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Une habitante de Marioupol, en Ukraine, contemplait un immeuble gravement endommagé lors d’une attaques par les forces russes, non loin de l'usine métallurgique Illitch. Photo prise le 16 avril 2022. © 2022 AP Photo/Alexei Alexandrov
  1. Quelles sont les violations du droit humanitaire international et des droits humains commises en Ukraine depuis le début de l’invasion militaire du pays en février 2022 ?
  2. Qui peut être tenu pour responsable des violations du droit international humanitaire ?
  3. Qui est principalement responsable de l’obligation de rendre des comptes pour les crimes internationaux graves ?
  4. Les autorités russes ont-elles poursuivi des personnes pour des crimes graves au regard du droit international, commis en Ukraine ?
  5. Les autorités ukrainiennes ont-elles poursuivi des personnes pour des crimes graves commis en Ukraine ?  
  6. Quel soutien le système de justice pénale ukrainien reçoit-il pour mener des enquêtes et des poursuites au niveau national ?
  7. L’Ukraine est-elle membre de la Cour pénale internationale ?
  8. Quand le Procureur de la CPI a-t-il ouvert une enquête sur la situation en Ukraine ?
  9. La Russie n’étant pas membre de la CPI, comment se fait-il que le Procureur de la CPI enquête sur des allégations concernant des ressortissants russes pour des crimes commis en Ukraine ?
  10. Comment les mandats d’arrêt de la CPI sont-ils exécutés ?
  11. Les chefs d’État ne bénéficient-ils pas d’une immunité ?
  12. Le Procureur de la CPI va-t-il engager des poursuites supplémentaires dans le cadre de l’enquête en Ukraine ?
  13. La CPI prévaut-elle sur les autorités nationales dans la conduite des enquêtes et des poursuites ?
  14. Comment les pays ont-ils réagi aux mandats d’arrêt de la CPI contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova ?  
  15. Comment la décision du Procureur de la CPI d’ouvrir une enquête sur l’Ukraine a-t-elle influé sur les ressources dont dispose la Cour ?
  16. Les autorités judiciaires d’autres pays peuvent-elles enquêter sur les crimes internationaux commis en Ukraine et en poursuivre les auteurs ?
  17. Les autorités judiciaires d’autres pays ont-elles ouvert des enquêtes sur des crimes graves commis en Ukraine ?
  18. Quelles sont les autres initiatives internationales existantes qui contribuent aux efforts de justice pénale en Ukraine ?
  19. Human Rights Watch soutient-elle la création d’un tribunal sur le crime d’agression ?
  20. La mise en œuvre de la justice par l’intermédiaire de la CPI ou au niveau national peut-elle constituer un obstacle à un accord de paix ?
  21. Que signifie l’engagement sans précédent en faveur de l’obligation de rendre des comptes pour les crimes commis en Ukraine pour d’autres situations où les civils sont en proie aux souffrances ?

Le 17 mars 2023, les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de Vladimir Poutine, président de la Russie, et de Maria Lvova-Belova, Commissaire aux droits de l’enfant au sein du cabinet du président russe.

Ces mandats d’arrêt résultent d’une enquête de la CPI ouverte par le Procureur de la Cour en mars 2022 à la demande d’un groupe de pays membres de la CPI. En délivrant les mandats d’arrêt, les juges de la CPI ont indiqué qu’ils étaient convaincus qu’il existait des « motifs raisonnables de croire » que ces deux personnes avaient commis des crimes relevant de la compétence de la Cour, à savoir la déportation et le transfert illégaux d’enfants ukrainiens des zones occupées de l’Ukraine vers la Russie. Selon une déclaration vidéo du président de la Cour, le contenu des mandats d’arrêt reste confidentiel afin de protéger les victimes et les témoins.

Outre l’enquête du Procureur de la CPI, les autorités judiciaires ukrainiennes mènent également leurs propres enquêtes criminelles, avec l’aide d’autres gouvernements pour ce qui est des éléments de preuve, des aspects techniques et de l’assistance opérationnelle. Les autorités judiciaires d’autres pays ont également ouvert des enquêtes criminelles liées à des crimes graves commis en Ukraine. Entre-temps, des groupes de la société civile nationale et internationale s’emploient activement à documenter les violations au fur et à mesure qu’elles se produisent.

Ce document de questions-réponses fournit des informations supplémentaires sur certains aspects des réponses que la justice peut apporter à la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

  1. Quelles sont les violations du droit humanitaire international et des droits humains commises en Ukraine depuis le début de l’invasion militaire du pays en février 2022 ?       

