Les ministres de la Justice des États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) s’entretiennent aujourd’hui à Londres du soutien à apporter à l’enquête ouverte par son Procureur sur la situation en Ukraine. Cette réunion, organisée par le Royaume-Uni et les Pays-Bas, met en lumière le rôle essentiel de la CPI en tant que juridiction de dernier recours pour les crimes graves relevant du droit international ; elle se tient trois jours après l’émission des deux premiers mandats d’arrêt par la Cour, contre le président russe Vladimir Poutine et la Commissaire russe aux droits de l'enfant Maria Lvova-Belova, en relation avec la situation en Ukraine. Cette réunion devrait également être l’occasion d’inciter l’Ukraine à adhérer à la CPI ; si ce pays a accepté la compétence de la Cour, elle n’en est pas encore devenue membre à part entière.
L’expression de soutien sans précédent au travail de la CPI en Ukraine est une évolution bienvenue. Toutefois, elle contraste considérablement avec le soutien plus mesuré apporté aux activités de la Cour dans d’autres situations, comme celle en Palestine par exemple. Cette sélectivité parmi les crimes les plus graves ne prive pas seulement les victimes d’accès à la justice, elle menace également la légitimité de son mandat et du système judiciaire international dans son ensemble.
Les discussions d’aujourd’hui devraient garantir que les engagements en faveur de la justice en Ukraine s’inscrivent dans le cadre d’une approche plus cohérente du soutien au mandat de la Cour dans son ensemble, comme l’a souligné Human Rights Watch dans des lettres adressées aux organisateurs de la conférence.
Nous anticipons que la question des contributions volontaires à la Cour, qui financent son budget annuel, fasse partie des discussions d’aujourd’hui, et les États parties devraient l’aborder avec beaucoup d’attention. Le statut juridique de la Cour indique clairement que toute contribution volontaire en dehors de ce budget doit être exceptionnelle. Ces contributions ne constituent pas un modèle de financement durable et soulèvent des inquiétudes quant à la perception d’une politisation des travaux de la Cour. Bien qu’elles ne puissent être légalement affectées à ce titre, plusieurs gouvernements ont publiquement lié leurs contributions volontaires aux activités de la Cour sur l’Ukraine, à la suite de l’appel lancé l’an dernier par le procureur de la CPI pour obtenir des ressources supplémentaires. Or, certains de ces mêmes gouvernements insistent depuis des années pour que la hausse du budget annuel de la Cour soit limitée au strict minimum, malgré la multiplication du nombre de dossiers à traiter.
Les États parties à la CPI devraient s’engager clairement à adopter une approche cohérente dans toutes les situations soumises à la Cour, notamment en renforçant son budget ordinaire, plutôt que de compter sur des contributions ad hoc qui varient selon le degré de volonté politique et l’attention portées à une situation donnée, sous peine d’affaiblir la légitimité du travail de la CPI et d’alimenter des soupçons de politisation. Aujourd’hui, ils ont l’occasion de contrer ces rumeurs infondées en démontrant que leur soutien au travail de la CPI sur l’Ukraine s’étend à l’ensemble du mandat de la Cour.
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