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Burkina Faso : Des groupes armés islamistes terrorisent les civils

Les acteurs régionaux devraient renforcer leurs efforts pour protéger la population burkinabè et soutenir l’obligation de rendre des comptes

Capture d'écran d'une vidéo filmée par des combattants du groupe armé islamiste GSIM montrant leur attaque sur une caserne militaire à Mansila, région du Sahel, Burkina Faso, le 16 juin 2024.

(Johannesburg) – Les groupes armés islamistes au Burkina Faso ont intensifié leurs attaques contre les civils, massacrant des villageois, des personnes déplacées et des fidèles chrétiens, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Depuis février 2024, les groupes armés ont tué au moins 128 civils à travers le pays lors de sept attaques commises en violation du droit international humanitaire et constituant des crimes de guerre.

Les forces gouvernementales combattent les insurrections du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda et de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) depuis l’entrée de ces groupes armés au Burkina Faso en provenance du Mali en 2016. Les deux groupes armés islamistes, qui contrôlent de vastes pans du territoire burkinabè, ont attaqué des civils ainsi que des forces de sécurité gouvernementales, et se sont aussi mutuellement affrontés.

« Nous assistons à une recrudescence inquiétante de la violence islamiste au Burkina Faso. Les massacres de villageois, de fidèles et de personnes déplacées, commis par les groupes armés islamistes, constituent non seulement des crimes de guerre, mais aussi un affront cruel à la décence humaine », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les dirigeants des groupes armés islamistes devraient immédiatement mettre fin à ces attaques meurtrières contre les civils. »

De mai à juillet, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 37 personnes, dont 31 témoins d’attaques contre des civils. Human Rights Watch a écrit au ministre de la Justice du Burkina Faso le 26 juin et à l’Ambassadeur burkinabè aux États-Unis le 30 juillet, pour partager avec eux les résultats de ses recherches et solliciter leurs réponses à des questions spécifiques. Le ministre de la Justice burkinabè a répondu à Human Rights Watch le 28 août. 

L’EIGS a revendiqué la responsabilité d’une attaque perpétrée en février contre une église du village d’Essakane, dans la région du Sahel, qui a tué au moins 12 civils. Aucune partie belligérante n’a revendiqué la responsabilité des autres attaques documentées contre des civils. Des témoins ont supposé que les assaillants étaient membres de groupes armés islamistes, en raison de leur mode opératoire, du choix de leurs cibles, ainsi que de leur vêtements et turbans, semblables à ceux portés lors d’attaques précédentes commises par ces groupes.   

Des témoins de plusieurs attaques pensent qu’il s’agissait de représailles contre des communautés locales pour leur collaboration présumée avec les forces de sécurité gouvernementales et leurs auxiliaires civils. En mai, des combattants islamistes ont pris pour cible un camp de personnes déplacées à Goubré, dans la région du Nord, tuant plus de 70 personnes, semble-t-il pour punir ceux qui refusaient de se soumettre à la loi du groupe.

L’attaque de février contre des fidèles d’une église d’Essakane a fait au moins 12 morts parmi les civils. « J’ai vu une immense mare de sang et des traces de sang partout dans l’église, ainsi que des impacts de balles sur les bancs », a déclaré un homme âgé de 28 ans qui a perdu son frère de 49 ans, un enseignant, dans l’attaque. « Au cimetière, j’ai vu 12 corps, dont celui de mon frère, qui avait des blessures par balle au thorax et dans le dos, et la bouche couverte de sang. »

Depuis son arrivée au pouvoir lors du coup d’État militaire de septembre 2022, le président Ibrahim Traoré a multiplié les recours à des auxiliaires civils appelés Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). L’ancien président Roch Marc Christian Kaboré avait initialement créé les VDP en janvier 2020 pour renforcer la protection locale contre les groupes armés islamistes. En octobre 2022, les autorités militaires ont lancé une campagne pour recruter 50 000 autres VDP. Les groupes islamistes ont riposté en attaquant des villages qu’ils accusaient de soutenir les VDP. Dans sa réponse à Human Rights Watch, le ministre de la Justice burkinabè a affirmé que des opérations menées conjointement par les forces de sécurité et les VDP ont permis de reconquérir plusieurs localités contrôlées par les groupes islamistes, ainsi que la « réinstallation de personnes déplacées internes (PDI) » et la réouverture des plusieurs infrastructures éducatives et sanitaires.