L’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 et la guerre qui s’en est suivie ont eu un impact désastreux sur les civils, les biens civils et les infrastructures énergétiques. Les forces russes ont commis de nombreuses violations du droit international humanitaire, notamment des bombardements et des tirs d’artillerie indiscriminés et disproportionnés sur les zones civiles. Ces attaques ont détruit et gravement endommagé des habitations, des entreprises, des écoles, des établissements de santé et d’autres installations. Nombre de ces attaques, notamment l’attaque de la gare de Kramatorsk, le bombardement du théâtre de Marioupol, l’attaque d’un centre commercial à Krementchouk, le bombardement d’un quartier résidentiel de Tchernihiv, les frappes aériennes et les tirs d’artillerie sur des zones peuplées de Kharkiv, devraient faire l’objet d’une enquête pour crimes de guerre, définis comme la commission délibérée ou inconsidérée de violations graves des lois de la guerre. Les forces russes ont également pris pour cible à plusieurs reprises les infrastructures énergétiques, privant périodiquement des millions de civils d’électricité, d’eau et de chauffage alors que les températures hivernales chutaient ; ces attaques devraient également faire l’objet d’une enquête pour crimes de guerre potentiels, notamment parce qu’elles pourraient être qualifiées d’attaques visant à semer la terreur parmi les civils.

Les forces russes ont utilisé des armes explosives à large rayon d’action dans de nombreuses attaques contre des zones civiles, notamment des armes à sous-munitions, des bombes aériennes non guidées et des missiles. Selon la Commission internationale d’enquête sur l’Ukraine, mise en place par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (CDH), les forces ukrainiennes ont utilisé des armes à sous-munitions contre des zones contrôlées par la Russie à Izioum, dans la région de Kharkiv.

Des mines antipersonnel interdites ont largement été utilisées en Ukraine. Les forces russes ont fait usage de mines antipersonnel dans de nombreuses régions d’Ukraine, notamment des dispositifs piégés déclenchés par les victimes. Human Rights Watch a publié trois rapports documentant l’utilisation par les forces russes de mines antipersonnel en Ukraine en 2022. Selon les recherches de Human Rights Watch, les forces ukrainiennes semblent avoir largement disséminé des mines terrestres, qui causent des pertes civiles et posent un risque permanent, dans la région d’Izioum. L’Ukraine s’est engagée à étudier les résultats de ces recherches.

Dans les zones occupées par elles, les forces russes ou affiliées à la Russie ont commis des crimes de guerre apparents et potentiellement aussi des crimes contre l’humanité, notamment des actes de torture, des exécutions sommaires, des violences sexuelles, des disparitions forcées et le pillage d’œuvres d’art et d’artefacts culturels. Les civils qui ont tenté de fuir les zones de combat ont dû affronter des épreuves terrifiantes et se sont heurtés à de nombreux obstacles ; dans certains cas, les forces russes ont transféré de force un nombre important de civils ukrainiens en Russie ou dans des zones d’Ukraine occupées par les forces Russes, ce qui constitue un crime de guerre. Des civils ont également été soumis à des contrôles de sécurité abusifs connus sous le nom de « filtrage », au cours desquels des responsables ont recueilli de nombreuses informations personnelles sensibles les concernant, notamment des données biométriques.

Human Rights Watch et des observateurs des Nations Unies ont fait état de meurtres et de tortures de prisonniers de guerre détenus par les forces russes, notamment de tortures ayant entraîné la mort. Il a également été prouvé que les forces ukrainiennes ont violé les lois de la guerre en maltraitant et apparemment en exécutant de manière sommaire des prisonniers de guerre, constitutifs de crimes de guerre.

  1. Qui peut être tenu pour responsable des violations du droit international humanitaire ?

Les violations graves du droit international humanitaire commises avec une intention criminelle – c’est-à-dire de manière délibérée ou inconsidérée – constituent des crimes de guerre. Les crimes de guerre, énumérés dans les dispositions relatives aux « infractions graves » des conventions de Genève et au titre de droit coutumier dans le statut de la Cour pénale internationale et d’autres sources, comprennent un large éventail d’infractions : attaques délibérées, aveugles et disproportionnées contre des civils, prises d’otages, utilisation de boucliers humains, punitions collectives, meurtres, tortures et viols, entre autres. Une personne peut aussi être tenue pénalement responsable si elle a tenté de commettre un crime de guerre, ou si elle a assisté, facilité, aidé ou s‘est rendue complice d’un crime de guerre.

Les personnes qui planifient ou incitent à commettre un crime de guerre peuvent aussi être tenues pour responsables. Les commandants et les dirigeants civils peuvent être poursuivis pour crimes de guerre au titre de la responsabilité du commandement s’ils savaient ou auraient dû savoir que des crimes de guerre ont été commis et n’ont pas pris de mesures suffisantes pour les empêcher ou en punir les auteurs.

