Skip to main content
Faire un don

Yémen : Des journalistes visés par des attaques

Les parties belligérantes violent systématiquement la liberté des médias

Un journaliste courait près de la ligne de front à Taizz, dans le sud-ouest du Yémen, début 2025 ; dans cette zone souvent attaquée par les forces houthies, un tireur embusqué était suspecté de cibler des journalistes et d’autres civils.  © 2025 Ahmed al-Basha
  • Les divers belligérants au Yémen – notamment les Houthis, le Conseil de transition du Sud et le gouvernement officiel – ont commis de graves abus à l’encontre des journalistes de ce pays.
  • Le ciblage des journalistes et des médias est une atteinte à la liberté d'expression. De nombreux journalistes ont fui le pays, et ceux qui sont restés ont limité leurs reportages.
  • Les États membres de l'ONU devraient exprimer leur préoccupation concernant les violations des droits humains au Yémen, notamment contre les journalistes, lors de la prochaine session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, et demander la libération immédiate de toutes les personnes détenues arbitrairement.

(Beyrouth) – Les divers belligérants au Yémen – notamment les Houthis, le Conseil de transition du Sud (CTS) et le gouvernement officiel – ont commis de graves violations des droits humains à l’encontre des journalistes et des médias de ce pays, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.

Le rapport de 59 pages, intitulé « “We Pray to God by Torturing Journalists”: Warring Parties’ Systematic Violations Against Journalists and Press Freedom in Yemen » (« “Nous prions Dieu en torturant des journalistes” : Abus systématiques des parties belligérantes contre les journalistes et la liberté de la presse au Yémen »), documente les nombreuses violations commises par les parties belligérantes contre les journalistes et les médias, notamment le recours généralisé à la détention arbitraire, aux disparitions forcées, à la torture et à d'autres traitements inhumains. Au-delà de ces abus, les autorités des divers camps ont violé la liberté des médias et le droit des Yéménites à la liberté d'expression, notamment en prenant le contrôle d’organisations de presse, en intimidant et en harcelant des professionnels des médias et en entravant leurs déplacements et leur travail.

« Les attaques répétées des belligérants contre les journalistes et les médias au Yémen, y compris en menaçant la vie de dizaines de journalistes, a porté gravement atteinte à la liberté d'expression dans ce pays », a déclaré Niku Jafarnia, chercheuse sur le Yémen et Bahreïn à Human Rights Watch. « Les autorités yéménites devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir les besoins et les droits fondamentaux des citoyens, au lieu de maltraiter et de réduire au silence les journalistes qui ne font que couvrir les événements. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec 27 personnes, dont 16 journalistes, entre octobre 2024 et mai 2025. Human Rights Watch a également examiné et analysé des photos et des documents relatifs aux affaires examinées, notamment des documents officiels et des accusations portées devant les tribunaux.

Human Rights Watch a documenté 14 cas d'abus contre des journalistes commis par les Houthis, le CTS et le gouvernement yéménite, dont cinq qui étaient jusqu'à récemment ou sont actuellement détenus arbitrairement depuis novembre 2023 : trois par les Houthis et deux par le CTS. Quatre ont été victimes de disparition forcée.

Dans certains cas, les autorités ont détenu les proches de journalistes, en plus ou à la place de ces derniers, les utilisant souvent comme moyen de pression pour contraindre les journalistes à « avouer » des accusations fallacieuses ou pour les empêcher de faire leur travail.

Quatre journalistes précédemment détenus ont déclaré avoir subi de graves tortures en prison, en plus d'autres formes de mauvais traitements. Ils ont déclaré penser que les autorités les avaient soumis à des traitements plus brutaux que les autres détenus afin de les effrayer, eux et d'autres, pour les dissuader de dénoncer les abus, la mauvaise gestion et la corruption des autorités.

