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Arabie saoudite : Un homme condamné à mort pour des tweets

Des critiques pacifiques exprimées sur les réseaux sociaux ont conduit à un verdict de peine de mort

Mohammed al-Ghamdi. © Privé

(Beyrouth, le 29 août 2023) – Un tribunal saoudien a condamné à mort un homme sur la seule base de ses activités sur le réseau X (ex-Twitter) et sur YouTube, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les autorités saoudiennes devraient annuler ce verdict, qui reflète l’escalade de la répression du gouvernement saoudien contre la liberté d’expression et la dissidence politique pacifique dans le pays.

Le 10 juillet, la Cour pénale spécialisée (tribunal saoudien antiterroriste) où se déroulait le procès de Mohammed al-Ghamdi, un enseignant saoudien à la retraite âgé de 54 ans, l’a reconnu coupable de plusieurs infractions pénales liées uniquement à ses opinions exprimées pacifiquement en ligne. Le tribunal l'a condamné à mort, après avoir utilisé ses tweets, ses retweets et son activité sur YouTube comme preuves contre lui.

« La répression en Arabie saoudite a atteint un nouveau stade terrifiant, comme le montre cette peine de mort prononcée pour rien d'autre que des tweets pacifiques », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur l'Arabie saoudite à Human Rights Watch. « Les autorités saoudiennes, qui ont intensifié de manière sidérante leur campagne contre toute dissidence, devraient annuler cette parodie de justice. »

Les forces de sécurité saoudiennes ont arrêté Mohammed al-Ghamdi le 11 juin 2022, alors qu’il se trouvait avec sa femme et ses enfants devant son domicile situé dans le quartier d'al-Nouriyyah à La Mecque, ont indiqué à Human Rights Watch des personnes ayant connaissance de l'affaire. Les forces de sécurité l'ont emmené à la prison d'al Dhahban, au nord de Djeddah, où il a été détenu à l'isolement pendant quatre mois. Sa famille n'a pas pu le contacter pendant cette période, et il n'a pas eu accès à un avocat. Les autorités ont ensuite transféré al Ghamdi à la prison d’al Hair à Riyad.

Les interrogateurs saoudiens lui ont posé des questions sur ses tweets et sur ses opinions politiques, et lui ont demandé son avis sur certaines personnes emprisonnées pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression. Al-Ghamdi n'a pas pu consulter d'avocat pendant près d'un an et, une fois qu'il a finalement pu le faire, ce n’était que juste avant les audiences du tribunal.

Le frère de Mohammed Al-Ghamdi, Saeed bin Nasser al-Ghamdi, est un chercheur saoudien sur les questions islamiques, qui vit en exil au Royaume-Uni et a souvent critiqué le gouvernement saoudien. Dans un tweet du 24 août, Saeed a écrit que « ce jugement infondé vise aussi à me nuire personnellement après l’échec des tentatives visant à me faire renvoyer en [Arabie saoudite] ». Ces dernières années, les autorités saoudiennes ont exercé de plus en plus souvent des représailles contre les membres des familles de dissidents et détracteurs se trouvant à l'étranger, afin de les contraindre à revenir dans le pays, a déclaré Human Rights Watch.

Les documents judiciaires examinés par Human Rights Watch montrent que la Cour pénale spécialisée a condamné al-Ghamdi à mort le 10 juillet pour avoir « décrit le roi ou le prince héritier d'une manière qui porte atteinte à la religion ou à la justice » (en vertu de l'article 30 de la loi antiterroriste saoudienne), pour « soutien d’une idéologie terroriste » (article 34). pour « communication avec une entité terroriste » (article 43) et pour publication de fausses nouvelles « dans l'intention de commettre un crime terroriste » (article 44). Le jugement prononcé contre Al-Ghamdi indique qu’il a utilisé ses comptes sur la plateforme X et YouTube pour commettre ses « crimes ».

Le procureur a demandé les peines maximales pour toutes les accusations portées contre al-Ghamdi. Les documents indiquent que le tribunal a prononcé la sentence au motif que les crimes « visaient le statut du roi et du prince héritier » et que « la portée de ses actes a été amplifiée par le fait qu'ils se sont produits via une plateforme médiatique mondiale, nécessitant une punition sévère ».

Les documents citent deux comptes de la plateforme X comme appartenant à al-Ghamdi. Human Rights Watch a constaté que ces deux comptes étaient suivis par respectivement par deux abonnés et huit abonnés. Les deux comptes, qui totalisent moins de 1 000 tweets, contenaient en grande partie des retweets de détracteurs bien connus du gouvernement saoudien.