  1. Qui est principalement responsable de l’obligation de rendre des comptes pour les crimes internationaux ?

Garantir la justice pour les violations graves est, en premier lieu, la responsabilité de l’État dont les ressortissants sont impliqués dans ces violations. Les gouvernements ont l’obligation d’enquêter sur les violations graves qui impliquent leurs responsables ou d’autres personnes qui se trouvent sous leur juridiction. Le gouvernement doit veiller à ce que des enquêtes impartiales soient menées pour déterminer si des violations graves ont eu lieu, identifier et poursuivre les personnes responsables de ces violations conformément aux normes internationales en matière de procès équitable, et infliger aux individus reconnus coupables des sanctions à la hauteur de leurs actes. Si les groupes armés non étatiques n’ont pas la même obligation légale de poursuivre les auteurs de violations des lois de la guerre dans leurs rangs, ils sont néanmoins tenus de veiller au respect de ces lois et ont la responsabilité, lorsqu’ils organisent des procès, de le faire dans le respect des normes internationales en matière de procès équitable.

  1. Les autorités russes ont-elles poursuivi des personnes pour des crimes graves au regard du droit international, commis en Ukraine ?

Human Rights Watch n’a pas connaissance de poursuites pénales engagées en Russie contre des ressortissants russes pour des crimes graves commis en Ukraine.

En décembre 2022, la chambre basse du Parlement russe a adopté un projet de loi qui accorderait une immunité effective à certains crimes commis dans les zones occupées d’Ukraine, en violation des obligations juridiques internationales de la Russie.

Le projet de loi, que la Douma d’État a adopté à l‘unanimité en première lecture le 13 décembre 2022, vise à imposer le Code pénal et le Code de procédure pénale russes dans les zones occupées par la Russie dans les régions de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson. Il prévoit l’abandon des poursuites pénales et l’annulation des condamnations à l’encontre des personnes qui ont commis des crimes avant le 30 septembre en agissant « dans l’intérêt de la Fédération de Russie » dans ces régions. Ces crimes incluraient vraisemblablement des crimes de guerre et de graves violations des droits humains et concerneraient les responsables russes et leurs auxiliaires. Le projet de loi aura force de loi après son adoption par le Conseil de la Fédération, la chambre haute du Parlement, et sa signature par le président Vladimir Poutine.

Si elle était adoptée, cette loi violerait les obligations de la Russie au regard du droit international humanitaire et du droit international des droits humains. L’article 64 de la quatrième convention de Genève prévoit que, dans les situations d’occupation, le droit pénal et les autres lois locales, à de rares exceptions près, restent en vigueur. L’imposition du Code pénal et du Code de procédure pénale russes dans les zones occupées d’Ukraine est illégale. La Russie a également l’obligation, en vertu du droit international humanitaire, d’enquêter et de poursuivre les crimes de guerre présumés commis par ses forces ou sur le territoire qu’elle contrôle.

  1. Les autorités ukrainiennes ont-elles poursuivi des personnes pour des crimes graves commis en Ukraine ?

Human Rights Watch n’a connaissance d’aucune procédure pénale engagée en Ukraine à l’encontre de ressortissants ukrainiens pour de graves crimes de guerre commis en Ukraine depuis l’invasion à grande échelle de ce pays par la Russie.

Au 7 février 2023, le Procureur général d’Ukraine a indiqué que 260 soldats russes faisaient l’objet d’une enquête pour des crimes de guerre commis depuis le début de l’invasion à grande échelle de la Russie. Parmi ces soldats, 92 personnes ont été inculpées. Au moins 20 soldats russes ont été condamnés par des tribunaux ukrainiens pour des crimes de guerre commis depuis février 2022. Human Rights Watch a examiné les dossiers judiciaires de 19 de ces personnes, qui indiquent que dix des accusés étaient en détention au moment de leur procès. Au moins l’un des dix accusés a été renvoyé en Russie après sa condamnation dans le cadre d’un échange de prisonniers. Les neuf autres ont été jugés par contumace.

  1. Quel soutien le système de justice pénale ukrainien reçoit-il pour mener des enquêtes et des poursuites au niveau national ?

Les efforts de mise en œuvre de l’obligation de rendre des comptes dans le cadre du conflit en Ukraine ont bénéficié d’un soutien sans précédent, notamment de multiples initiatives visant à soutenir et à aider le bureau du Procureur général d’Ukraine dans ses enquêtes et dans ses poursuites. Certaines des principales initiatives en ce sens sont détaillées ci-dessous. Certains types d’assistance ont été mis en place avant la généralisation du conflit en 2022.

