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Cameroun : Des militaires condamnés à 10 ans de prison pour le meurtre de civils

Le procès a toutefois été mené à huis clos

Capture d’écran d’une vidéo montrant des militaires alors qu’ils emmenaient une femme et un enfant vers un lieu où ils seraient ensuite tués à Zelevet, dans la région de l’Extrême-Nord, au Cameroun, en 2015. © 2018 BBC Africa Eye 

(Nairobi) – Le 21 septembre, un tribunal militaire au Cameroun a condamné quatre soldats à dix ans et un autre à deux ans de prison pour le meurtre brutal de deux femmes et de deux enfants en 2015. Bien que ces condamnations rompent avec l’impunité généralisée pour des abus commis par des militaires, l’impact potentiel quant à un meilleur respect des normes de procès équitables a été compromis, car le procès et l’annonce du verdict se sont déroulés à huis clos et ont manqué de transparence.

« Refuser l'accès d’observateurs au procès n’est pas seulement une atteinte à l'équité de la procédure pour les accusés, mais prive également le public d'une connaissance et d'une compréhension vitales du procès », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale chez Human Rights Watch. « Il ne s’agit pas seulement d’une violation des normes internationales, mais aussi d’un manquement au devoir de permettre au public d'avoir confiance dans l'état de droit lors de procédures judiciaires. »

Les exécutions de 2015 ont été commises par des militaires dans le village de Zelevet dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun. Elles ont été enregistrées dans une vidéo devenue virale au début du mois de juillet 2018. Sept soldats qui avaient participé à l’une des nombreuses opérations de sécurité contre le groupe armé islamiste Boko Haram ont finalement été jugés et cinq ont été reconnus coupables le 17 août par un tribunal militaire de Yaoundé. Le tribunal a jugé que deux des soldats présents sur la vidéo n’étaient pas coupables car « ils ont regardé la scène pendant que d’autres commettaient les meurtres ». L’avocat d’un des condamnés a annoncé son intention de faire appel.

Les sept militaires avaient été accusés d’avoir participé conjointement à des meurtres, violations des consignes et complot. Leur procès, qui a débuté en août 2019, s’est déroulé à huis clos, empêchant son suivi aux niveaux national et international et jetant des doutes sur l’équité de la procédure. Le raisonnement du tribunal manque de clarté, aucune information sur le déroulement du procès n’ayant été rendue publique par les autorités judiciaires. Un avocat qui a eu accès au dossier a déclaré à Human Rights Watch : « Nous n’avons aucune idée de ce qui a guidé les juges dans ce verdict. Nous ignorons quels éléments ont été ou n’ont pas été pris en compte par le tribunal ».

Une action au civil au nom des familles des victimes, autorisée devant les tribunaux militaires du Cameroun, mais n’a pas été engagée.

La vidéo des meurtres a initialement été qualifiée de « fake news » par le ministre camerounais des Communications. Mais une analyse approfondie a permis d’établir son authenticité et de confirmer que l’armée était responsable de ces meurtres. Les autorités camerounaises ont par la suite annoncé que les sept soldats présents dans la vidéo avaient été arrêtés et seraient poursuivis.

Les forces armées camerounaises ont à plusieurs reprises été impliquées dans d’autres crimes graves depuis les meurtres de 2015, et la réaction du gouvernement a toujours été de nier toute responsabilité. En février 2020, des militaires camerounais ont tué 21 civils dans le village de Ngarbuh, dans la région du Nord-Ouest, lors d’une attaque de représailles visant à punir la population accusée par les forces de sécurité d’abriter des séparatistes armés. Le gouvernement a initialement nié que les militaires aient commis ces crimes. Pourtant, des responsables ont par la suite admis que les militaires étaient partiellement responsables des meurtres, et ont ordonné l’arrestation de trois membres des forces de sécurité.

Les forces de sécurité camerounaises ont commis des crimes et des violations généralisées des droits humains – des exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires, des disparitions forcées, des détentions au secret, des tortures systématiques, des morts en détention, des retours forcés de réfugiés et du travail forcé notamment – dans le cadre d’opérations anti-insurrectionnelles qu’elles ont menées contre Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord.

« Les tribunaux devraient expliquer et défendre la manière dont ils sont parvenus à leur verdict et donner les raisons justifiant les peines prononcées », a déclaré Lewis Mudge. « Si l’intention des autorités camerounaises est de s’engager de manière significative pour mettre fin aux exactions contre les civils et à l’impunité, les procédures devraient être transparentes et se dérouler devant des tribunaux civils ».

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