« Les djihadistes ont ouvert le feu aveuglément dans le village», a déclaré un agriculteur âgé de 35 ans, témoin d’une attaque menée par des combattants présumés du GSIM dans la ville de Sindo, située dans la région des Hauts-Bassins, le 11 juin. « Je me suis caché dans un magasin et j’ai entendu des coups de feu nourris au-dessus de ma tête. Certaines balles ont touché le magasin, d’autres ont atterri dans la cour. »

Human Rights Watch a précédemment documenté d’autres exactions commises par des groupes armés islamistes au Burkina Faso, notamment des exécutions sommaires, des violences sexuelles, des enlèvements et des pillages. Les groupes ont également attaqué des étudiants, des enseignants et des écoles et continuent d’assiéger plusieurs localités à travers le pays, dissimulant des engins explosifs le long des routes et privant l’accès des habitants à la nourriture, aux services de base et à l’aide humanitaire.

Les forces armées du Burkina Faso et les VDP ont également commis de graves exactions lors d’opérations de représailles contre des groupes armés islamistes.

En vertu du droit international, le gouvernement burkinabè a la principale responsabilité de rendre justice pour les crimes les plus graves, mais il n’a fait que peu de progrès dans les enquêtes, et encore moins dans les poursuites judiciaires, contre les responsables des nombreuses infractions graves commises dans le cadre du conflit armé depuis 2016. Le ministre de la Justice burkinabè, dans sa réponse à Human Rights Watch, a affirmé que « toutes les allégations d'atteintes ou d'abus des droits humains commis par les terroristes font l'objet d'enquêtes destinées à rechercher, à situer les responsabilités et à sanctionner les auteurs desdites atteintes », et que « plusieurs informations judiciaires sont ouvertes par les parquets militaires ou des tribunaux de droit commun compétents ».

Les combats entre les forces gouvernementales du Burkina Faso et les groupes armés islamistes sont régis par les lois de la guerre concernant un conflit armé non international. Le droit applicable comprend l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et autres traités et lois coutumières de la guerre, qui s’appliquent aux groupes armés non étatiques ainsi qu’aux forces armées nationales. Les lois de la guerre interdisent les attaques contre les civils, les exécutions sommaires, la torture et autres mauvais traitements, les violences sexuelles et le pillage. Les violations graves des lois de la guerre commises par des individus avec une intention criminelle, y compris dans la chaîne du commandement, constituent des crimes de guerre.

Le bilan civil du conflit en cours au Burkina Faso met en exergue les défis auxquels se heurtent les réponses régionales africaines à la violence dans le pays et dans toute la région du Sahel. L’Union africaine (UA), y compris son Conseil de paix et de sécurité, et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), n’ont pas suffisamment abordé le problème des abus perpétrés dans le cadre du conflit, amélioré la protection des civils ou cherché à obtenir justice pour les abus commis.

En juillet 2023, une délégation du Conseil de l’UA s’est rendue au Burkina Faso, s’engageant à renforcer le soutien humanitaire de l’Union au pays. Le Conseil n’a cependant pas abordé l’impunité comme facteur clé des abus, ni agi davantage pour protéger les civils ou demander des comptes aux responsables de graves violations.

La CADHP a organisé quatre sessions entre août 2023 et juin 2024 sans suffisamment discuter de la situation des droits humains au Burkina Faso, malgré de nombreuses preuves de graves violations.

