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Ukraine : La réponse de la justice internationale

Un document de questions et réponses souligne la nécessité de coordonner les efforts pour lutter contre les graves violations des droits humains

Une habitante de Marioupol, en Ukraine, contemplait un immeuble gravement endommagé lors d’une attaques par les forces russes, non loin de l'usine métallurgique Illitch. Photo prise le 16 avril 2022. © 2022 AP Photo/Alexei Alexandrov

(La Haye) – Les gouvernements et organisations internationales qui ont déployé des efforts sans précédent pour promouvoir la justice concernant les crimes commis depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie démontrent leur capacité à faire respecter les droits des victimes dès lors qu’il existe une volonté politique forte, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Human Rights Watch a publié un document de questions et réponses sur la manière dont les instances de justice internationale ont réagi à la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

Le 17 mars 2023, les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont délivré des mandats d’arrêt à l’encontre du président russe Vladimir Poutine et de la Commissaire aux droits de l’enfant au sein de son cabinet, Maria Lvova-Belova. Les juges ont conclu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova portent une responsabilité pénale dans la déportation illégale et le transfert illégal présumés d’enfants ukrainiens des régions occupées de l’Ukraine vers la Russie.

« Le mandat d’arrêt de la CPI contre Vladimir Poutine témoigne d’un effort de justice en constante evolution et à multiples facettes dont d’autres pays ont besoin ailleurs dans le monde », a déclaré Balkees Jarrah, Directrice adjointe du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Des initiatives similaires sont nécessaires dans d’autres pays pour garantir le respect des droits des victimes partout dans le monde, que ce soit en Afghanistan, en Éthiopie, au Myanmar ou en Palestine. »

Ce document de questions et réponses couvre divers aspects de la réponse des instances de justice internationale au conflit Russie-Ukraine, notamment les développements intervenus devant la CPI et dans les systèmes judiciaires ukrainiens ou d’autres pays. Il vise à fournir des informations supplémentaires aux gouvernements et aux autres acteurs engagés dans les efforts de justice internationale en Ukraine et dans le monde, afin de comprendre les caractéristiques principales de cette réponse au fur et à mesure qu’elle se développe. 

Les juges de la CPI ont délivré leurs mandats d’arrêt à l’encontre de Vladimir Poutine et de Maria Lvova-Belova suite à une requête déposée par le procureur de la CPI le 22 février. Ces mandats d’arrêt ont été délivrés dans le cadre de l’enquête sur l’Ukraine ouverte par le procureur de la CPI le 2 mars 2022. La CPI ne dispose pas de ses propres forces de police, et s’en remet donc aux autorités nationales pour procéder à des arrestations en son nom. Les pays membres de la CPI sont tenus de coopérer pour que les personnes recherchées par la Cour lui soient remises.

La Russie n’étant pas membre de la CPI, ses autorités ne sont pas tenues de coopérer avec la Cour. Toutefois, en vertu des règles de compétence de la Cour, le procureur de la CPI a pour mandat d’enquêter de manière impartiale sur les allégations de crimes commis en Ukraine par toutes les parties au conflit, quelle que soit la nationalité de la personne présumée responsable. Le traité de la CPI s’applique à toute personne relevant de la compétence de la Cour, quelle que soit sa fonction officielle.

L’Ukraine n’est pas non plus membre de la CPI, mais elle a accepté la compétence de la Cour pour les crimes présumés commis sur son territoire depuis novembre 2013 et, ce faisant, l’obligation de coopérer avec la Cour.

Les pays membres de la CPI devraient encourager l’Ukraine à adhérer à la CPI. Cela permettrait à l’Ukraine d’exercer pleinement ses droits de membre au sein de l’Assemblée des États parties, l’organe des pays membres de la CPI. L’Ukraine devrait également mettre sa législation nationale en conformité avec le traité de la CPI et le droit international. Depuis des années, des groupes de la société civile nationale et internationale pressent le gouvernement ukrainien d’adhérer à la Cour.

Depuis l’invasion à grande échelle de la Russie le 24 février 2022, le conflit armé en Ukraine a été désastreux pour la population civile. Les forces russes ont commis de nombreuses violations du droit international humanitaire, notamment des bombardements et des tirs d’obus indiscriminés et disproportionnés sur des zones peuplées. De nombreuses attaques ont été menées à l’aide d’armes explosives à large rayon d’action, notamment des armes à sous-munitions, des bombes aériennes non guidées et des missiles.

Dans les zones qu’elles ont occupées, les forces russes ou affiliées à la Russie ont commis des crimes de guerre apparents et, potentiellement, des crimes contre l’humanité, notamment des exécutions sommaires, des actes de torture, des violences sexuelles, des disparitions forcées et le pillage d’œuvres d’art et d’artefacts culturels. Les civils qui ont tenté de fuir les zones de combat ont dû affronter des épreuves terrifiantes et surmonter de nombreux obstacles. Dans certains cas, les forces russes ont transféré de force un nombre important de civils ukrainiens en Russie ou dans les régions de l’Ukraine occupées par la Russie, ce qui constitue un crime de guerre. 

Les forces russes comme ukrainiennes ont fait usage de mines terrestres antipersonnel interdites. Un récent rapport des Nations Unies a révélé que les forces russes et ukrainiennes étaient responsables d’exécutions sommaires et de mauvais traitements apparents infligés aux prisonniers de guerre.

Outre l’enquête en cours de la CPI, les gouvernements et d’autres acteurs ont initié divers efforts de lutte contre l’impunitépour les crimes graves commis en Ukraine. Les autorités judiciaires de plusieurs pays ont ouvert des enquêtes criminelles. En mars 2022, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a voté en faveur de la création d’une commission d’enquête internationale chargée de documenter les crimes de guerre et les violations des droits humains en Ukraine.

Les autorités ukrainiennes ont également mené leurs propres enquêtes criminelles. Pour soutenir ces efforts, de nombreux gouvernements ont proposé à l’Ukraine de l’aider à renforcer ses capacités judiciaires. Parallèlement, des groupes de la société civile nationale et internationale ont documenté les violations au fur et à mesure qu’elles se produisaient. L’élan de soutien sans précédent autour de la justice en Ukraine est à la fois une opportunité et un défi pour que les victimes de crimes internationaux graves obtiennent justice, a déclaré Human Rights Watch.

Au cours de l’année écoulée, les organisations internationales et les gouvernements ont montré l’intérêt qu’il y avait à développer une approche à plusieurs niveaux pour fournir une justice impartiale et crédible à l’Ukraine. Sans une coordination efficace, il pourrait toutefois y avoir une duplication significative des efforts et un gaspillage de ressources financières et humaines, qui auraient pour résultat une limitation de l’impact pour les victimes et les survivants, a déclaré Human Rights Watch.

La rapidité de la réponse internationale aux crimes commis en Ukraine met également en lumière les inégalités et le « deux poids deux mesures » qui existent dans l’accès à la justice pour les victimes de crimes graves dans d’autres pays. Cette situation menace également la légitimité de la justice lorsqu’elle est rendue. Tous les gouvernements devraient s’attacher à renforcer le système mondial chargé de faire respecter l’obligation de rendre des comptes, et de lutter contre la pratique du deux poids deux mesures pour les crimes internationaux graves, a déclaré Human Rights Watch.

« Les efforts incroyables déployés pour garantir la justice en Ukraine ont montré l’importance d’une réponse internationale concertée », a conclu Balkees Jarrah. « Le soutien aux efforts en faveur de la justice en Ukraine devrait devenir le paradigme de la réponse de la communauté internationale aux crises et aux conflits qui sévissent ailleurs dans le monde. »

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