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Ukraine : Des migrants enfermés près de la ligne de front

Les autorités devraient libérer les migrants détenus et leur permettre de quitter le pays vers des lieux sûrs

Un membre des forces armées ukrainiennes marchait devant les décombres d'une maison endommagée par des roquettes tirées par les forces russes dans la périphérie sud de Mykolaïv, en Ukraine, le 9 mars 2022. © 2022 Scott Peterson/Getty Images

(Berlin, le 6 mai 2022) – Les migrants et les demandeurs d'asile enfermés dans un centre de rétention de migrants à Mykolaïv, près de la ligne de front dans le sud de l'Ukraine, sont en danger et devraient être libérés, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. L'Ukraine devrait libérer d’urgence les dizaines de migrants et demandeurs d'asile détenus arbitrairement dans deux centres dont celui-ci, et leur permettre de chercher refuge dans des pays voisins.

« Des migrants et des demandeurs d'asile sont enfermés depuis près de deux mois en bordure d'une zone de guerre », a déclaré Nadia Hardman, chercheuse auprès de la division Droits des réfugiés et migrants à Human Rights Watch. « Ces migrants détenus sont terrifiés et en danger, et il n'y a aucune justification pour les maintenir en détention. »

Le centre de rétention de migrants de Mykolaïv, photographié en mai 2018. © 2018 Bureau du procureur régional de Mykolaïv

À la mi-avril 2022, Human Rights Watch a interrogé par téléphone deux hommes qui sont détenus au Centre de rétention temporaire pour étrangers et apatrides dans la région de Mykolaïv, à proximité des hostilités de la ligne de front. Peu avant, le 4 avril, Human Rights Watch avait publié un rapport basé sur des entretiens avec des migrants et demandeurs d'asile détenus au Centre d'hébergement de migrants de Zhuravychi dans l'oblast de Volyn. Ce centre est une ancienne caserne militaire à une heure de Loutsk, une ville du nord-ouest de l'Ukraine. Des migrants et des demandeurs d'asile demeurent également en détention au centre de Zhuravychi.

Les personnes interrogées dans les deux centres ont déclaré avoir été détenues dans les mois précédant l'invasion russe après avoir tenté de franchir illégalement la frontière polonaise, ou en raison d’irrégularités en matière de visa. Mais quels que soient ces motifs initiaux, leur maintien en détention est arbitraire et les expose au risque d'être blessés par les hostilités militaires, a déclaré Human Rights Watch. Si ces personnes sont détenues administrativement aux fins d'expulsion, ce motif n’est plus pertinent puisque l'Ukraine n'est actuellement pas en mesure de procéder a des expulsions, en raison du conflit ; donc leur détention prolongée devient arbitraire.

Human Rights Watch a écrit aux autorités ukrainiennes le 9 mars et le 20 avril au sujet de la situation des migrants détenus et a demandé les motifs de leur détention, mais n'a pas reçu de réponse.

En mars, le Global Detention Project a indiqué qu'un troisième établissement, le Centre de rétention temporaire de Tchernihiv, a autorisé le départ de migrants et de demandeurs d'asile qui s’y trouvaient. Début mai, Borys Kryvov, directeur adjoint du centre de Tchernihiv, a déclaré à Human Rights Watch que l'installation avait été touchée par des munitions qui, selon lui, avaient été tirées par un drone le 30 mars, après que des personnes avaient été évacuées, brisant les fenêtres du réfectoire et dortoir et endommageant le toit. Bien que les dégâts aient été limités, cela souligne la nécessité d'évacuer d'urgence les personnes détenues dans les centres de Zhuravychi et de Mykolaïv, avant que ces établissements ne soient également la cible d'une attaque.

Les personnes interrogées dans les centres de Zhuravychi ou de Mykolaïv ont affirmé que les gardes leur avaient dit qu'ils pouvaient quitter les installations s'ils rejoignaient l'effort de guerre ukrainien, et que ceci leur permettrait d’obtenir la citoyenneté ukrainienne. Les personnes interrogées ont toutefois ajouté que personne n'avait accepté cette offre.

Ces deux personnes ont déclaré que depuis l'invasion russe, ils se sentaient terrifiés en étant enfermés dans une zone de guerre. Le centre de Zhuravychi est proche de la frontière biélorusse et en mars, les habitants ont déclaré avoir entendu des explosions et des tirs d'artillerie. Le centre de Mykolaïv est extrêmement proche de la ligne de front et les hommes interrogés ont déclaré qu'ils pouvaient voir des avions militaires survoler le centre de détention, et entendre des bruits d'explosions et d'artillerie à intervalles réguliers. Dans un SMS adressé à Human Rights Watch le 28 avril, un homme a écrit : « J'ai perdu espoir... Je pense que la mort est très proche. » Tous les hommes interrogés ont déclaré qu'ils souhaitaient partir au plus vite et se réfugier dans des pays voisins, avec d'autres civils fuyant l'Ukraine.

Certaines personnes de Zhuravychi et de Mykolaïv ont été libérées et évacuées vers la Pologne avec l'aide et l'assistance de leurs ambassades dans les pays voisins. Bien que l'implication des ambassades de ressortissants de pays tiers puisse être nécessaire à un moment donné pour aider à obtenir des documents d'identité et de voyage, cela ne devrait pas être utilisé comme une raison pour retarder la libération d'urgence des autres personnes actuellement détenues dans les deux centres afin qu'elles puissent se mettre en sécurité. Les personnes qui étaient auparavant détenues dans le centre de rétention de migrants de Tchernihiv ont été autorisés à partir rapidement après qu'il est devenu clair qu'elles étaient en danger. Selon des sources diplomatiques, toutes ces personnes ont ensuite pu traverser la frontière ukrainienne.

Deux hommes qui se trouvent dans le centre de Mykolaïv ont reçu des lettres de leurs ambassades, qui ont également écrit aux responsables ukrainiens, demandant aux autorités ukrainiennes de faciliter leur libération de toute urgence. Toutefois, ces deux homme sont toujours en détention.

L'Union européenne finance depuis longtemps des programmes de contrôle des frontières et de gestion des migrations de l'Ukraine ; l’UE a financé le Centre international pour le développement des politiques migratoires, afin de construire les systèmes de sécurité périmétrique du centre de rétention de migrants de Zhuravychi. Le cœur de la stratégie de l'UE a été d'arrêter le flux de migrants et de demandeurs d'asile vers l'UE en déplaçant le fardeau et la responsabilité des migrants et des réfugiés vers les pays voisins de l'UE, en l'occurrence l'Ukraine.

« Maintenant que l'Ukraine est devenue une zone de guerre, l'Union européenne devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter la libération en toute sécurité de personnes détenues par l'Ukraine en partie sur la base d'accords et d'un soutien financier de l'UE », a conclu Nadia Hardman. « L'UE, qui accueille actuellement des réfugiés ukrainiens, devrait aussi jeter une bouée de sauvetage aux migrants et demandeurs d'asile qui sont toujours en danger en Ukraine. »

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