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Declaration de l’atelier de Dungu

Position commune résultant de l’atelier organisé à Dungu, Haut Uélé, Province orientale, République démocratique du Congo le 20-23 octobre 2011

Du 20 au 23 octobre, Human Rights Watch et la Commission Diocésaine pour la Justice et la Paix - Dungu (CDJP) ont tenu un atelier de quatre jours à Dungu, dans le nord de la République démocratique du Congo, pour se pencher sur la menace permanente exercée par l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), groupe rebelle ougandais, à l’encontre des civils. L’atelier a réuni activistes de la société civile de la République centrafricaine, du Sud-Soudan, de la République démocratique du Congo et de l’Ouganda, ainsi que d’autres acteurs internationaux.

 

Cette déclaration ainsi que les recommandations mentionnées ci-dessous ont été développées de manière collective et acceptées par tous les participants.

 

Les participants se sont félicités de la récente annonce du gouvernement des États-Unis prévoyant le déploiement de 100 conseillers militaires dans les zones affectées par la LRA et ont notamment salué l’engagement manifeste du gouvernement américain pour aider à résoudre le problème posé par la LRA. Les participants ont cependant insisté sur le fait que ce déploiement ne sera efficace que si les gouvernements de la République centrafricaine, du Sud Soudan et de la RD Congo reconnaissent la menace permanente que représente la LRA pour les civils dans la région, et s’engagent pleinement à coopérer de manière constructive avec les efforts régionaux et internationaux pour protéger les civils.

 

Les participants ont fait part de leur préoccupation de voir les gouvernements de la RD Congo, du Sud-Soudan et de la République centrafricaine minimiser à plusieurs reprises la menace incarnée par la LRA et ses effets dévastateurs sur les civils. Les participants ont manifesté en particulier leur inquiétude concernant le gouvernement congolais qui a déclaré que la menace posée par la LRA n’existait plus en RD Congo, une affirmation que les participants ont fortement contestée.

 

Les participants ont également appelé à des engagements plus forts de la part de l’Union africaine, de l’Union européenne, du Conseil de Sécurité des Nations unies et des missions de maintien de la paix des Nations unies dans la région affectée par la LRA. Ils ont également lancé un appel en faveur d’un soutien financier et technique plus important aux réseaux d’alerte lointaine, d’une sensibilisation et d’efforts de démobilisation renforcés et d’une réhabilitation à long terme pour les rescapés du groupe armé et les anciens combattants.

 

Contexte

 

La LRA a provoqué des ravages parmi les populations civiles au cours des deux dernières décennies, depuis sa création dans le nord de l’Ouganda jusqu’à sa présence actuelle dans le nord de la RD Congo, dans le Sud-Soudan et dans l’est de la République centrafricaine. Depuis la fin de l’année 2008, la LRA est responsable de la mort et de l’enlèvement de milliers de personnes, dont de nombreux enfants, et du déplacement de plus de 400 000 personnes qui ont dû fuir leurs foyers. À plusieurs reprises, les armées nationales dans les zones affectées par la LRA, ainsi que les Casques bleus de l’ONU, ne sont pas parvenus à protéger efficacement les populations civiles.

 

Les membres de la société civile qui travaillent dans la région vivent au quotidien dans l’insécurité entretenue par la LRA. Les participants à l’atelier ont reconnu qu’ils ont un rôle à jouer pour améliorer la protection des civils et pensent que leur implication dans les systèmes de communications d’alerte lointaine et dans l’assistance aux survivants et aux personnes fuyant le groupe armé peut contribuer fortement au renforcement de la sécurité.

 

Les acteurs de la société civile des trois pays actuellement affectés par la LRA, ainsi que du nord de l’Ouganda, ont pris part à l’atelier ; ils venaient du district du Haut Uélé (Dungu, Bangadi, Doruma, Duru, Faradje, Ngilima et Niangara) et du district du Bas Uélé (Ango, Banda et Poko) dans le nord de la RD Congo ; du Sud-Soudan (Ezo et Yambio) ; de la République centrafricaine (Obo et Zemio) ; de Gulu dans le nord de l’Ouganda ; des membres d’un réseau de défense des droits humains congolais national basé à Kinshasa ont également participé à l’atelier.

 

Les participants ont exposé la situation de la sécurité et des droits humains actuelle dans leurs régions respectives ainsi que les actions individuelles et collectives pour faire campagne en faveur de meilleures mesures de protection des populations civiles. Les participants se sont aussi formés sur les méthodes de documentation sur les droits humains convenant aux environnements dans lesquels les ressources et les communications sont extrêmement limités.