L’Union européenne, les États-Unis et le Royaume-Uni ont créé le Groupe consultatif sur les crimes d’atrocité (Atrocity Crimes Advisory Group, ACA) en mai 2022 pour soutenir le Bureau du Procureur général dans ses enquêtes et ses poursuites concernant les crimes liés au conflit. Les deux principales composantes envisagées de l’ACA sont les suivantes : 1) un groupe consultatif à la disposition du Bureau du Procureur général, composé de procureurs, d’enquêteurs et d’autres spécialistes expérimentés en matière de crimes de guerre basés dans la région, qui fournit une expertise, du mentorat, des conseils, notamment sur les stratégies à adopter dans le cadre des enquêtes et des poursuites, et un soutien opérationnel, et 2) des « équipes de justice mobile » composées d’experts internationaux et ukrainiens, qui peuvent être déployées à la demande du Bureau du Procureur général pour aider les enquêteurs ukrainiens sur le terrain.

La Mission consultative de l’UE pour la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine a été créée en 2014 pour soutenir la réforme du secteur ukrainien de la sécurité. Toutefois, suite à l’invasion à grande échelle de la Russie, la mission consultative s’est concentrée sur le soutien au Bureau du Procureur général.

De nombreux pays ont offert aux autorités ukrainiennes toute une série d’aides financières, de l’expertise et un renforcement des capacités, notamment un programme de formation des juges ukrainiens parrainé par le Royaume-Uni et le soutien d’experts britanniques en matière de violences sexuelles liées aux conflits ; un « Observatoire des conflits » créé par les États-Unis pour recueillir et analyser des informations provenant de sources ouvertes ; le détachement d’experts nationaux en médecine légale et des dons d’équipements médico-légaux.

De même, de nombreuses organisations de la société civile ukrainienne documentent les crimes de guerre et travaillent en étroite collaboration avec le Bureau du Procureur général, notamment en partageant des informations et en effectuant des visites conjointes dans les régions où les crimes présumés doivent faire l’objet d’une enquête.

  1. L’Ukraine est-elle membre de la Cour pénale internationale ?

L’Ukraine n’est pas membre de la CPI, mais elle a accepté, par le biais de deux déclarations, la compétence de la Cour pour les crimes présumés commis sur son territoire depuis novembre 2013 et, ce faisant, l’obligation de coopérer avec la Cour. 

Bien que l’Ukraine ait signé en 2000 le Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour, elle ne l’a pas encore ratifié. En 2016, l’Ukraine a modifié sa constitution pour ouvrir la voie à la ratification. Le 30 juin 2019, l’amendement à l’article 124 de la constitution ukrainienne est entré en vigueur, reconnaissant la compétence de la CPI et levant le dernier obstacle à la ratification du Statut de Rome par l’Ukraine. L’Ukraine s’est également engagée à obtenir la ratification du Statut de Rome et la mise en œuvre du traité dans le droit national dans le cadre de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine. Toutefois, aucune autre mesure concrète n’a été prise à ce jour en vue d’une ratification.

L’Ukraine n’ayant pas ratifié le Statut de Rome, elle n’est pas en mesure d’exercer pleinement ses droits de membre de l’organe directeur de la CPI, l’Assemblée des États parties. L’Assemblée prend des décisions sur un grand nombre de questions essentielles au fonctionnement et au succès de la Cour mais aussi du système du Statut de Rome, notamment s’agissant du budget de la Cour et de l’élection des principaux responsables de la CPI.

  1. Quand le Procureur de la CPI a-t-il ouvert une enquête sur la situation en Ukraine ?

Le Procureur de la CPI a ouvert une enquête sur la situation en Ukraine le 2 mars 2022. Sa décision est intervenue après qu’un groupe de pays membres de la CPI a, le même jour, renvoyé la situation en Ukraine à son Bureau pour enquête. La Lituanie avait adressé un renvoi distinct au Bureau du Procureur de la CPI le 28 février. Plusieurs autres États parties se sont depuis joints à cette saisine, portant le nombre total d’États à 43.

Depuis l’ouverture de l’enquête sur l’Ukraine, le Procureur de la CPI a indiqué que son Bureau avait déployé 42 enquêteurs, experts médico-légaux et personnel de soutien dans le pays pour enquêter sur des crimes relevant de la compétence de la Cour et qu’il s’était lui-même rendu dans le pays à quatre reprises. Les autorités ukrainiennes et la CPI ont signé le 23 mars 2023 un accord pour soutenir l’ouverture d’un bureau de la CPI dans le pays.

  1. La Russie n’étant pas membre de la CPI, comment se fait-il que le Procureur de la CPI enquête sur des allégations concernant des ressortissants russes pour des crimes commis en Ukraine ?

La Russie n’étant pas membre de la CPI, ses autorités ne sont pas légalement tenues de coopérer avec la Cour dans le cadre de l’enquête menée en Ukraine. Cependant, en vertu du traité de la Cour, et compte tenu de l’acceptation par l’Ukraine de sa compétence, le Procureur de la CPI a pour mandat d’enquêter de manière impartiale sur les allégations de crimes commis en Ukraine par toutes les parties au conflit, quelle que soit la nationalité de la personne présumée responsable.