« Le Conseil de paix et de sécurité de l’UA devrait s’attaquer à la recrudescence des atrocités au Burkina Faso et à la détérioration de la situation dans le pays », a conclu Ilaria Allegrozzi. « La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples devrait enquêter sur les abus en cours et proposer des options pertinentes pour établir les responsabilités. »

Pour consulter les témoignages recueillis par Human Rights Watch, veuillez consulter l’annexe ci-dessous. Les noms des personnes interrogées n’ont pas été divulgués afin de garantir leur protection.

Attaques illégales perpétrées par des groupes armés islamistes depuis février 2024

Plus de 26 000 personnes ont été tuées pendant le conflit depuis 2016, dont environ 15 500 depuis le coup d’État militaire de septembre 2022, et plus de 6 000 depuis janvier, selon l’Armed Conflict Location & Event Data (ACLED). Cette organisation indique que les groupes armés islamistes ont tué 1 004 civils dans 259 attaques entre janvier et août, contre 1 185 dans 413 attaques au cours de la même période l’année dernière. Ces chiffres n'incluent pas les 100 à 400 civils tués lors de l'attaque du 24 août contre la ville de Barsalogho, dans la province de Sanmatenga, revendiquée par le JNIM. Human Rights Watch est en train d'enquêter sur cette attaque.

Selon l’ACLED, le GSIM opère dans 11 des 13 régions du Burkina Faso. L’EIGS n’est pour le moment implanté que dans la région du Sahel, où les deux groupes armés se sont affrontés.

Localisation des attaques par des groupes armés islamistes au Burkina Faso de février à juillet 2024. © 2024 ACLED

Niamana, région des Hauts-Bassins, le 30 juin

Le 30 juin, quatre combattants présumés du GSIM ont tué au moins deux hommes civils, âgés de 34 et 40 ans, dans le village de Niamana. Le GSIM avait déjà sévi à Niamana et attaqué les forces de sécurité et les civils dans le village. Trois témoins ont déclaré que l’attaque était manifestement en représailles contre la communauté locale pour s’être alliée aux VDP.

Un témoin a déclaré :

À 10 heures du matin, nous sommes allés dans notre rizière et avons été surpris par les djihadistes. Ils étaient armés de kalachnikovs [fusils d’assauts militaires] et portaient des turbans sur la tête. … Nous avons fui, mais mon frère a été abattu à bout portant. Ensuite, ils ont tué un autre homme dans un champ voisin. … J’ai vu le corps. … Nous avons appelé les VDP et l’armée, mais ils n’ont rien pu faire. … Je n’ai même pas pu enterrer mon frère – j’ai fui la région et ne suis jamais revenu.

Un villageois, âgé de 40 ans, a déclaré :

Les djihadistes [à l’origine] sont venus ici en 2021. … Ils nous ont interdit de signaler leurs positions à l’armée. … Nous avions peur. Nous avons accepté, et tout s’est bien passé … jusqu’au recrutement des VDP. … En juin 2023, les djihadistes nous ont avertis de ne pas rejoindre les VDP, nous menaçant d’expulsion ou d’attaque. … Ils nous ont donné 24 heures pour partir, ils ont dit que s’ils trouvaient quelqu’un dans le village, ils le tueraient.

Des témoins ont déclaré qu’après l’ultimatum, de nombreux villageois ont fui Niamana, mais que certains sont revenus en mai 2024 sous la pression des autorités burkinabè, qui ont promis d’assurer la sécurité des rapatriés. « Nous sommes pris entre le marteau et l’enclume », a résumé un villageois âgé de 56 ans. « D’un côté, les autorités nous poussent à retourner dans les villages où la sécurité n’est pas garantie ; de l’autre, les djihadistes nous attaquent lorsque nous retournons dans nos champs et nos maisons … parce que certains d’entre nous avons rejoint les rangs des VDP. »

Sindo, région des Hauts-Bassins, les 11 et 18 juin

Meurtres de 20 civils

Le 11 juin, des combattants présumés du GSIM ont attaqué la ville de Sindo, tuant au moins 20 civils, pillant des magasins et des logements, volant du bétail et provoquant le déplacement massif de la population locale. Sindo se trouve dans une zone où le GSIM sévissait et menait des attaques. D’après plusieurs témoins, l’attaque était apparemment une mesure de représailles contre la communauté locale que les combattants accusaient d’avoir rallié les VDP.

