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Le Royaume-Uni ne peut transférer des suspects vers l’Algérie, où ils risquent d’être torturés, sans violer le droit international. Après les discussions officielles qui ont eu lieu à Alger le 16 février, le Ministre des affaires étrangères britannique Jack Straw a affirmé que « des progrès » avaient été réalisés concernant l’accord de transfert que les deux pays souhaitaient signer « dès que possible » selon l'agence de presse Reuters.

L'accord proposé ressemblerait aux protocoles d’accord que le Royaume-Uni a déjà signés avec la Jordanie, le Liban et la Libye. Conformément à ces accords, les pays d’accueil fournissent « des assurances diplomatiques » affirmant qu'ils ne maltraiteront pas les personnes envoyées par d’autres pays sur leur territoire.

« Ces protocoles d’accord ne pourront empêcher les tortures » a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de Human Rights Watch à la division Afrique du Nord et Moyen-Orient. « Au contraire, ce sont des reconnaissances tacites du fait que la torture est pratiquée et donc que ces individus sont menacés ».

Conformément à l'accord, l'Algérie peut ainsi remporter la garde des ressortissants algériens se trouvant pour le moment au Royaume-Uni, et cette dernière peut alors se débarrasser des algériens qu'elle a estampillé comme menaces contre sa sécurité mais qu’elle ne souhaite pas, ou ne peut pas poursuivre. Le protocole d’accord est conçu pour répondre à l’interdiction, en vertu du droit international, de transférer des personnes vers des pays où elles sont menacées de torture.

De tels accords sont naturellement douteux et ont été largement critiqués par les experts des droits de l'homme internationaux, y compris par le Haut Commissaire pour les Droits de l'homme aux Nations Unies, Louise Arbour, le Rapporteur spécial sur la torture aux Nations Unies, Manfred Nowak, et le Commissaire pour les Droits de l'homme au Conseil de l'Europe, Alvaro Gil-Robles.

« Le gouvernement britannique devrait encourager l'Algérie à prendre des mesures positives pour éradiquer la torture, au lieu de chercher des moyens de contourner l'obligation de ne pas expulser les personnes en danger de torture » a affirmé Whitson. « S’il est prouvé que ces suspects sont une menace réelle, ils devraient alors être poursuivis dans les cours de justice britanniques ».

Le Royaume-Uni et l'Algérie sont signataires de la Convention contre la torture et autres traitements ou punitions cruels, inhumains ou dégradants, qui comprend une interdiction absolue de transférer, renvoyer (refouler), ou expulser des personnes vers des pays où il existe des raisons tangibles de croire qu'elles risqueraient de subir des tortures. Le Royaume-Uni est aussi signataire de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui a été incorporée à son code civil par le biais de la loi sur les droits de l'homme de 1998. Cette convention prévoit aussi une interdiction absolue des actes de torture et des expulsions vers des pays où il y a un risque de torture.

Le ministère de l'intérieur britannique a exposé en détail la pratique de la torture en Algérie dans un rapport d'avril 2004 qui a été préparé par le Country Information and Policy Unit (Bureau national des politiques et des renseignements) et qui est utilisé dans le cas des demandeurs d’asile. Human Rights Watch a visité l’Algérie récemment, en juin 2005, et a conclu que les autorités continuaient à pratiquer la torture, surtout pendant les interrogatoires de terroristes suspects, bien que le nombre de cas dénombrés ait chuté depuis l’époque des intenses conflits politiques des années 1990.

En 2004, l'Algérie a adopté dans son code pénal un amendement qui criminalise la torture. Mais dans le cas où le gouvernement algérien devait signer ce protocole d’accord, cela équivaudrait à admettre que l’adoption de lois internes et la ratification des conventions internationales sont des garanties insuffisantes pour prouver que ses agents ne pratiquent pas la torture. La volonté du Royaume-Uni à mettre sur pied un tel accord est un constat de cette réalité.

De plus, la semaine dernière, les autorités algériennes ont consacré l’impunité des responsables de tortures et autres violations des droits de l'homme perpétrées pendant le conflit civil des années 1990. Le 27 février, le cabinet a décrété une loi accordant une large amnistie à tous les membres des forces de sécurité. La loi, sous le prétexte d’œuvrer pour la « paix et de la réconciliation nationale », rend impossible toute poursuite contre les responsables de mesures prises durant la « tragédie nationale » dont le but aurait été de protéger des personnes et des biens, ou de protéger la nation et les institutions publiques.

Les premiers accords que la Grande-Bretagne a signés avec la Jordanie, la Libye et le Liban sont une tentative de contournement des règles strictes de non-refoulement conformément à la Convention contre la torture et la Convention européenne sur les droits de l'homme. Pour faire face à ce problème, les trois accords contiennent une mesure qui a pour objectif d’agir comme une garantie de protection contre les violations : la création d’un comité, nommé conjointement par les deux gouvernements signataires, qui peut périodiquement visiter et interviewer en privé n'importe quelle personne que le pays d’accueil place en détention et ensuite faire un rapport sur ces visites au pays qui en est à l’origine.

En réalité, une telle surveillance après expulsion ne protégera pas les expulsés de la torture. Straw a ainsi insisté sur ces obstacles lors un comité parlementaire en décembre 2005 : « l'autre problème de la torture est que ceux qui l’utilisent la nient, même à eux-mêmes, autant qu'ils la nient à d'autres, ce qui rend son suivi très difficile ».

Quand les pays promettent de ne pas imposer la peine capitale comme condition pour obtenir un suspect criminel d'un autre pays, l’accord est facilement obtenu. Mais la torture est universellement condamnée et presque toujours clandestine. Comme l’a noté Arbour : « ces pratiques ont souvent lieu dans le secret, leurs auteurs agissant habilement pour ne pas faire détecter ces mauvais traitements. Les victimes, en craignant des représailles, rechignent souvent à parler de leurs souffrances, ou ne sont pas crues si elles le font ».

De plus, ni le pays expéditeur, ni le pays destinataire n’ont de réelles motivations pour exposer ou combattre ces violations, car de tels gestes impliqueraient ainsi que le pays d’accueil se livre à des tortures et que le pays expéditeur viole l’interdiction contre le refoulement.

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