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Gaza : L’offensive israélienne met en danger des centaines de milliers de civils

Dans le nord de la bande de Gaza, les frappes israéliennes forcent des déplacements massifs et touchent des abris

Des Palestiniens déplacés fuyaient la ville de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, le 23 octobre 2024, après un ordre d'évacuation émis par l'armée israélienne. © 2024 Rami Zohud/Middle East Images/AFP via Getty Images

(Beyrouth, le 26 octobre 2024) – La nouvelle offensive israélienne dans le nord de la bande de Gaza déplace et met en danger des centaines de milliers de Palestiniens, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Des vidéos, des photographies, des images satellite, des reportages des médias et des rapports d’agences de l’ONU analysés par Human Rights Watch montrent que les civils de cette zone sont gravement exposés au risque de déplacement forcé massif et d’atrocités, lors de frappes contre les derniers lieux de refuge, notamment des abris et des hôpitaux.

Depuis début octobre 2024, Israël a renouvelé ses ordres d’évacuation massive concernant le nord de la bande de Gaza, enjoignant les civils de se rendre vers le sud, notamment vers la « zone humanitaire » d’al-Mawasi. Toutefois, cette zone surpeuplée manque de nourriture, d’abris, d’eau, d’installations sanitaires et de soins médicaux adéquats. Les forces israéliennes ont également fréquemment attaqué cette zone, tuant des civils.

« Les forces israéliennes émettent des ordres d’évacuation du nord de la bande de Gaza, mais ont tout fait afin qu’il n’y ait aucun autre endroit sûr dans le territoire », a déclaré Lama Fakih, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les évacuations dangereuses sont cruelles et illégales, et constituent un prétexte pour de nouveaux crimes contre les civils. »

Israël, en tant que puissance occupante à Gaza, a le devoir de veiller à ce que les civils soient évacués dans des conditions de santé et de sécurité satisfaisantes, y compris des logements adéquats pour les personnes déplacées. Son manquement à cette obligation rend ce type de déplacement illégal.

Les forces israéliennes ont ordonné aux Palestiniens du nord de Gaza de quitter leurs foyers, ainsi que des écoles transformées en abris ; elles ont arrêté des hommes puis ont incendié, attaqué ou occupé militairement ces abris. Selon les médias, et comme le montrent des vidéos examinées par Human Rights Watch, les forces israéliennes ont récemment tué des civils, dont des enfants, qui avaient cherché refuge dans ces abris.

Des photographies et des vidéos publiées sur les réseaux sociaux entre le 19 et le 23 octobre, vérifiées par Human Rights Watch, montrent des forces israéliennes qui rassemblaient des milliers de Palestiniens dans le nord de la bande de Gaza pour les évacuer ou les placer en détention. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) estime que plus de 60 000 personnes ont été déplacées du nord de Gaza – principalement des villes de Jabaliya, Beit Lahia et Beit Hanoun  – depuis début octobre.

Une série de vidéos tournées dans et autour d’une école de Jabaliya, située près d’un bassin d’eaux usées et qui servait d’abri, montre le chaos et le danger de la situation.

Dans une vidéo filmée près de l’école et partagée sur les réseaux sociaux le 21 octobre, on peut entendre le bourdonnement de ce qui semble être un drone tandis qu’une annonce radiodiffusée ordonne aux gens en arabe de « se diriger vers le sud, vers la rue al-Awda » ; des soldats israéliens y sont déployés, et semblent contrôler et arrêter les gens.

L’incident correspond aux descriptions transmises par les médias et sur les réseaux sociaux, ainsi qu’aux ordres d’évacuation transmis le 21 octobre, date à partir de laquelle cette vidéo était visible sur les médias sociaux.

Le 21 octobre, des quadricoptères israéliens ont été utilisés pour donner l’ordre d’évacuer l’enceinte de l’école située près du bassin d’eaux usées à Jabaliya, a rapporté la BBC. Quelques minutes plus tard, une frappe israélienne a touché l’enceinte de l’école, selon une ambulancière qui a décrit les événements à la BBC.

L’ambulancière, Nevine al-Dawawi, qui a filmé les suites de l’attaque sur son téléphone, a déclaré que le quadricoptère « est descendu sur l’école à neuf heures du matin, nous donnant un ultimatum pour partir à 10 heures ». Dix minutes plus tard, a-t-elle déclaré, les forces israéliennes ont attaqué. Elle a nié que Hamas utilisait les gens comme des boucliers humains, indiquant qu’« ils nous protégeaient et se tenaient à nos côtés ».