« Nous vivons sous le régime des djihadistes depuis un certain temps », a déclaré une femme âgée de 50 ans qui a fui Sindo après l’attaque du 11 juin. « Mais ce n’est que lorsque certains de nos jeunes se sont enrôlés dans les VDP que nous avons eu des ennuis. »

Une VDP à Sindo, âgée de 39 ans, a déclaré : 

Au début, il n’y avait aucun problème [avec les djihadistes]. … Lorsque nous avons décidé d’enrôler nos jeunes dans les VDP, vers la mi-2023, ils ont commencé à nous attaquer … ont incendié notre mairie et notre école, ont pillé notre bétail et … nous ont avertis de ne pas rejoindre les VDP si nous voulions rester en vie.

Selon des témoins, les islamistes armés avaient attaqué Sindo au moins deux fois fin 2023 et de nombreux habitants ayant fui par peur sont revenus sous la pression et tenant compte de l’assurance de sécurité des autorités locales. « Les autorités … nous ont demandé de revenir, elles ont promis que les VDP et l’armée garantiraient notre sécurité »a déclaré un homme âgé de 52 ans. « Mais ça n’a pas été le cas. … Le gouvernement nous a contraints à rentrer et … maintenant nous avons tout perdu. »

Le ministre de la Justice burkinabè, dans sa réponse à Human Rights Watch, a affirmé que le retour des populations déplacées était volontaire et « précédé des actions de sécurisation des localités et de réouverture des services sociaux de base ».

Des témoins ont déclaré que des combattants sont entrés dans la ville le 11 juin vers 16 heures, en arrivant par la brousse.

Un éleveur, âgé de 24 ans, a déclaré :

Vers 15 heures, nous avons vu six terroristes s’avancer vers nous. … Ils ont commencé à rassembler notre bétail pour l’emmener avec eux. … Mes deux amis se sont enfuis, mais j’ai affronté les djihadistes. Alors, l’un d’entre eux m’a tiré une balle dans le pied gauche. … Puis, ils sont partis avec mes animaux, me laissant en sang.

Un agriculteur âgé de 35 ans qui a perdu deux membres de sa famille dans l’attaque a déclaré avoir vu au moins une vingtaine de combattants lourdement armés, arborant des foulards, tirer « partout … pendant au moins 20 minutes ». Il s’est caché dans la brousse voisine jusqu’au lendemain, lorsque des VDP sont arrivés à Sindo pour aider à enterrer les morts. L’agriculteur a déclaré avoir trouvé les corps de son frère aîné et de son cousin, âgés de 36 et 24 ans, respectivement :

Mon frère avait une blessure par balle à la tête. … J’ai vu un petit trou au front et un plus grand à l’arrière de sa tête. Son magasin avait été entièrement pillé. … Mon cousin a été tué dans la rue, très probablement alors qu’il tentait de s’échapper. J’ai trouvé son corps étendu sur le sol.

Human Rights Watch a obtenu deux listes établies par des survivants et des proches des victimes avec les noms des 20 hommes tués, âgés de 24 à 75 ans. Cependant, les survivants assurent que le nombre de morts serait bien plus élevé. « Les gens n’ont pas tous été tués au même endroit », a déclaré un habitant qui a aidé à enterrer les corps. « Nous avons trouvé des corps dans le village, dans la périphérie et dans la brousse.  [C]ertains avaient été abattus, d’autres avaient été égorgés. » Les survivants et les proches des victimes ont affirmé qu’aucun des tués n’avait rejoint les rangs des VDP.

