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Libye : Le gouvernement de transition devrait soutenir les victimes de violences sexuelles

Le CNT devrait s’assurer que les victimes de ces violences puissent obtenir justice

(New York, le 19 septembre 2011) − Le Conseil national de transition (CNT), l'autorité de facto qui contrôle la plus grande partie de la Libye, devrait enquêter sur les allégations de violences sexuelles perpétrées durant le conflit armé libyen et fournir des services médicaux, des traitements et un soutien aux survivants, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Les chefs d'État du groupe des pays qui ont promis de soutenir la Libye alors qu’elle s’oriente vers la démocratisation – connus sous le nom des « Amis de la Libye » – se réunissent cette semaine aux Nations Unies pour discuter de l'avenir du pays. Ils devraient mettre la réponse du CNT au problème de la violence sexuelle en tête de liste des priorités, a affirmé Human Rights Watch.

« Le CNT a le devoir d'enquêter sur les allégations d'agression sexuelle et de s'assurer que ces revendications ne sont pas enterrées », a déclaré Liesl Gerntholtz, directrice de la division des Droits des femmes à Human Rights Watch. « Plusieurs femmes et hommes ont fait preuve de courage en acceptant de nous parler au sujet de viols subis, en dépit de la stigmatisation de ce thème en Libye. Ils méritent, ainsi que d'autres victimes, de voir la justice rendue. »

L'ampleur des violences sexuelles pendant le conflit demeure inconnue, du fait en partie de la stigmatisation qui entoure le viol en Libye et des dangers auxquels les survivants peuvent être confrontés quand ils rendent des crimes publics. Human Rights Watch a documenté neuf cas drédibles de viols collectifs et d’agressions sexuelles aux mains des forces de Kadhafi, et un cas aux mains d’agresseurs non identifiés, commis entre février et mai 2011. Les agressions ont eu lieu principalement dans le territoire contrôlé par les forces de Kadhafi à ce moment-là.

Les cas documentés par Human Rights Watch concernent trois hommes et sept femmes, âgés de 22 à 41 ans. Toutes les victimes allèguent un viol collectif, avec un cas impliquant au moins sept auteurs.

Un survivant a été incapable de décrire les malfaiteurs, mais les neuf autres ont identifié leurs bourreaux comme étant des « soldats », des « hommes en uniforme » et des « hommes portant des chemises de camouflage ».

Les survivants ont dit avoir été enlevés à leur domicile ou arrêtés dans la rue. Ils ont tous raconté avoir été violés et battus. Certains ont également dit à Human Rights Watch qu'ils avaient été poignardés ou avaient eu les cheveux tirés et coupés. Plusieurs personnes ont déclaré que les malfaiteurs les ont pénétrés avec des objets, notamment des fusils et un manche à balai.

S.A., une femme de 34 ans, a décrit comment trois hommes en uniforme ont fait irruption dans son appartement en février :

Ils m'ont emmenée dans la chambre, j'étais seule à la maison ... Ils m’ont battue … Puis, deux d'entre eux ont commencé à me violer. Je pleurais en leur disant : « S'il vous plaît arrêtez, je suis une mère, j'ai deux enfants ». Ils m'ont violée ensemble ... Je saignais, il y avait du sang partout.

A.G., une femme de 39 ans, a indiqué avoir été violée ainsi que sa sœur cadette, au mois d’avril. Elle a expliqué à Human Rights Watch que des soldats de Kadhafi sont venus chez elle pour chercher son frère :

Nous avons crié parce que nous avions tellement peur, et ils nous poussaient avec des armes. Après avoir tout détruit, ils nous ont emmenées chacune dans une chambre. Ils sont entrés dans la chambre, ils me sont montés dessus, je criais, j'ai entendu ma sœur hurler. Ils étaient nombreux et ils se relayaient ... Ils étaient quatre ou cinq ... Une fois qu’il a terminé, il a pris le couteau de la kalachnikov et m’a tailladé le corps et les cuisses, en les coupant. Après avoir perdu beaucoup de sang, je me suis évanouie. Quand je suis revenue à moi, je ne savais pas combien de temps j'avais été inconsciente. J'ai trouvé mon corps tout coupé et égratigné. Ma sœur était dans le même état.

N.H., une femme de 23 ans, a dit qu'elle avait été enlevée de chez elle et violée pendant le mois de mai. Elle a expliqué à Human Rights Watch comment un « militaire » lui avait donné un coup de poing en plein visage et traînée dans une voiture :

Quand j'essayais de bouger, ils me frappaient. Je ne pouvais pas crier, je ne pouvais pas hurler, je ne pouvais pas bouger, alors j'ai abandonné. Je portais un jean et un t-shirt. Ils les ont déchirés et ont enlevé mon soutien-gorge. Ils ont arraché mon pantalon. Ils m'ont violée. Quatre d'entre eux se relayaient. C'était comme si quelqu'un me tirait et quelqu'un me griffait. Chacun d’eux faisait quelque chose de manière répugnante. J'étais vierge. Je me suis évanouie. Ils n'ont même pas arrêté. J'ai senti du sang partout sur moi.