Trois vidéos partagées sur X le 21 octobre et analysées par Human Rights Watch montrent une femme portant un sac de fournitures médicales et filmant les effets d’une attaque apparente près de l’enceinte de l’école. Les vidéos montrent des hommes, des femmes et des enfants ensanglantés, gravement blessés ou morts. On peut voir un groupe de personnes s’éloigner de l’abri en transportant leurs affaires.

Satellite image from October 14 of al-Awda street. Satellite image from October 24 of al-Awda street.

Beit Hanoun - 14 octobre 2024: © 2024 Planet Labs PBC. Analysis and Graphics © 2024 Human Rights Watch. Beit Hanoun - 24 octobre 2024: © 2024 Planet Labs PBC. Analysis and Graphics © 2024 Human Rights Watch.

Deux images satellite montrant un quartier de Beit Hanoun (nord de la bande de Gaza).  À gauche, 14 octobre 2024 : On y voit des tentes servant s’abris pour des civils déplacés. À droite, 24 octobre 2024, après des frappes israéliennes. On n’y voit plus les tentes qui servaient précédemment d’abris. Les deux écoles du quartier sont endommagées. Des talus de terre ont été érigés par l’armée israélienne, non loin d’une vingtaine de véhicules militaires israéliens.

Pendant plusieurs jours à Beit Hanoun, au nord-est de Jabaliya, des soldats israéliens ont rassemblé des Palestiniens à proximité de la rue al-Awda, près de l’Hôpital indonésien et de quelques écoles utilisées comme abris ; certains Palestiniens ont été autorisés à poursuivre leur évacuation de la zone, d’autres ont été détenus.

Le 19 octobre, le porte-parole de l’armée israélienne en langue arabe, Avichay Adraee, a diffusé sur son compte X des images filmées par un drone, montrant les forces israéliennes rassemblant des Palestiniens devant l’École du Koweït. Le 20 octobre, des photographies publiées sur les réseaux sociaux et vérifiées par Human Rights Watch montraient cette école en feu. Sur l’une des photos, trois personnes portant des uniformes et des équipements conformes à ceux de l’armée israélienne regardent l’école brûler.

Le 23 octobre, Avichay Adraee a diffusé sur son compte X de nouvelles images filmées par un drone et montrant l'école en ruines, noircie par le feu. Plusieurs personnes sont regroupées devant l’école ; d'autres marchent devant des décombres, un terrain rasé et des véhicules militaires israéliens.

Une photo publiée sur X le 21 octobre et géolocalisée par Human Rights Watch montre l'École d'Alep, de l'autre côté de la rue à Jabaliya, également en feu.

Des médecins de l'Hôpital indonésien ont déclaré à Reuters le 22 octobre que les troupes israéliennes ont pris d'assaut une école près de l'hôpital et arrêté des hommes, puis ont mis le feu à cette école.

Satellite image from October 14 of Salah al-Din street. Satellite image from October 24 of Salah al-Din street.

Jabaliya - 14 octobre 2024: © 2024 Planet Labs PBC. Analysis and Graphics © 2024 Human Rights Watch. Jabaliya - 24 octobre 2024: © 2024 Planet Labs PBC. Analysis and Graphics © 2024 Human Rights Watch.

Deux images satellite montrant un quartier de Jabaliya (nord de la bande de Gaza).  À gauche, 14 octobre 2024 : On y voit un camp avec de nombreuses tentes servant s’abris pour des civils déplacés, près d’une zone utilisée par l’armée israélienne, où l'on voit des talus de terre (fortifications militaires) et des véhicules militaires. À droite, 24 octobre 2024, suite aux frappes israéliennes. On n’y voit plus les tentes qui servaient précédemment d’abris. De nombreux immeubles, dont un établissement scolaire, sont endommagés. Davantage de véhicules militaires israéliens et de fortifications terrestres sont visibles, en comparaison avec le 14 octobre.  Des champs agricoles semblent avoir été rasés.

Des images satellite prises le 24 octobre et analysées par Human Rights Watch montrent plusieurs autres établissements scolaires et autres abris informels à Jabaliya présentant des signes de démolition, de dommages et d'incendies.

De nombreuses tentes étaient visibles, y compris dans des cours d’écoles, sur des images satellite enregistrées le 14 octobre et examinées par Human Rights Watch. Cependant, au 24 octobre, d’autres images satellite montrent que la plupart des tentes ont disparu ou ont été endommagées, et que des véhicules militaires se trouvent dans ou autour des cours d’écoles.