Passage à tabac de cinq femmes

Le 18 juin, des combattants présumés du GSIM ont menacé et roué de coups au moins cinq femmes alors qu’elles retournaient à Sindo pour récupérer leurs affaires, ont témoigné deux d’entre elles.

« Vingt djihadistes à moto nous ont encerclées », a relaté une femme âgée de 40 ans. « L’un d’eux a dit : ‘‘Pourquoi êtes-vous revenues alors que nous avons forcé tout le monde à partir ?’’ Ils ont pris des branches d’arbres et ont commencé à nous fouetter avec. Nous nous sommes tordues de douleur. L’un d’eux a même dit que nous devions être tuées. Mais ensuite, ils nous ont laissées partir. »

Une commerçante, âgée de 50 ans, a déclaré :

Je suis rentrée chez moi et j’ai pris mes tissus. … J’ai vu deux terroristes, âgés de 18 à 20 ans. Ils auraient pu être mes enfants ! L’un d’eux m’a demandé en fulfulde [une langue largement parlée dans la région] : « Que fais-tu ici ? » … Je les ai suppliés d’avoir pitié de moi en raison de mon âge, je suis une vieille femme. … Ils ont brûlé mes tissus devant moi avec un briquet. L’un d’eux m’a fait trébucher avec la crosse de son arme. … Puis ils m’ont emmenée là où les autres femmes étaient passées à tabac et ont menacé de nous tuer.

Mansila, région du Sahel, le 11 juin

Le 16 juin, le GSIM a revendiqué la responsabilité d’une attaque le 11 juin contre une base militaire à Mansila, déclarant avoir tué 107 soldats, en avoir capturé sept autres et avoir saisi des armes et des munitions.

Selon plusieurs témoins, les combattants du GSIM ont également tué au moins 20 civils à Mansila et incendié certaines habitations au cours de l’attaque, informations corroborées par plusieurs médias internationaux. Human Rights Watch a examiné et géolocalisé une vidéo filmée par le GSIM et largement diffusée sur les réseaux sociaux, montrant l’assaut contre la caserne militaire, et a aussi examiné une autre vidéo montrant le matériel militaire que les combattants auraient saisi.

Le président Traoré a déclaré le 20 juin qu’en réponse, l’armée avait lancé une opération militaire et envoyé des renforts. Cependant, aucune information n’a été fournie sur le résultat de cette opération.

Des témoins ont déclaré que le 11 juin après 14 heures, des combattants islamistes lourdement armés, vêtus de treillis militaires ou de vêtements civils, et arborant des turbans rouges et verts, sont arrivés à Mansila à moto. Les combattants ont attaqué la caserne militaire et se sont battus avec les soldats. Ils ont ensuite pris d’assaut la ville de Mansila et ont fait du porte-à-porte, ordonnant aux gens de sortir de chez eux et exécutant sommairement des hommes qu’ils accusaient de collaborer avec l’armée.

Un habitant âgé de 30 ans a déclaré :

Il y a eu des tirs nourris pendant plusieurs heures autour de la base militaire. … Ensuite, ils [les combattants] sont arrivés en ville et se sont rendus dans chaque maison pour ordonner aux gens de partir. … Ils ont laissé s’enfuir les femmes, les enfants et certains hommes, mais ont capturé et exécuté d’autres hommes. … Ils ont déclaré en fulfulde que la population de Mansila avait conclu un accord avec l’armée et qu’elle devait donc être punie.