La compétence de la CPI en Ukraine couvre le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. La responsabilité pour ces crimes ne se limite pas à ceux qui les commettent, mais aussi à ceux qui les ordonnent, les assistent ou s’en rendent complices de quelque manière que ce soit. Cela inclut les mises en cause résultant de la responsabilité du commandement, en vertu de laquelle les responsables militaires et civils, jusqu’au sommet de la chaîne de commandement, peuvent être tenus pénalement responsables des crimes commis par leurs subordonnés, lorsqu’ils savaient ou auraient dû savoir que de tels crimes étaient commis, mais n’ont pas pris de mesures raisonnables pour les faire cesser ou les punir.

  1. Comment les mandats d’arrêt de la CPI sont-ils exécutés ?

Procéder aux arrestations reste l’un des défis les plus difficiles à relever pour la CPI. La Cour, qui ne dispose pas de sa propre force de police, doit compter sur les États et la communauté internationale pour l’aider en ce sens. Tous les pays membres de la CPI sont tenus de coopérer pour arrêter les personnes recherchées par la Cour.

Cela peut s’avérer difficile dans la pratique. Au-delà des mandats d’arrêt liés à l’enquête en Ukraine, s’agissant d’affaires qui impliquent des crimes principaux relevant de compétence de la CPI, la Cour a émis des mandats d’arrêt contre 12 personnes dans différents pays, qui n’ont pas été exécutés. Certains de ces mandats remontent maintenant à près de 18 ans.

Des arrestations ont bien eu lieu néanmoins. Seize personnes recherchées pour des crimes principaux relevant du mandat de la CPI ont à ce jour été remises à la Cour.

Les arrestations peuvent prendre du temps, en particulier lorsque les personnes recherchées sont de hauts responsables gouvernementaux, mais elles ont en général pu avoir lieu lorsque le soutien international a été suffisant. Charles Taylor, l’ancien président du Liberia, a été appréhendé pour être jugé par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, soutenu par les Nations Unies, après avoir trouvé refuge au Nigeria pendant trois ans. De même, après avoir échappé à la justice pendant de nombreuses années, des suspects de haut niveau ont finalement été arrêtés et jugés par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

Lorsqu’une personne comparaît devant la Cour suite à une arrestation et à une remise, une procédure préliminaire connue sous le nom de « confirmation des charges » a lieu pour déterminer si les preuves disponibles donnent des motifs sérieux de croire que la personne a commis chacun des crimes qui lui sont reprochés. Si les charges sont confirmées, la date du procès est fixée.

  1. Les chefs d’État ne bénéficient-ils pas d’une immunité ?

Dans son article 27, le traité de la CPI, le Statut de Rome, est clair sur « [le] défaut de pertinence de la qualité officielle », c’est-à-dire que la CPI peut poursuivre des responsables gouvernementaux en exercice, quel que soit leur rang, conformément au principe fondamental selon lequel personne n’est au-dessus des lois. Le défaut de pertinence de la qualité officielle de l’article 27 du Statut de Rome fait partie intégrante de la mission de la Cour, à savoir que « les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis ».

Par principe, le Bureau du Procureur de la CPI donne la priorité aux poursuites contre les personnes qu’il considère comme étant les plus responsables des crimes qu’il identifie, quelle que soit leur position officielle. L’immunité des représentants gouvernementaux en exercice représente un obstacle à la poursuite devant les tribunaux nationaux de certaines personnes impliquées dans des crimes internationaux graves. Selon ce principe, certains représentants de gouvernements étrangers, tels que les diplomates accrédités, les chefs d’État et de gouvernement et les ministres des affaires étrangères, ont droit à une immunité temporaire contre les poursuites engagées par des États étrangers pendant qu’ils occupent leur poste, même pour des crimes internationaux graves. L’immunité cesse dès que la personne quitte ses fonctions et ne doit pas empêcher des poursuites ultérieures.

  1. Le Procureur de la CPI va-t-il engager des poursuites supplémentaires dans le cadre de l’enquête en Ukraine ?

Le Procureur de la CPI peut demander des mandats d’arrêt supplémentaires, y compris à l’encontre des deux personnes nommées dans les mandats annoncés le 17 mars. Dans une déclaration faite suite à l’annonce de la délivrance de ces mandats, le Procureur de la CPI a indiqué que « [notre] Bureau continue à explorer de multiples pistes d’enquête liées entre elles. (...) Nous n’hésiterons pas à soumettre d’autres demandes de mandats d’arrêt lorsque les éléments de preuve l’exigeront. »

  1. La CPI prévaut-elle sur les autorités nationales dans la conduite des enquêtes et des poursuites ?

En vertu du droit international, les États ont la responsabilité d’enquêter et de poursuivre de manière appropriée (ou d’extrader aux fins de poursuites) les auteurs présumés de génocide, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’autres crimes internationaux. La CPI ne transfère pas cette responsabilité. Il s’agit d’une juridiction de dernier ressort. En vertu du « principe de complémentarité », la CPI ne peut exercer sa compétence que lorsqu’un pays ne veut pas ou n’est pas en mesure d’enquêter sur ces crimes graves et, le cas échéant, de les poursuivre.