Abdelkhaleq Emran, un journaliste qui a depuis été libéré, a déclaré qu'un responsable pénitentiaire houthi lui avait dit : « Nous prions Dieu en torturant les journalistes. »

Le ciblage des journalistes et des médias par les parties belligérantes a mis en péril la liberté d'expression au Yémen. De nombreux journalistes ont fui le pays en raison des abus qu'ils ont subis, ou par crainte d'être maltraités par les parties belligérantes. Ceux qui sont restés ont souvent limité leurs reportages pour éviter d'être pris pour cible.

« Lubna Sadeq », une journaliste indépendante à Aden, a déclaré qu'elle tentait de dissimuler son identité de journaliste lors de ses déplacements aux postes de contrôle, par crainte de la réaction des agents s'ils découvraient sa profession. « Même sur mon passeport, mes collègues m'ont conseillé d'inscrire “étudiante” dans la case “profession”, afin d’éviter des ennuis aux postes de contrôle », a-t-elle déclaré.

Nabil al-Osaidi, membre du conseil d'administration du Syndicat des journalistes yéménites, a déclaré que « l'espace de liberté [des médias] se rétrécit ». Nabil al-Osaidi et d'autres professionnels des médias ont affirmé que les autorités surveillaient les journalistes et les arrêtaient parfois pour un fait aussi anodin qu'une publication critique sur les réseaux sociaux.

De nombreux journalistes ont été tués au Yémen au cours des onze dernières années de combats, probablement par des belligérants. Cependant, aucune enquête adéquate n'a été menée pour déterminer les responsabilités dans la plupart des cas recensés par Human Rights Watch.

Les Houthis et le CTS ont également saisi et/ou fermé plusieurs grands médias à travers le pays depuis le début du conflit. Les chercheurs ont documenté les cinq cas suivants, survenus au cours des quatre dernières années : Yemen Live for Media Production and Satellite Broadcasting, Yemen Digital Media, Sawt al-Yemen, l'agence de presse SABA et le Syndicat des journalistes yéménites (YJS).

Les autorités yéménites, notamment le gouvernement yéménite, les Houthis et le CTS, ont l'obligation, en vertu du droit international et national, de protéger la liberté d'expression, y compris le journalisme. En vertu du droit international et national, ils ne doivent pas non plus détenir arbitrairement, faire disparaître de force, torturer ou assassiner des personnes.

Les États membres de l'ONU devraient saisir toutes les occasions pour exprimer leurs graves préoccupations concernant les violations des droits humains au Yémen lors de la 60ème session du Conseil des droits de l'homme (CDH) des Nations Unies, notamment en condamnant les détentions arbitraires et les disparitions forcées de journalistes et autres professionnels des médias par les parties belligérantes, et en appelant à la libération immédiate de toutes les personnes détenues arbitrairement.

Les pays membres du CDH devraient également veiller à ce que la résolution sur le Yémen, qui sera négociée lors de la 60ème session, condamne ces violations des droits, appelle les autorités yéménites à y remédier immédiatement et demande au Haut-Commissariat aux droits de l'homme de surveiller la situation et d'en rendre compte au CDH.

Divers représentants et organes des Nations Unies – la Rapporteuse spéciale sur la torture, la Rapporteuse spéciale sur la liberté d’opinion et d'expression, le Groupe de travail sur la détention arbitraire et le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires – devraient chercher à se rendre au Yémen. Ils devraient ensuite profiter de leurs séjours pour examiner la situation des droits humains dans ce pays et documenter et signaler les violations, notamment contre les journalistes, telles que la détention arbitraire, les disparitions forcées et la torture.

« Les divers belligérants devraient immédiatement libérer les journalistes détenus à tort, et mettre fin à leurs pratiques abusives à l'encontre des médias et des professionnels de ce secteur », a conclu Niku Jafarnia. « La communauté internationale devrait également cesser d’adopter une attitude passive face aux violations en cours au Yémen, et veiller à ce que les parties belligérantes rendent des comptes. »

……………………

GIVING TUESDAY MATCH EXTENDED:

Did you miss Giving Tuesday? Our special 3X match has been EXTENDED through Friday at midnight. Your gift will now go three times further to help HRW investigate violations, expose what's happening on the ground and push for change.