Une femme âgée de 30 ans a déclaré : « Ils [les combattants] ont fait sortir tous les civils de leurs maisons, comme s’ils voulaient les protéger, mais ils ont capturé certains hommes et les ont exécutés au prétexte qu’ils faisaient partie des VDP. »

Un homme âgé de 75 ans a déclaré qu’à 18 heures, lorsque « les tirs avaient cessé », il a vu « au moins 20 corps d’hommes qui avaient été tués devant les cours de leurs maisons ». Dans la nuit, a-t-il précisé, les tirs ont repris sporadiquement autour de la caserne militaire, jusqu’au moment où il a « compris que la base militaire était tombée ».

Ce témoin a déclaré que le lendemain matin, le 12 juin, les combattants islamistes ont continué à piller des maisons, du bétail et d’autres biens civils, notamment sa bicyclette, ainsi que du matériel militaire. Toujours selon lui, vers midi, un hélicoptère militaire a atterri à Mansila avec à son bord ce qu’il a présenté comme un « officier de haut rang ». Ce dernier a évalué « les énormes dégâts » et le nombre élevé de victimes, tant parmi les soldats – « avec seulement trois ou quatre survivants » – que parmi les civils.

Goubré, région du Nord, le 22 mai

Le 22 mai vers 16 heures, plusieurs centaines de combattants présumés du GSIM ont attaqué une base des VDP et un camp de personnes déplacées à Goubré, tuant au moins 80 personnes, dont 8 VDP et 72 civils, parmi lesquels  six enfants, et en blessant au moins 40 autres, selon plusieurs témoins. Le 24 mai, le GSIM a revendiqué la responsabilité de l’attaque contre la base des VDP à Goubré, affirmant avoir tué « nombre » d’entre eux. Le camp, qui abritait plus de 3 500 personnes déplacées à l’époque, a été fermé depuis. Le 24 mai, Alain Akpadji, le coordinateur humanitaire par intérim de l’ONU au Burkina Faso, a rendu publique une déclaration déplorant l’attaque, qui a entraîné la mort d’un travailleur humanitaire.

Selon des témoins, les combattants, armés de fusils d’assaut de type Kalachnikov et revêtus d’uniformes militaires ou de tenues civiles avec des turbans, ont d’abord attaqué la base des VDP, à environ deux kilomètres de là, puis ont pris d’assaut le camp où une organisation non gouvernementale locale distribuait de la nourriture.

« Certains étaient à moto, d’autres à pied », a déclaré un résident du camp âgé de 39 ans. « Ils parlaient le mooré [une langue largement parlée au Burkina Faso] et le français avec un accent peul. Ils ont tiré partout, un sentiment de panique s’est emparé de nous car nous étions sur le point de recevoir de la nourriture. Les gens ont crié et se sont enfuis. »

« Les assaillants tiraient partout de façon aléatoire. J’ai vu des dizaines de corps d’hommes et de femmes. Ils ont ensuite été inhumés, dans des fosses communes ou individuellement », a relaté une femme âgée de 42 ans.

Un travailleur humanitaire, âgé de 33 ans, a déclaré : « Je me suis précipité sur les lieux après l’attaque pour aider à secourir les blessés et enterrer les morts. J’ai vu un camion incendié et  j’ai compté au moins 70 corps. Nous avons évacué les blessés vers Séguénéga et Ouahigouya. »

Human Rights Watch a obtenu une liste établie par des survivants et des proches des victimes, avec les noms des 72 personnes tuées, dont 45 hommes, 23 femmes, deux filles et deux garçons.

Des témoins ont déclaré qu’ils pensaient que le GSIM a mené l’attaque en représailles contre les villageois qui refusaient de rejoindre ses rangs.

