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Maroc/Sahara occidental: Les promesses de réformes sont démenties par la réalité de la répression

Des violences policières et des procès iniques entachent les avancées de la nouvelle constitution

(Beyrouth)–Les Marocains attendent toujours une amélioration tangible de la situation des droits humains, un an après l’adoption d’une nouvelle constitution progressiste et l’élection d’un parlement et d’un gouvernement dominés par les islamistes, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2013.

En cette année 2012, alors qu’au gouvernement, les ministres parlaient de réformes, les tribunaux ont emprisonné des dissidents en vertu de lois répressives réduisant la liberté d’expression et suite à des procès inéquitables. Quant à la police, elle a utilisé une force excessive contre des manifestants et violé les droits de migrants, tandis que les partisans d’une auto-détermination du Sahara occidental ont continué à être réprimés.

« Si on en juge par le texte de la constitution adoptée en 2011, les dirigeants du Maroc reconnaissent qu’il est crucial de mieux respecter les droits humains pour satisfaire les aspirations populaires », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Mais à en juger par les pratiques sur le terrain, ils doivent comprendre que les paroles, à elles seules, ne suffisent pas. »

Dans son rapport de 665 pages, Human Rights Watch a évalué la progression des droits humains au cours de l’année écoulée dans plus de 90 pays, analysant notamment les répercussions des soulèvements du monde arabe. La volonté de respecter les droits, de la part des nouveaux gouvernements, déterminera si ces soulèvements vont donner naissance à de véritables démocraties ou simplement engendrer un autoritarisme déguisé sous de nouveaux atours, a déclaré Human Rights Watch.

Au Maroc, les personnes emprisonnées pour avoir exercé leur droit à s’exprimer librement comprennent le journaliste Rachid Nini, qui a passé un an en prison pour ses écrits; le rappeur Mouad Belghouat, qui purge actuellement sa peine d’une année pour une chanson critiquant la police; et 22 Sahraouis qui ont déjà passé plus de deux ans en détention provisoire, loin de l’endroit où ils vivent, pour une affaire à coloration politique.

La police marocaine a laissé certaines contestations publiques se dérouler en paix, mais à d’autres occasions a usé d’une force excessive pour disperser des manifestations, que leur déroulement soit pacifique ou agité. Lors d’un événement récent, le 27 décembre 2012, les policiers ont frappé et traîné à terre un membre du Parlement, Abdessamad Idrissi, qui était intervenu alors qu’ils dispersaient violemment une manifestation de chômeurs en face du Parlement à Rabat.

Dans plusieurs cas, les tribunaux ont condamné des manifestants à des peines de prison lors de procès iniques, les reconnaissant coupables de délits tels que l’agression ou l’insulte envers des policiers. Par exemple, en janvier 2013, une cour d’appel a prononcé des peines de prison contre cinq manifestants soutenant le Mouvement du 20-Février, lancé en 2011 à l’époque des manifestations pour les réformes, en se basant sur des aveux que les inculpés ont dénoncés comme extorqués sous les coups, et sans que soit présenté au tribunal aucun témoignage ni autre preuvesusceptibles de les relier aux délits dont on les accusait.

Les autorités restreignent sévèrement les droits de ceux qui plaident pour l’auto-détermination du Sahara occidental, un territoire placé de facto sous administration marocaine depuis 1975. Le Maroc refuse de laisser manifester les activistes indépendantistes au Sahara occidental ou de reconnaître légalement les associations dont les leaders sont connus comme partisans de l’indépendance. Cette politique est étayée par une législation qui interdit de « porter atteinte » à l’islam, à la monarchie ou à l’« intégrité territoriale » du Maroc. Cette dernière formule est interprétée de façon à signifier la revendication territoriale du Maroc sur le Sahara occidental et son annexion. L’abolition de telles lois devrait être une priorité au moment où le Maroc entreprend d’accorder sa législation à la constitution de 2011, a déclaré Human Rights Watch.

Tout au long de l’année, on a constaté une augmentation des signalements d’abus policiers contre des migrants subsahariens au Maroc. Entre autres abus, les policiers ont fait des descentes où ils ont arbitrairement détruit et confisqué des biens, emmené de force des migrants en bus jusqu’à la frontière algérienne, et abandonné beaucoup d’entre eux là-bas, en violant toutes les procédures légales.

Même si les réformes avancent lentement, certains développements positifs ont montré la voie à suivre à l’avenir, a déclaré Human Rights Watch. En particulier le gouvernement a permis au rapporteur spécial de l’ONU sur la torture à visiter le Maroc et le Sahara occidental en septembre. Quant au Conseil national des droits de l’Homme, un organisme financé par l’État placé sous l’autorité du roi, il a publié des rapports très novateurs critiquant les conditions dans les prisons du pays et dans les institutions psychiatriques publiques.

Concernant le problème de la liberté des médias, le ministère de la Communication a annoncé qu’Al Jazeera serait autorisée à rouvrir ses bureaux à Rabat. Le gouvernement avait ordonné leur fermeture en 2010, mécontent de la façon dont la chaîne couvrait les événements du pays.

« Au Maroc, les problèmes de droits humains sont discutés largement et ouvertement, ce qui est un point véritablement positif », a conclu Sarah Leah Whitson. « Cependant, au-delà de leurs délibérations et consultations sur le processus de réforme, les autorités devraient faire preuve de volonté politique pour refréner les violations persistantes des droits humains. »

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