Même après l’ouverture d’une enquête par la CPI, les États et les prévenus individuels ont la possibilité de contester la légalité des affaires portées devant la Cour en se fondant sur l’existence de procédures nationales.

  1. Comment les gouvernements ont-ils réagi aux mandats d’arrêt de la CPI contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova ?

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a qualifié les mandats de la CPI de « décision historique qui conduira à une mise en œuvre historique de l’obligation de rendre des comptes ». Le Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Josep Borrell, a publié une déclaration prenant acte des mandats d’arrêt, rappelant le soutien de l’UE aux enquêtes du Procureur de la CPI en Ukraine et appelant à la coopération de tous les pays membres de la CPI. Alors que d’autres États membres de l’UE ont pris acte des mandats d’arrêt ou s’en sont félicités, la Hongrie aurait bloqué les efforts visant à publier une déclaration commune au nom des 27 pays membres de l’UE. D’autres pays membres de la CPI, dont le Canada, le Chili, l’Islande, le Liechtenstein, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, ont également pris la parole pour soutenir la délivrance de ces mandats. Le président américain Joe Biden a qualifié les mandats de « justifiés », même si les États-Unis continuent de s’opposer à la compétence de la CPI à l’égard de ressortissants d’États non parties, en dehors d’un  renvoi par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Un porte-parole du Kremlin a dénoncé les mandats et indiqué que la Russie ne reconnaissait pas l’autorité de la CPI. Des enquêteurs russes ont ouvert des procédures pénales contre le Procureur de la CPI et les juges siégeant à la chambre préliminaire de la CPI chargée de l’affaire, tandis que l’ancien président, Dmitri Medvedev, a menacé de lancer des missiles contre le siège de la Cour à La Haye, aux Pays-Bas. En réponse, l’Assemblée des États parties, qui préside l’organe des pays membres de la CPI, ainsi que le Haut représentant de l’UE, ont publié des déclarations pour protester contre ces mesures. 

  1.  Comment la décision du Procureur de la CPI d’ouvrir une enquête sur l’Ukraine a-t-elle affecté les ressources dont dispose la Cour ?

La CPI est une institution judiciaire internationale indépendante financée par un budget annuel composé des contributions de ses pays membres, qui sont évaluées en fonction du revenu du pays. Les pays membres de la CPI fixent le budget de la Cour lors de leur réunion annuelle. Conformément à certaines règles et dans des circonstances exceptionnelles, la CPI peut également recevoir des contributions volontaires supplémentaires de la part de gouvernements, d’organisations internationales, de particuliers, d’entreprises et d’autres entités. 

Au fil des ans, l’inadéquation entre la charge de travail croissante de la Cour et son budget est devenue évidente.

Le 7 mars 2022, peu après sa décision d’ouvrir une enquête sur l’Ukraine, le Procureur de la CPI a initialement appelé les pays membres de la Cour à fournir à son Bureau des ressources supplémentaires pour soutenir son travail dans toutes les situations faisant l’objet d’une enquête, par le biais de contributions volontaires et de personnel gratuit. Plusieurs pays membres de la CPI ont depuis fourni à la Cour des ressources financières et humaines supplémentaires, en dehors du budget ordinaire de la CPI.

La mise à disposition de ces ressources supplémentaires constitue une reconnaissance du fait que la Cour ne dispose pas des ressources nécessaires pour remplir son mandat. C’est là une préoccupation qui a constamment été soulevée par les responsables de la Cour, bien avant l’élargissement du conflit ukrainien.

L’apport de contributions quasi simultanées avec l’ouverture de l’enquête sur l’Ukraine a par ailleurs donné l’impression d’une politisation du travail de la Cour, car ces contributions semblaient destinées à soutenir le travail du Procureur uniquement dans cette situation. Bien que les contributions volontaires ne puissent pas être affectées à une situation spécifique et que le Procureur ait souligné à plusieurs reprises que des ressources supplémentaires soutiendraient le travail de son Bureau dans toutes les situations, plusieurs pays membres de la CPI ont lié leurs contributions à la situation en Ukraine dans leurs déclarations publiques .

Le 20 mars 2023, dans la foulée de la délivrance des deux premiers mandats d’arrêt dans le cadre de l’enquête sur l’Ukraine, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont organisé une conférence des ministres de la Justice visant à soutenir l’enquête de la Cour en Ukraine. Selon des informations publiées dans les médias, plusieurs pays membres de la CPI ont, au cours de cette réunion, fait des promesses supplémentaires de contributions volontaires au Bureau du Procureur.