M.G., un homme de 39 ans, a déclaré qu'il avait été agressé sexuellement au mois d’avril avec son frère de 28 ans. Cinq hommes « en uniforme militaire » les ont enlevés à leur domicile, a-t-il indiqué, et les ont emmenés dans un endroit utilisé par les militaires de Kadhafi. M.G. a expliqué que les hommes l’ont sodomisé et torturé. Il a dit à Human Rights Watch :

Il y avait une salle de torture ... Ils utilisaient l'électricité. Ils nous pendaient par les mains ... J'ai été violé avec des bâtons de bois, des bouteilles et des armes. Ils ont utilisé le calibre [le canon] d'une kalachnikov. Ils tiraient avec de sorte qu'il soit chaud et l’introduisaient dans mon anus. Ils ont également violé mon frère.

Un autre homme survivant, un ancien soldat de 22 ans pour le gouvernement de Kadhafi, a décrit avoir été torturé pendant trois jours et agressé sexuellement après son arrestation le 17 février, pour avoir participé à une manifestation et brûlé une photo de Kadhafi.

Human Rights Watch n'a pas pu confirmer les allégations de viols collectifs ou systématiques par les forces de Kadhafi. Mais il est possible que la stigmatisation des victimes, leur crainte de représailles et le manque de services disponibles pour les victimes de violence sexuelle puissent entraîner un manque de signalements, selon Human Rights Watch.

« Il a été extrêmement difficile de recueillir des preuves des violences sexuelles en Libye », a déclaré Liesl Gerntholtz. « C'est un environnement complexe, avec un niveau élevé de stigmatisation et de tabous, ce qui explique la réticence des victimes à parler. »

Human Rights Watch a exhorté le CNT, avec le soutien des Amis de la Libye, à commencer à fournir des services immédiatement pour les victimes d'agression sexuelle. Ces services doivent accorder une priorité élevée à la confidentialité et à la vie privée des victimes et devraient comprendre le traitement des blessures physiques, des médicaments pour les infections sexuellement transmissibles et des services liés à l'avortement, selon Human Rights Watch. Les survivants ont également besoin d'un accès d'urgence aux services de conseil et de soutien social, a ajouté Human Rights Watch.

Human Rights Watch a recommandé que, compte tenu de la stigmatisation attachée au viol en Libye, les soins pour les survivants soient incorporés discrètement parmi les autres services de santé, notamment les soins sexuels, génésiques et prénatals.

« Une attention particulière devrait être accordée de façon à ne pas stigmatiserdavantage les survivants en leur offrant des soins de santé qui les identifient en tant que victimes de violences sexuelles», a [déclaré] ajouté Liesl Gerntholtz.

Les fournisseurs de soins de santé devraient recevoir une formation pour les aider à dépister les patients victimes d’agression sexuelle, a ajouté Human Rights Watch. Lorsque cela est possible, les survivants de violence sexuelle devraient être impliqués dans la conception et la prestation de ces services.

Le CNT devrait également s'assurer que les survivants de violence sexuelle ont accès à une protection au moment où ils en ont besoin, a déclaré Human Rights Watch. Certaines femmes interrogées par Human Rights Watch ont exprimé des préoccupations concernant leur sécurité lorsque leurs familles ont découvert qu'elles avaient été violées. SA, par exemple, a déclaré à Human Rights Watch qu'elle avait été menacée par son beau-frère après que son mari l'a emmenée voir un médecin :

Je suis retournée à la maison de ma famille et j’ai séjourné dans une chambre seule – ils m'apportaient un plateau de nourriture et partaient. Ensuite mon beau-frère est venu me dire : « Soit tu te suicides, ou nous te tuons en faisant croire à un suicide, ou bien un accident va arriver, quelqu'un va nettoyer une arme et va te tuer, accidentellement. »

« Les victimes à qui nous avons parlé ont un besoin urgent de soins médicaux et autres services qui les aideront à faire face à ce qui s'est passé et à assurer leur sécurité, et il y a surement plus de victimes que celles que nous avons pu rencontrer», a conclu Liesl Gerntholtz. « Il est essentiel que le CNT et la communauté internationale mettent l’accent sur ce groupe très vulnérable, et que les services appropriés soient développés pour répondre à leurs besoins. »

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