« Les personnes vivant dans le camp étaient des déplacés de Baoguin, Wattigué et Gondékoubé », a déclaré un agriculteur, âgé de 37 ans, originaire de Wattigué. « Nous avons abandonné notre village parce que nous refusions d’être enrôlés par les djihadistes. Ils étaient mécontents et sont venus nous attaquer. Lorsqu’ils sont arrivés au camp, ils ont dit : ‘‘Qui vous a donné la permission de vous installer à Goubré ?’’ »

En plus d’être proche de la base des VDP, le camp de déplacés se trouvait à environ six kilomètres d’une base militaire à Séguénéga. Des témoins ont déclaré qu’aucun VDP ni soldat ne protégeait le camp au moment de l’attaque. Les soldats ne sont intervenus qu’à la fin de l’offensive, tirant sur les combattants et les poursuivant alors qu’ils prenaient la fuite. « Les soldats sont arrivés, mais c’était trop tard », a déclaré une femme âgée de 31 ans. « Les combattants avaient déjà tué beaucoup d’entre nous. »

Barhiaga, région de l’Est, le 19 mai

Le 19 mai, des combattants présumés du GSIM ont tué le chef de la ville de Barhiaga, âgé de 79 ans, l’accusant de collaborer avec les forces de sécurité burkinabè. Barhiaga se trouve dans une zone où le GSIM opérait et menait des attaques.

« Vers 13 heures, j’ai vu une moto de type Aloba avec dessus deux hommes armés qui ressemblaient à des djihadistes et se dirigeaient vers la maison du chef », a déclaré un habitant. « Quelques minutes plus tard, j’ai entendu deux coups de feu. Lorsque les hommes armés sont partis, nous avons retrouvé le chef mort, avec deux blessures par balle à la tête. »

« Certains des proches du chef, qui ont été témoins du meurtre, m’ont dit que les assaillants parlaient le mooré et le fulfulde et accusaient le chef d’héberger des VDP à Barhiaga et de parler aux forces de défense », a expliqué un autre habitant. « Nous ainsi que d’autres villageois avons inhumé son corps, puis nous avons tous pris la fuite. »

Boukouma, région du Sahel, le 1er mai

Le 1er mai, un tricycle motorisé en provenance d’Arbinda, une ville assiégée par le GSIM, a heurté un engin explosif improvisé déclenché par la victime, tuant une femme âgée de 26 ans et en blessant quatre autres se trouvant à proximité. D’après les habitants, les combattants du GSIM avaient déployé cet engin qui tue aveuglément et est interdit par la Convention sur l’interdiction des mines, que le Burkina Faso a ratifiée en 1998.

« J’étais à Boukouma chez moi vers 10 heures du matin lorsque j’ai entendu une explosion, et je me suis immédiatement précipité là-bas, à environ un kilomètre »a relaté un habitant. « Nous avons trouvé les membres du corps d’une jeune femme éparpillés sur le sol, une jambe ici, un bras là. »

« Quatre femmes ont été grièvement blessées, avec leur peau complètement arrachée sur certaines parties de leur corps », a témoigné un autre homme. « Nous les avons aidées à être évacuées vers Arbinda et avons enterré la femme qui avait été tuée sur place. »

Toujours selon ce témoin, les VDP d’Arbinda leur ont dit qu’ils escortaient les femmes qui avaient quitté Arbinda à la recherche de bois de chauffage.

Djibo, région du Sahel, le 29 mars

Le 29 mars, 15 femmes ont été portées disparues après s’être aventurées hors de la ville de Djibo pour aller chercher du bois de chauffage. Djibo est assiégée par le GSIM depuis plus de deux ans et les combustibles y sont devenus rares.

Trois proches des femmes disparues ont déclaré que les femmes se sont rendues ensemble dans une zone appelée Bakooré, à cinq kilomètres de Djibo, dans l’espoir de trouver du bois à brûler, et ne sont jamais revenues. Les proches ont déclaré qu’ils s’étaient rendus à la base militaire de Djibo pour signaler l’incident le 30 mars et que les VDP étaient allés à Bakooré pour y chercher les femmes mais n’étaient pas parvenus à les trouver.