Human Rights Watch et d’autres organisations ont appelé les pays membres de la CPI à adopter une approche de principe sur le financement de la Cour et à renforcer son budget ordinaire afin de garantir que tous les organes de la Cour puissent exécuter leur travail avec vigueur et cohérence, dans toutes les situations.

En décembre 2022, les pays membres de la CPI ont approuvé ce qui semble être, à première vue, une augmentation substantielle du budget annuel de la Cour, mais qui couvre à peine les coûts liés à l’inflation et qui est bien en deçà de ce qui avait été demandé par la Cour.

  1.  Les autorités judiciaires d’autres pays peuvent-elles enquêter sur les crimes internationaux commis en Ukraine, et poursuivre leurs auteurs ?

Certaines catégories de crimes graves commis en violation du droit international, comme les crimes de guerre et la torture, sont soumises à la « compétence universelle », qui désigne la capacité du système judiciaire national d’un pays à enquêter et à poursuivre certains crimes, même s’ils n’ont pas été commis sur son territoire par l’un de ses ressortissants ou à l’encontre de l’un de ses ressortissants. Certains traités, tels que les Conventions de Genève de 1949 et la Convention contre la torture, obligent les États à extrader ou à poursuivre les auteurs présumés d’infractions qui se trouvent sur leur territoire ou relèvent de leur juridiction. En vertu du droit international coutumier, il est par ailleurs généralement admis que les pays sont autorisés à juger les responsables d’autres crimes, tels que le génocide ou les crimes contre l’humanité, quel que soit l’endroit où ces crimes ont été commis.

  1. Les autorités judiciaires d’autres pays ont-elles ouvert des enquêtes sur des crimes graves commis en Ukraine ?

Oui. Les autorités judiciaires d’un certain nombre de pays ont annoncé des mesures visant à l’ouverture d’enquêtes sur les crimes de guerre commis en Ukraine. Dans certains cas, ces enquêtes s’appuient sur la collecte et la préservation des preuves des crimes de guerre supposés exister dans le pays, notamment en interrogeant les victimes et les témoins parmi la population réfugiée. Dans d’autres cas, le pays peut mener ses enquêtes en se fondant sur le principe de la compétence universelle.

En mars 2022 par exemple, l’Allemagne a ouvert ce que l’on appelle une enquête structurelle sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité présumés en Ukraine, notamment en réalisant une vaste étude, en recueillant des faits et des preuves, en interrogeant des témoins, en passant au crible les structures de commandement et en identifiant les auteurs présumés de crimes de guerre. En France, en revanche, les sept enquêtes ouvertes à ce jour sur les crimes de guerre en Ukraine sont axées « uniquement sur le chef de crime de guerre ou de complicité de crime de guerre » et concernent des victimes françaises.

Le 1er mars 2022, la Lituanie a ouvert une enquête préliminaire sur les crimes de guerre commis en Ukraine. Une équipe de 40 procureurs, policiers et autres fonctionnaires travaillent sur cette enquête qui, au moment de la publication, avait permis d’interroger environ 300 témoins et de reconnaître plus de 70 personnes comme victimes. Les procureurs lituaniens se sont également rendus en Ukraine pour recueillir les déclarations des victimes et des témoins et inspecter des scènes de crime avec les procureurs et les enquêteurs ukrainiens.

L’Agence de l’Union européenne pour la coopération en matière de justice pénale (Eurojust) a également créé une équipe commune d’enquête (ECE) pour l’Ukraine en mars 2022 afin de faciliter les enquêtes sur les crimes de guerre et permettre l’échange d’informations. Actuellement, six États membres de l’UE (Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovaquie) sont membres de l’ECE, ainsi que l’Ukraine et le Bureau du Procureur de la CPI. En mai 2022, le Conseil de l’Union européenne a également adopté de nouvelle règles qui permettent à Eurojust de créer une base de données centrale sur les preuves de crimes internationaux afin de stocker et de conserver les preuves liées aux crimes de guerre, notamment en Ukraine. Cette base de données a été officiellement lancée en février 2023.

  1.  Quelles sont les autres initiatives internationales existantes qui contribuent aux efforts de justice pénale en Ukraine ?

Il existe plusieurs mécanismes de surveillance et de documentation mis en place par des organisations internationales, y compris ceux qui avaient déjà été mis en place en réponse à l’occupation de la Crimée par la Russie en 2014, ainsi que des mécanismes mis en œuvre plus récemment en réponse à l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Il s’agit notamment de la Commission internationale d’enquête sur l’Ukraine, créée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies le 4 mars 2022, qui a pour mandat d’enquêter sur les violations présumées des droits humains et du droit international humanitaire en Ukraine et de conserver les preuves en vue de « procédures judiciaires futures ». Dans son rapport de mars 2023 au Conseil des droits de l’homme, la commission a constaté que les autorités russes avaient commis un large éventail de violations du droit international humanitaire, dont beaucoup constituent des crimes de guerre et dont plusieurs pourraient constituer des crimes contre l’humanité, ainsi qu’un petit nombre de violations commises par les forces armées ukrainiennes.

