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États-Unis : Agir contre le racisme structurel, cause sous-jacente des manifestations

Il faut poursuivre tous les policiers impliqués dans la mort de George Floyd et mettre fin aux violences policières contre des manifestants

Une foule de manifestants étaient assis dans la rue, près de la résidence du gouverneur du Minnesota (États-Unis) à Saint-Paul, le 1er juin 2020, afin de réclamer justice suite au décès de George Floyd. Le 25 mai, George Floyd, un Noir américain, est décédé lors d’une brutale interpellation policière à Minneapolis. © 2020 Photo AP / Julio Cortez

(Washington, le 3 juin 2020) – Les autorités américaines devraient prendre des mesures fortes pour mettre fin au racisme structurel qui attise la poursuite des manifestations de masse à travers le pays, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

Les autorités fédérales, étatiques et locales devraient promulguer et appliquer des mesures significatives en vue d’établir les responsabilités des forces de l’ordre, réduire considérablement les arrestations inutiles et cesser de faire appel à la police pour résoudre des problèmes de société liés à la pauvreté et à la santé, dont souffrent de manière disproportionnée les citoyens afro-américains et latino-américains. Ils devraient y substituer un soutien réel aux communautés qui en ont besoin et des programmes de longue durée pour lutter contre le racisme structurel dans de multiples domaines, tels que la santé et l’éducation.

« La colère et la frustration qui attisent les manifestations de masse à travers les États-Unis  ne concernent pas seulement les actions criminelles des policiers qui ont tué George Floyd », a déclaré Nicole Austin-Hillery, directrice exécutive du programme États-Unis à Human Rights Watch. « Il s’agit d’un système d’application des lois qui qui ne traite pas tous les citoyens de manière égalitaire, et dans le cadre duquel la vie et le bien-être de citoyens noirs sont parfois sacrifiés. »

Une vidéo montre un policier de Minneapolis, Derek Chauvin, en train de tuer George Floyd en le clouant au sol à l’aide de la pression exercée par son genou sur le cou de la victime pendant plus de huit minutes, le 25 mai 2020. Quatre jours plus tard, les procureurs ont inculpé Chauvin de meurtre au troisième degré et d’homicide involontaire au deuxième degré et l’ont fait arrêter. Mais ils n’ont pas inculpé les trois autres officiers de police impliqués dans la mort de Floyd. Le procureur devrait immédiatement porter plainte contre ces derniers, a préconisé Human Rights Watch.

La mort de Floyd est le dernier exemple en date d’une longue série de meurtres de Noirs par la police aux États-Unis, perpétrés en toute impunité ou presque : Eric Garner, Philando Castile, Alton Sterling, Delrawn Small, Terence Crutcher, Breonna Taylor et bien d’autres, rien que ces dernières années. Il y a eu également des meurtres d’hommes noirs sur lesquels les procureurs ont refusé d’enquêter correctement, comme celui d’Ahmaud Arbery, un homme noir âgé de 25 ans tué en février dernier dans l’État de Géorgie par deux hommes blancs, alors qu’il faisait son jogging.

Si les meurtres filmés, comme celui de Floyd, bénéficient d’une large couverture médiatique, les services de police à travers les États-Unis continuent de recourir à la force et se livrent à des abus qui, sans provoquer le décès des victimes, sont préjudiciables et omniprésents, en particulier pour les Noirs, a souligné Human Rights Watch. Des études révèlent que la police recourt à un usage disproportionné de la force contre les Noirs, paralysés par des tasers ou mordus par des chiens, et passés à tabac à coups de matraque, de poing et de pied. Les enquêtes de Human Rights Watch sur le département de police de Tulsa, Oklahoma, ont révélé que ses officiers ont utilisé des tasers contre les Noirs à un rythme presque trois fois supérieur à celui contre les Blancs et les Noirs été soumis à des violences policières 2,7 fois plus souvent.

