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RD Congo/France : Faire des droits humains une priorité lors de la visite de Macron

Les présidents français et congolais devraient s’entretenir sur les élections à venir, la violence dans l’est du pays et la justice

Le président français Emmanuel Macron et le président de la RD Congo Félix Tshisekedi au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 12 novembre 2019. © 2019 Christian Liewig/Abaca/Sipa USA via AP Images

Le président congolais Félix Tshisekedi et le président français Emmanuel Macron devraient discuter, à l’occasion de la visite de ce dernier le 4 mars prochain à Kinshasa, des enjeux urgents en matière de droits humains en République démocratique du Congo, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les discussions prévues devraient inclure la garantie que les élections de décembre soient libres, équitables et transparentes, la protection des civils dans les zones touchées par les conflits, et la poursuite en justice des auteurs de violations.

La situation des droits humains en RD Congo demeure alarmante. Les conflits internes, la corruption et la mauvaise gouvernance contribuent à la multiplication des abus, aux crises politiques et au déplacement interne de 5,8 millions de personnes.

« Les présidents Tshisekedi et Macron devraient souligner la nécessité pour les prochaines élections en RD Congo de respecter les normes internationales », a déclaré Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Il s’agit notamment de garantir des conditions équitables pour tous les candidats, un dépouillement transparent des bulletins de vote et la publication rapide des résultats. »

Au cours de la visite, les présidents Tshisekedi et Macron devraient s’engager à promouvoir le respect des droits humains et la justice en RD Congo, notamment afin que le gouvernement congolais mette fin à la répression des manifestants pacifiques, des militants et des journalistes, et demande des comptes aux responsables d’abus. Les récentes arrestations arbitraires et autres attaques visant à restreindre la liberté d’expression et l’espace civique suscitent des inquiétudes à l’approche des élections prévues en décembre, notamment dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, où l'état de siège a déjà été invoqué pour museler les voix critiques.

Emmanuel Macron, qui a indiqué, lors de son discours du 27 février sur le partenariat Afrique-France, sa volonté de dialoguer avec les organisations de la société civile africaine, devrait également s’entretenir avec des organisations congolaises, notamment celles qui jouent un rôle essentiel dans la promotion de l’intégrité des élections.

Les élections de 2018 ont été entachées d’irrégularités généralisées, notamment la suppression de candidats et d’électeurs, et des résultats officiels peu crédibles.

Le gouvernement congolais devrait également élaborer une stratégie claire afin de s’assurer que les personnes touchées par les conflits ne seront pas exclues du processus électoral, a préconisé Human Rights Watch. Il devrait s’appuyer pour cela sur les directives de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) relatives à l’accès à l’information et aux élections en Afrique, ainsi que sur celles de la Commission sur la liberté d’association et de réunion.

Au cours des conflits armés internationalisés qui durent depuis des décennies et ont ravagé la RD Congo dès le début des années 1990, les forces armées congolaises et étrangères, ainsi que de nombreux groupes armés non étatiques, ont commis d’innombrables violations du droit international, notamment des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des violences fondées sur le genre.

Le président Macron devrait exhorter son homologue congolais à soutenir la mise en place d’un processus de justice transitionnelle qui prioriserait l’établissement des responsabilités pénales pour les crimes graves passés et présents au regard du droit international. Ce processus devrait inclure un programme complet de réparations pour les victimes de crimes internationaux graves et leurs familles, y compris les victimes et survivants de violences sexuelles basées sur le genre, conformément au droit international, afin de les aider à reconstruire leurs vies.

La visite d’Emmanuel Macron intervient alors que le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a étendu son contrôle dans la province du Nord-Kivu et se rapproche de plus en plus de Goma, la capitale provinciale. Les rebelles du M23 continuent de commettre de graves abus contre les civils, notamment des exécutions sommaires et des recrutements forcés. Le gouvernement congolais a de nouveau eu recours à des groupes armés responsables d’abus afin de combattre l’offensive du M23, une stratégie qui pourrait conduire à la complicité de l’armée dans des exactions.

La résurgence du M23 et la riposte de la RD Congo font courir un risque accru aux civils, les parties belligérantes faisant de plus en plus appel aux loyautés ethniques. Lors de leurs entrevues, les deux dirigeants devraient aborder la question de la protection des civils dans les zones où sévit le M23. Les combats actuels ont aggravé une situation humanitaire déjà catastrophique, contraignant 600 000 personnes supplémentaires à quitter leurs foyers dans la province du Nord-Kivu, et risquant de compromettre la crédibilité des élections dans la région.

La visite d’Emmanuel Macron en Afrique – qui comprend également un passage au Gabon, en Angola et en République du Congo – est l’occasion pour le chef d’État français d’indiquer clairement que le déploiement militaire des forces de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) devrait respecter le droit humanitaire international dans l’est de la RD Congo et se concentrer sur la protection des civils. Le 19 décembre 2022, la France a « condamné le soutien que le Rwanda apporte au groupe M23 ». Emmanuel Macron devrait exprimer son soutien à une médiation axée sur le respect des droits, dans le cadre de laquelle l’Union africaine et les dirigeants de la région demanderaient au Rwanda de mettre fin à son soutien au M23.

Le président français devrait également insister sur la nécessité d’un programme efficace de démobilisation de tous les groupes armés, que les autorités congolaises ne sont pas parvenues à mettre en place. Le rétablissement en février d’un représentant spécial de l’Union européenne pour la région des Grands Lacs devrait être un outil supplémentaire pour l’UE, la France et d’autres États membres, afin de donner la priorité aux droits humains et à un programme de politique étrangère centré sur la protection des civils en RD Congo et ailleurs.

La visite d’Emmanuel Macron se déroulera dans un contexte de montée du sentiment anti-français en Afrique, notamment dans la partie ouest-africaine du Sahel. Le mécontentement populaire, qui prend ses racines dans le passé colonial de la France, a récemment été exacerbé par la perception que le pays mène une politique de deux poids, deux mesures en Afrique, comme l’illustre le contraste entre la condamnation par Paris des coups d’État militaires perpétrés en Guinée, au Burkina Faso et au Mali, et son silence au sujet du changement anticonstitutionnel de gouvernement au Tchad.

Le 27 février, Emmanuel Macron a annoncé que, pour « bâtir une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable » avec les pays africains, le gouvernement français se penchera sur le passé colonial de la France dans le cadre de plusieurs initiatives et mesures, dont l’adoption d’une nouvelle loi fixant les critères et la méthodologie pour la restitution de leur patrimoine aux anciennes colonies.

« Emmanuel Macron devrait écouter et prendre en compte les appels lancés par les organisations de la société civile congolaise et les mouvements africains en faveur de réparations efficaces pour faire face à l’héritage de la colonisation », a déclaré Carine Kaneza Nantulya. « Les deux présidents devraient discuter de l’importance des réparations pour briser le cycle continu d’abus et d’impunité. »

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