  1. Human Rights Watch soutient-elle la création d’un tribunal sur le crime d’agression ?

De nombreux appels ont été lancés en faveur de la création d’un tribunal spécial chargé de poursuivre le crime d’agression. Bien que la compétence de la CPI pour ce crime ait été activée en 2018, elle n’est pas compétente pour le crime d’agression en Ukraine, car ni l’Ukraine ni la Russie ne sont membres de la CPI.

Human Rights Watch ne travaille pas sur le crime d’agression et maintient une position de stricte neutralité afin de mener à bien son mandat qui consiste à rendre compte des violations du droit international humanitaire et des crimes internationaux potentiels commis par toutes les parties à un conflit. Cette position de neutralité s’étend au fait de ne pas plaider pour ou contre la poursuite du crime d’agression, que ce soit au niveau national ou international.

Human Rights Watch suit avec intérêt les discussions sur la possible création d’un tribunal spécial sur le crime d’agression, ainsi que certaines suggestions visant à modifier le régime juridictionnel de la CPI sur ce crime. Bien que Human Rights Watch ne soit pas en mesure de prendre position sur les différentes propositions de création d’un éventuel tribunal, nous pensons qu’il est important d’examiner comment un tel tribunal interagirait avec d’autres réponses judiciaires sur l’Ukraine, notamment avec la CPI, et d’être attentif aux risques découlant d’un manque de coordination, d’une dilution des ressources, et de questions liées à la sélectivité.

  1. La mise en œuvre de la justice par l’intermédiaire de la CPI ou au niveau national peut-elle constituer un obstacle à un accord de paix ?

L’obligation de rendre compte des crimes internationaux graves est un élément clé d’une paix durable. Ces procès signalent que les crimes d’atrocité ne seront pas tolérés, ce qui contribue à décourager les violations futures, à apporter réparation aux victimes et à leurs familles et à rétablir la confiance dans l’État de droit. En revanche, l’expérience acquise dans divers pays depuis plus de vingt ans montre que l’absence de poursuites crédibles des crimes d’atrocité favorise souvent de nouvelles exactions. Si le lien entre les initiatives en matière de justice et les accords politiques visant à mettre fin aux conflits peut s’avérer complexe, le bilan d’autres conflits, tels que ceux des Balkans, confirme que les poursuites engagées contre de hauts responsables politiques, militaires et rebelles peut renforcer les efforts de paix en délégitimant et en marginalisant ceux qui s’opposent à la résolution du conflit.

  1. Que signifie l’engagement sans précédent en faveur de l’obligation de rendre des comptes pour les crimes commis en Ukraine pour d’autres situations où les civils sont en proie aux souffrances ?

La réponse sans précédent en faveur d’une obligation de rendre des comptes aux niveaux national, régional et international s’agissant des crimes présumés commis en Ukraine est porteuse d’une promesse de satisfaire les droits des victimes et des survivants d’accéder à la justice. Cette promesse ne sera pas facile à tenir, et il faudra probablement un soutien et une coopération internationale de longue haleine pour que ces efforts portent leurs fruits.

Cela dit, la mobilisation pour la justice en Ukraine démontre que lorsqu’il existe une volonté politique en faveur de la justice, il y a un moyen d’y parvenir. Le soutien manifeste de nombreux gouvernements à l’enquête de la CPI en Ukraine contraste fortement avec leur soutien nettement plus discret dans d’autres situations, par exemple en Palestine. L’absence de réponses similaires dans d’autres situations de crimes d’atrocité ne prive pas seulement les victimes de leur droit à la justice, mais menace aussi la légitimité du système de justice internationale dans son ensemble en renforçant le deux poids deux mesures.

Une approche « deux poids, deux mesures » dans l’accès des victimes à la justice ne devrait pas être acceptée comme un résultat inévitable. En s’appuyant sur l’élan actuel en faveur d’une obligation de rendre des comptes pour les crimes graves et, dans une perspective d’avenir, sur les leçons tirées de la réponse à la situation en Ukraine, les gouvernements devraient prendre des mesures concrètes pour renforcer l’architecture mondiale de la justice internationale. Il peut s’agir d’un soutien et d’une participation accrus au mandat international de la CPI et à d’autres mécanismes de justice internationalisés, de l’adoption de lois nationales visant à faciliter des poursuites nationales plus efficaces pour les crimes internationaux graves, ou d’une participation aux efforts visant à limiter le recours au veto du Conseil de sécurité de l’ONU dans les situations où des atrocités de masse ont été commises.

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