L’acte d'inculpation cite comme preuve plusieurs tweets critiquant la famille royale saoudienne, et au moins un tweet appelant à la libération de Salman al-Awda, un éminent religieux susceptible d'être condamné à mort pour diverses accusations vagues liées à ses déclarations politiques, ses associations et ses positions, et d'autres éminents érudits islamiques emprisonnés.

Al-Ghamdi ne se considère pas comme un militant politique ou des droits humains, ont déclaré ceux qui ont connaissance de l'affaire. Il maintient qu'il n’est qu’un simple citoyen qui a simplement exprimé quelques inquiétudes à l'égard du gouvernement saoudien sur la plateforme X, ont-ils déclaré.

Al-Ghamdi souffre de certains problèmes de santé mentale, ont ajouté les sources, mais les autorités saoudiennes ont refusé de lui fournir des médicaments qui seraient disponibles sur ordonnance. La santé mentale et physique d’Al-Ghamdi s’est considérablement détériorée depuis son arrestation, ont-ils indiqué.

La condamnation à mort d’Al-Ghamdi est la dernière et la plus sévère d’une série de cas dans lesquels les autorités saoudiennes ont pris pour cible les utilisateurs des réseaux sociaux qui s’exprimaient pacifiquement en ligne. Au cours de l’année écoulée, les tribunaux saoudiens ont condamné et imposé des peines de plusieurs décennies aux utilisateurs des réseaux sociaux qui critiquaient le gouvernement.

En août 2022, une cour d’appel saoudienne a fortement augmenté la peine de prison d’une doctorante saoudienne, Salma al Chehab, de 6 à 34 ans, sur la seule base de son activité sur la plateforme X. Cette peine a ensuite été réduite en appel à 27 ans. Le même jour, un tribunal a condamné une autre femme, Nourah bin Saeed al Qahtani, à 45 ans de prison pour avoir « utilisé Internet pour déchirer le tissu social [du pays] ».

Le 12 mars 2022, les autorités saoudiennes ont fait exécuter 81 hommes ; ceci constituait la plus grande exécution massive dans le pays depuis des années, malgré les promesses des dirigeants de réduire le recours à la peine de mort. Des militants saoudiens ont déclaré à Human Rights Watch que 41 de ces hommes appartenaient à la minorité musulmane chiite du pays, qui souffre depuis longtemps d’une discrimination systémique de la part du gouvernement. Human Rights Watch a documenté divers abus généralisés et récurrents dans le cadre du système saoudien de justice pénale ; il est presque impossible pour les accusés, y compris al-Ghamdi, de bénéficier d’un procès équitable.

Human Rights Watch a dénoncé à plusieurs reprises les abus généralisés dans le système de justice pénale saoudien, notamment les longues périodes de détention sans inculpation ni procès, l’incapacité à obtenir une assistance juridique, ainsi que le recours des tribunaux à des aveux entachés de torture comme seule base de condamnation. Les violations des droits des accusés sont si fondamentales et systémiques qu’il est difficile de concilier le système de justice pénale saoudien avec un système fondé sur les principes fondamentaux de l’État de droit et des normes internationales en matière de droits humains.

Les normes internationales relatives aux droits humains, notamment la Charte arabe des droits de l’homme, ratifiée par l’Arabie saoudite, stipule que la peine de mort ne peut être prononcée « que pour les crimes les plus graves » et dans des circonstances exceptionnelles. En novembre 2022, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a publié une déclaration sur le nombre alarmant d’exécutions en Arabie saoudite, après que les autorités ont mis fin à un moratoire officieux de 21 mois sur l’application de la peine de mort pour les infractions liées à la drogue.

Human Rights Watch s'oppose à la peine de mort dans tous les pays et en toutes circonstances. La peine capitale est unique par sa cruauté et son caractère définitif, et elle est inévitablement et universellement soumise au risque de décisions arbitraire, de préjugés et d’erreurs.

« Les autorités saoudiennes réagissent maintenant aux critiques en ligne, non seulement par le biais de simulacres de procès inéquitables, mais aussi par la menace de la peine capitale », a conclu Joey Shea. « Il est difficile de voir en quoi les promesses des dirigeants saoudiens de développer une société plus respectueuse des droits ont un sens, lorsqu’un simple tweet critique peut conduire à une condamnation à mort. »

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Correction

8/29/2023: This news release has been updated to reflect the updated spelling of the al-Nawwariyyah neighborhood. 

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