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Cameroun : Les conclusions de l’enquête sur le massacre de Ngarbuh rendues publiques

En dépit d’insuffisances, l’enquête, qui conclut à la responsabilité de militaires, marque une étape importante

L'une des quatre fosses communes où ont été enterrés des civils tués par les forces de sécurité à Ngarbuh, dans la région du Nord-Ouest au Cameroun, le 14 février 2020. Photo prise le 15 février 2020.   © 2020 Privé

La publication par le Cameroun, le 22 avril 2020, des conclusions de l’enquête ouverte sur un massacre perpétré à Ngarbuh, dans la région du Nord-Ouest, est un premier pas important pour établir les responsabilités des forces gouvernementales dans les meurtres de civils, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

Dans le cadre de ses propres recherches sur ces meurtres, Human Rights Watch avait déterminé que, le 14 février, les forces gouvernementales et des membres armés de l’ethnie peule avaient tué au moins 21 civils, dont 13 enfants et une femme enceinte, dans la localité de Ngarbuh. Le communiqué de presse du gouvernement indique que les conclusions de la commission d’enquête mixte chargée de faire la lumière sur cet incident divergent de manière significative des faits établis par Human Rights Watch et corroborés par des médias, ainsi que par l’ONU. Cependant, le gouvernement reconnaît que les soldats camerounais ont tenté d’occulter la vérité sur ces meurtres et souligne l’engagement des autorités à travailler avec les organisations des droits humains.

« Les conclusions de la commission d’enquête sur le massacre de Ngarbuh, malgré certaines failles, sont une première étape importante vers la justice pour ces crimes graves », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale chez Human Rights Watch. « Mais ce rapport ne doit pas être une action isolée. Une enquête plus approfondie est nécessaire pour établir la chronologie claire des événements et identifier et poursuivre tous les responsables, y compris ceux qui sont hauts placés dans la chaîne de commandement. »

L’attaque de Ngarbuh n’est pas un cas isolé, mais s’inscrit dans un cycle plus large de graves violations des droits humains commises par les forces de sécurité camerounaises dans les régions anglophones, a noté Human Rights Watch, qui a documenté de multiples opérations contre-insurrectionnelles abusives dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis 2017.

Le 16 avril, Human Rights Watch avait exhorté le gouvernement camerounais à rendre public le rapport complet de la commission d’enquête. En l’absence de ce document, il est impossible de comprendre comment elle est parvenue à de telles conclusions, encore le communiqué de presse de cinq pages offre suffisamment d’informations pour se livrer à une analyse approfondie de son contenu.

La commission a conclu que les forces de sécurité et des membres d’un « comité de vigilance local » avaient lancé une opération de reconnaissance à Ngarbuh, où des affrontements les ont opposés à des séparatistes armés, provoquant la mort de cinq d’entre eux. Au cours des échanges de tirs, 13 civils ont été tués. Les militaires ont ensuite tenté de dissimuler leurs actes en incendiant des habitations et en falsifiant le rapport sur l’incident. La commission a identifié un sergent, un gendarme et un soldat comme responsables des tueries, désignant aussi un commandant de bataillon qui a échoué à encadrer l’opération.

Human Rights Watch a établi que les forces gouvernementales, dont des soldats du bataillon d’intervention rapide, l’unité d’élite de l’armée camerounaise, ainsi que des membres armés de l’ethnie peule avaient tué 21 civils à Ngarbuh, mis le feu à cinq habitations, pillé des dizaines d’autres propriétés et roué de coups des résidents. Les Peuls armés pourraient être les « membres du comité de vigilance » mentionnés dans le communiqué de presse du gouvernement.

Human Rights Watch s’est entretenu avec des témoins et des résidents selon lesquels il n’y a pas eu d’affrontement entre les séparatistes armés et les forces de sécurité. Ils ont témoigné que les tueries, délibérées, étaient en représailles contre les habitants, accusés d’abriter et de soutenir des séparatistes.

Dans les semaines suivant la publication du rapport de Human Rights Watch, le gouvernement a nié toute responsabilité dans la tuerie de Ngarbuh et lancé une campagne de dénigrement contre les médias, les organisations nationales et internationales, notamment Human Rights Watch et d’autres groupes de défense des droits humains et agences du système de l’ONU.

Cependant, le communiqué de presse sur l’enquête de la Commission mixte fait également état de l’engagement du président Paul Biya à ce que le gouvernement travaille avec les organisations des droits humains.

Cette déclaration contraste nettement avec les actions récentes du gouvernement camerounais. Le 12 avril 2019, des responsables de l’aéroport international de Douala avait refusé d’autoriser la chercheuse principale de Human Rights Watch sur l’Afrique centrale à entrer sur le territoire, alors qu’elle était en possession d’un visa valide. Des demandes d’éclaircissements répétées à ce sujet sont restées sans réponses.

« Il faut souhaiter que la décision du gouvernement de rendue publiques les conclusions de la commission signale la fin du déni et de la dissimulation de la vérité sur ces violations », a conclu Lewis Mudge. « Nous avons l’espoir qu’il s’agit d’une fenêtre d’opportunité pour collaborer avec le gouvernement en toute indépendance, en vue de mettre fin aux abus perpétrés par des acteurs étatiques comme non étatiques. »

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