 

 

RECOMMANDATIONS

 

Au cours de l’atelier, les participants ont formulé et accepté les recommandations suivantes.

 

À l’attention des gouvernements de la République centrafricaine, du Sud-Soudan, de la RD Congo et de l’Ouganda ; de l’Union africaine, de l’Union européenne, du Conseil de Sécurité des Nations unies, des opérations de maintien de la paix de l’ONU dans les régions affectées par la LRA, des Nations Unies et des autres organismes d’aide internationale

 

1.      Reconnaître pleinement la menace que constitue la LRA pour les civils

•          Mettre un terme à toute tentative, notamment celles du gouvernement congolais, de minimiser l’ampleur de la menace de la LRA et son impact sur les civils. Étayer les informations sur l’étendue de la menace sur les faits et améliorer la collecte et le partage d’informations sur les attaques et les mouvements de la LRA. 

 

2.      Améliorer la coordination entre les gouvernements de la région (République centrafricaine, Sud-Soudan et RD Congo)

 

•          S’engager entièrement dans une coopération active et constructive avec les efforts régionaux et internationaux pour arrêter les dirigeants de la LRA, accroître la protection des civils, encourager les défections et apporter une aide humanitaire aux survivants et aux communautés affectées.

 

3.      Déployer des forces militaires disciplinées, responsables et compétentes pour protéger les civils

 

•         Reconnaissant l’impact positif de la formation proposée par les États-Unis à un bataillon de l’armée congolaise opérant dans la région affectée de la LRA, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et les autres acteurs concernés doivent assurer la formation d’unités d’armée supplémentaires, y compris des commandants d’unité, des forces armées nationales désignées pour participer aux opérations dans les zones affectées par la LRA, avec une attention particulière accordée au renforcement de la protection des civils. Envisager la possibilité future de sessions de formation conjointes.

•          Déployer uniquement des soldats et des officiers professionnels capables de protéger les civils dans les zones affectées par la LRA, qui soient adéquatement approvisionnés, rémunérés et nourris ; réaliser des enquêtes et amener le personnel militaire à répondre de la réaffectation des ressources.

•         Garantir le strict respect des droits humains et de la discipline militaire par toutes les forces armées engagées dans les efforts anti-LRA ; les forces et les individus impliqués dans des abus doivent immédiatement faire l’objet d’une enquête et être tenus responsables de leurs actes.

•         Favoriser de meilleures relations entre civils et militaires entre les forces armées nationales, y compris avec les conseillers militaires américains, et les communautés locales. Les dirigeants locaux, les représentants de la société civile et le personnel d’application des lois des communautés doivent être inclus dans les réunions de sécurité régulières et doivent avoir l’opportunité de rencontrer périodiquement les conseillers militaires américains et les représentants des autres forces armées nationales, pour partager des informations sur les menaces pensant sur les civils.

•          Faire en sorte que les conseillers militaires américains soient mobiles et passent du temps à l’intérieur de la région en dehors des grands centres, notamment en réponse aux nouvelles informations sur les mouvements et les attaques de la LRA.

•          Envisager le déploiement de conseillers militaires américains à Doruma, en RD Congo, en raison de sa situation stratégique au carrefour du Haut Uélé, du Bas Uélé, de la République centrafricaine et du Sud-Soudan, et en tant que zone où les civils ont été attaqués par la LRA à plusieurs reprises. 

•         Élargir le déploiement de la MONUSCO au Bas Uélé pour protéger les civils et faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire.

•         Exhorter la MONUSCO à participer à des déploiements de réaction rapide, en coordination avec les conseillers militaires américains et les forces armées nationales, pour protéger les civils et soutenir les efforts afin d’appréhender les dirigeants de la LRA sous le coup de mandats d’arrêt. La MONUSCO doit affecter des troupes et des ressources de transport spécifiquement pour ce type de déploiement de réaction rapide.

 

4.      Soutenir les réseaux de communications d’alerte lointaine

 

•         Faciliter une meilleure coordination pour établir des rapports sur les mouvements et les attaques de la LRA à l’encontre des civils constatés par les forces armées nationales opérant dans la région et/ou signalés par les communautés locales.

•          S’assurer que les systèmes de communications sont disponibles dans toutes les régions affectées par la LRA. En tant que priorité première, développer les réseaux téléphoniques dans les zones affectées par la LRA. À très court terme, veiller à ce que des radios HF gérées par les communautés soient disponibles dans tous les principaux centres de population.