Des photos diffusées sur les réseaux sociaux et publiées par des médias israéliens le 22 octobre montrent des tracts largués par l’armée israélienne sur le nord de Gaza ; ces tracts avertissent les habitants des hôpitaux et des abris qu'ils se trouvent dans une « zone de combat dangereuse » et leur enjoignent de « se diriger vers l'Hôpital indonésien » en passant par la rue al-Awda. Il s'agit de la même zone où des abris semblent avoir été détruits par le feu la veille.

Une vidéo publiée sur la chaîne Telegram des Brigades al-Qassam (affiliées au Hamas) le 22 octobre montre un char israélien roulant sur un engin explosif, selon le texte accompagnant la vidéo, à environ 100 mètres de l’Hôpital indonésien.

Des images satellite enregistrées tôt dans la matinée du 23 octobre montrent une foule de personnes dans la cour de l’École du Koweït marchant vers le sud de Gaza le long de la route de Beit Lahia, rasée, et de la route Salah al-Din, flanquée de véhicules blindés israéliens.

Une photo et une vidéo partagées sur les réseaux sociaux les 22 et 23 octobre par des journalistes israéliens montrent des soldats israéliens bandant les yeux et arrêtant des hommes palestiniens pieds nus, vêtus de combinaisons blanches et les mains liées dans le dos, devant l’École du Koweït.

Au 23 octobre, des images satellite montrent également qu’un grand camp qui abritait des Palestiniens déplacés installé en juillet à côté de la route Salah al-Din, a été rasé. On y voit de nombreux véhicules militaires israéliens. Des champs agricoles, visibles près de la route sur une image satellite prise 10 jours plus tôt, ont également été rasés.

Les Palestiniens de Gaza ont fait l’objet de nombreux ordres d’évacuation au cours des douze derniers mois. Ainsi que l’a souligné Human Rights Watch, les ordres d’évacuation précédents ne tenaient pas compte des besoins des enfants et des personnes handicapées, y compris les enfants en situation de handicap.

Pourtant, les autorités israéliennes ont délibérément coupé l’accès à l’aide humanitaire dans le nord de la bande de Gaza pendant deux semaines en octobre, et seule une petite quantité d’aide est arrivée depuis. Le 23 octobre, l’Organisation mondiale de la santé a annulé une campagne de vaccination contre la polio dans le nord de Gaza en raison de « bombardements intenses, de déplacements massifs et du manque d’accès ».

Human Rights Watch a documenté l’utilisation par Israël de la punition collective et de la famine comme arme de guerre, qui sont des crimes de guerre.

Les lois de la guerre exigent que les parties à un conflit « prennent toutes les précautions possibles » pour éviter ou minimiser les pertes accidentelles de vies civiles et les dommages aux biens civils. Ces précautions consistent notamment à faire tout ce qui est possible pour vérifier que les cibles de l’attaque sont des objectifs militaires et non des civils ou des biens civils, à donner un « avertissement préalable efficace » des attaques lorsque les circonstances le permettent, et à éviter de placer des objectifs militaires dans ou à proximité de zones densément peuplées.

Même si un ordre ou un avertissement d’évacuation a été donné ou qu’un objectif militaire est présent, la partie attaquante doit toujours prendre en compte le risque pour les civils, et éviter de causer des dommages disproportionnés. Les civils qui n’évacuent pas une zone ne perdent pas leur statut de civils devant être protégés, en vertu du droit international humanitaire.

Les évacuations temporaires peuvent être légales si elles sont requises par une nécessité militaire impérative ou la sécurité des civils. Cependant, les évacuations qui ne sont pas justifiées par ces motifs ou qui ne garantissent pas la sécurité et les besoins fondamentaux des civils, ainsi que leur droit de retourner chez eux dès que cela est possible sont interdites ; il s’agit alors d’un déplacement forcé, selon le droit international. Un déplacement forcé commis « avec intention […] ou avec négligence coupable ou imprudence » – est un crime de guerre. Plusieurs responsables israéliens ont appelé à la création de nouvelles colonies juives à Gaza et à la « saisie de territoires » habités par des Palestiniens.

« Forcer des gens à évacuer à nouveau sans assurer leur sécurité est illégal, et le déplacement forcé intentionnel est un crime de guerre », a conclu Lama Fakih. « Lorsqu’une partie qui a commis des crimes de guerre fait des déclarations et prend des mesures qui suggèrent qu’elle est prête à commettre d’autres crimes, nous devons voir une réponse plus sérieuse de la part de la communauté internationale. »

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