Human Rights Watch avait précédemment mené des entretiens avec plusieurs femmes qui disaient avoir été agressées verbalement et physiquement par des combattants islamistes dans les environs de Djibo, alors qu’elles étaient allées chercher du bois ou de l’eau. Human Rights Watch a documenté l’enlèvement et le viol de femmes et de filles par des groupes armés islamistes.

Essakane, région du Sahel, le 25 février

Le 8 mars, l’EIGS a revendiqué la responsabilité d’une attaque du 25 février contre une église catholique dans le village d’Essakane, affirmant avoir tué 15 personnes. Le 26 février, le ministre de la sécurité burkinabè, Mahamoudou Sana, a déclaré à la Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB), la télévision nationale d’État, que les forces de sécurité avaient riposté aux attaques « simultanées et coordonnées ». Il a également assuré la population civile que « des mesures avaient été prises pour renforcer » s sécurité, l’appelant à « collaborer » avec l’armée.

Huit témoins ont déclaré que selon eux, l’attaque avait été menée en représailles contre des chrétiens qui n’avaient pas abandonné leur religion malgré un avertissement de l’EIGS.

Un homme, âgé de 34 ans, a déclaré :

Les djihadistes envoyaient depuis longtemps des messages menaçant tous ceux qui n’étaient pas musulmans. … Ils ont déclaré qu’ils se battaient pour restaurer l’islam dans tous les pays du Sahel et ne toléraient aucune autre religion. Ils ont sommé les chrétiens de la région de se convertir ou de quitter la région, faute de quoi ils les tueraient.

Des témoins ont déclaré qu’une vingtaine de combattants islamistes ont pris d’assaut l’église, ordonné aux femmes d’en sortir, puis ont ouvert le feu à l’intérieur, tuant neuf personnes, dont deux garçons, et en blessant au moins cinq autres, dont trois mortellement.

Ils ont également déclaré que les combattants, armés de fusils d’assaut de type Kalachnikov, coiffés de turbans à bandeaux rouges et circulant à moto, ont encerclé l’église vers 9 heures du matin. « Ils y ont fait irruption, ont fait sortir les femmes et ont commencé à tirer », a déclaré un homme âgé de 36 ans touché au pied gauche et à la poitrine lors de l’attaque. « Ils parlaient en fulfulde et criaient ‘‘Allah Akbar [Dieu est grand], nous allons tous vous tuer, vous êtes des kufar [un non-croyant]’’. »

Un homme âgé de 34 ans a déclaré :

J’ai vu une dizaine de motos avec des hommes armés encercler l’église. Quelques minutes plus tard, j’ai entendu « taa-taa-taa », et me suis caché dans mon magasin. Il y a eu des tirs pendant plusieurs minutes. … Lorsque les hommes armés sont partis, … je me suis précipité sur les lieux. Tout le monde pleurait. … J’ai vu neuf corps. Tous gisaient au sol ou sur des bancs dans une mare de sang avec des balles dans la poitrine. … J’ai vu trois blessés dans un état critique, qui ont été évacués vers le centre de santé local. J’ai entendu dire qu’ils n’avaient pas survécu.

Human Rights Watch a obtenu une liste avec les noms de 12 victimes – 10 hommes et deux garçons – établie par des survivants, des proches des victimes et d’autres personnes qui ont aidé à inhumer les corps. Plusieurs médias internationaux et les diocèses de Dori ont corroboré le bilan d’au moins 15 morts revendiqué par l’État islamique au Grand Sahara. Human Rights Watch a pu examiner trois photographies partagées par des témoins montrant au moins 10 corps dans l’église après l’attaque, mais n’a pas été en mesure de les vérifier.

Selon les habitants, les forces de sécurité gouvernementales sont arrivées une fois l’attaque terminée pour boucler le périmètre et aider à évacuer les blessés. Les victimes ont été inhumées le 26 février au cimetière d’Essakane.

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Articles

La Croix         RFI

LeMatin.ch      TdG.ch     Journal de Québec

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