•          Former et assister les membres des associations des communautés dans les principaux centres de population des zones affectées par la LRA pour qu’ils transmettent rapidement des informations à un centre de collecte d’informations d’alerte lointaine. Ce centre devrait réunir des informations sur les attaques confirmées de la LRA à l’encontre des civils ou des forces armées nationales, sur les mouvements de la LRA, sur les personnes fuyant le groupe armé et les combattants de la LRA qui ont été capturés ou qui se sont rendus. Ce centre centraliserait les informations venant des trois pays de la région affectée par la LRA et partagerait ces informations avec les acteurs concernés.

•         S’assurer qu’une force de réaction rapide avec des ressources de transport appropriées est disponible pour protéger les civils et poursuivre les assaillants dans le but d’appréhender les dirigeants de la LRA, lorsque la présence des combattants de la LRA est signalée dans une zone.

•         Veiller à ce que l’aide humanitaire soit disponible auprès des populations touchées rapidement après une attaque de la LRA en cas de déplacements considérables ou d’autres nécessités ; s’assurer que l’aide humanitaire répond aux besoins prioritaires identifiés par les membres de la communauté locale.

•         Soutenir la construction d’une infrastructure routière dans la région affectée par la LRA.

 

5.      Aider les rescapés à revenir chez eux, ainsi que les anciens combattants

 

•         Soutenir l’établissement d’un centre de réhabilitation en République centrafricaine (Obo et/ou Zemio) et renforcer la capacité des centres du Sud Soudan (Yambio) et de la RD Congo (Dungu).

•         Aider et former les associations locales dans les zones éloignées afin d’effectuer un suivi à long terme des rescapés du groupe armé après leur retour dans leurs foyers, y compris une assistance psychosociale, une médiation familiale, une aide à l’éducation et une réinsertion économique dans leurs communautés.

•         Privilégier des programmes et méthodes de réhabilitation civile (plutôt que d’envoyer les rescapés du groupe armé dans des bases militaires).

•          Améliorer la coordination pour aider ces rescapés à revenir chez eux, notamment dans le cas de personne ayant fui vers un pays autre que leur pays d’origine.

•         Financer des fonds pour les communautés permettant de reconstruire les villes ou les villages attaqués par la LRA, par exemple réparer les écoles, les hôpitaux et autres infrastructures qui ont été détruits.

 

6.      Soutenir l’effort de démobilisation

 

•         Étendre les efforts du programme DDRRR de l’ONU au Sud-Soudan et à la République centrafricaine (c.-à-d. avec l’autorisation adéquate accordée à la section DDRRR de la MONUSCO d’opérer au Sud Soudan et en République centrafricaine).

•         Encourager et étendre la couverture des stations de radio des communautés et des messages radio FM visant à inciter les combattants de la LRA à faire défection. Ces programmes doivent fonctionner de manière indépendante sans intervention des acteurs gouvernementaux.

•          Sensibiliser les forces armées nationales et les communautés locales au traitement correct des anciens combattants et des rescapés du groupe armé lorsqu’ils désertent la LRA. Inciter les anciens combattants de la LRA et les victimes d’enlèvement à participer à de tels programmes s’ils le souhaitent.

 

 

Signataires :

 

  1. Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO), Kinshasa, RDC
  2. Association des victimes de la LRA, Obo, RCA
  3. Association Zereda, Obo, RCA
  4. Commission Diocésaine pour la Justice et la Paix (CDJP), Dungu, Haut Uélé, RDC
  5. Commission Diocésaine pour la Justice et la Paix (CDJP), Duru, Haut Uélé, RDC
  6. Commission Diocésaine pour la Justice et la Paix (CDJP), Ngilima, Haut Uélé, RDC
  7. Commission Paroissiale pour la Justice et la Paix (CPJP), Bangadi, RDC
  8. Communauté des Églises Évangéliques en Centrafrique (CEEC), Zemio, RCA
  9. ECS Nzara Diocese, Yambio, South Sudan
  10. Justice and Peace Commission, Catholic Diocese of Tombura-Yambio, South Sudan
  11. Société civile d’Ango (SOCIDA), Bas Uélé, RDC
  12. Société civile de Doruma, Haut Uélé, RDC
  13. Société civile de Faradje, Haut Uélé, RDC
  14. Société civile de la Chefferie Mopoy (SOCICOMO), Banda, Bas Uélé, RDC
  15. Société civile de Poko (SOCIPO), Bas Uélé, RDC
  16. Solidarité et Assistance Intégrale aux Personnes Démunies (SAIPED), Dungu, RDC
  17. Traumatisme blessure du Cœur, Zemio, RCA
  18. Union des Jeunes de Doruma pour le Loisirs (UJDL), Doruma, Haut Uélé, RDC
  19. Union of Journalists of South Sudan, Yambio, South Sudan
  20. Unity Is Strength, Yambio, South Sudan

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