23 avril dans le Parc national de la Virunga, territoire de Rutshuru :

Je coupais du bois pour le feu lorsque deux hommes sont arrivés derrière moi. « Si tu t’enfuis on va te tuer. »Ils étaient tous les deux armés et portaient des vêtements civils. Ils m’ont obligé à marcher. Au bout de quelques mètres, j’ai découvert trois autres hommes enlevés. Ils étaient gardés par quatre hommes. Ceux-ci m’ont dit de m’asseoir. Dans la soirée, ils nous ont demandé de nous lever et de nous remettre en marche. À Gishanga, nous avons rencontré un autre groupe d’hommes armés. Ils étaient des dizaines. Les kidnappeurs portaient six cartons de munitions. Ces hommes n’étaient pas des FDLR parce qu’ils étaient en majorité des Tutsis [membres d’un groupe ethnique peu susceptibles de faire partie des FDLR essentiellement Hutus]. Ils savaient où les FDLR avaient leurs positions et donc nous avons pu les éviter et aller à Kalengera, Tongo et finalement à Burungu.

Le samedi 25 avril, ils nous ont laissé partir après que nos familles aient versé de l’argent pour notre libération. L’un des membres de leur famille s’était vu demander d’envoyer de l’argent sur un compte en banque à Gisenyi au Rwanda. C’est moi qui ai ramené les [trois] hommes jusqu’à Kibumba. Les kidnappeurs m’ont donné une machette pour tailler un chemin dans la forêt.

Un homme de 52 ans, père de dix enfants, kidnappé pendant trois jours à Busendo, territoire de Rutshuru, en avril :

J’ai dû travailler immédiatement pour trouver de l’argent afin de rembourser ma dette. Je ne sais pas comment faire. J’ai beaucoup de problèmes. J’ai été obligé de vendre mon champ pour obtenir 200 $US. La situation à Binza [territoire de Rutshuru] est vraiment mauvaise. Nous ne restons plus chez nous, mais dans nos champs. Il n’y a aucune sécurité. Nous sommes coincés.

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Interview d'Anneke Van Woudenberg VOA 17.12.15 :

 

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