Les disparités raciales dans le maintien de l’ordre reflètent celles qui sont enracinées dans de nombreux autres domaines, notamment l’accès au logement, à l’éducation et aux soins de santé. Les décideurs politiques devraient s’attaquer à ces disparités sous-jacentes à l’aide de programmes spécifiquement élaborés pour neutraliser les effets à long terme du racisme structurel, a recommandé Human Rights Watch.

« Il est regrettable d’en arriver au meurtre filmé d’un Noir par la police pour s’alarmer des mauvais traitements quotidiens infligés à des personnes de couleur » a déclaré Nicole Austin-Hillery. « Les cas les plus graves ne sont que la partie visible d’un système où le racisme est structurel, au-delà des actes cruels de certains policiers repréhensibles. »

Au nombre des actes de police abusifs, figurent également les détentions et les fouilles inutiles et oppressantes, souvent motivées par des préjugés raciaux. De nombreuses études ont révélé d’importantes disparités raciales dans les taux d’arrestations et de perquisitions par la police. Une enquête récente a révélé que 95% des services de police américains ont arrêté des Noirs à des rythmes plus élevés que des Blancs, certains jusqu’à 10 fois plus souvent.

La police arrête et interpelle des individus pour des comportements liés à l’absence de domicile fixe et à la pauvreté, comme le vagabondage ou la violation de propriété privée ; pour des comportements qui ne devraient en aucun cas être criminalisés, comme la possession de drogues à des fins personnelles ou le travail du sexe ; et pour des violations qui devraient donner lieu à des amendes plutôt qu’à des arrestations en vue d’une détention.

À titre d’exemple, la police n’avait pas à arrêter Floyd pour s’être supposément servi d’un faux billet de 20 dollars. Si des preuves l’avaient établi, les agents auraient pu lui délivrer une citation à comparaître.

Aux États-Unis, les autorités demandent à la police de s’occuper de situations telles que la consommation problématique de stupéfiants, le sort des sans-abris, les problèmes de santé mentale et la pauvreté, plutôt que de financer des services appropriés pour résoudre ces problèmes sociaux en dehors d’un encadrement policier. Les gouvernements devraient réduire considérablement leur recours à la police pour ces tâches et investir plutôt dans le logement, des soins de santé abordables et accessibles, le développement économique et l’éducation – des initiatives qui s’attaquent aux causes profondes des problèmes – au lieu de criminaliser les personnes dans le besoin.

Le fait de ne pas prioriser et financer de telles solutions directes tout en privilégiant l’application des lois et en criminalisant la pauvreté et les problèmes de société a, pendant des décennies, accru les inégalités dans la société américaine et nui aux communautés noires, latino-américaines et pauvres.

Inquiets et frustrés, des citoyens aux ethnicités diverses sont descendus dans les rues aux États-Unis pour dénoncer les violences policières et les inégalités qui les sous-tendent. La police a fréquemment répondu à ces manifestations par un recours illégal à la force, provoquant une escalade du conflit et des blessures physiques.

Ces derniers jours, les législateurs et les responsables politiques ont proposé des solutions telles qu’une surveillance accrue, notamment de nouvelles enquêtes sur les abus policiers, et la fin de l’« immunité qualifiée », une doctrine juridique qui protège presque tous les agents de police poursuivis pour conduite abusive de toute responsabilité civile. Ces étapes importantes et attendues de longue date devraient être adoptées, mais il faudra des années aux habitants des communautés où le maintien de l’ordre est excessif pour en percevoir éventuellement les bienfaits.

Les propositions ne prennent pas non plus en compte le problème fondamental, à savoir que les autorités étatiques et locales emploient trop de policiers, qui procèdent à des arrestations inutiles dans un effort inconsidéré pour résoudre des problèmes de société qui ne devraient pas relever d’une approche axée sur une application punitive des lois, a déclaré Human Rights Watch.

La police doit également mettre fin au recours illégal et inutile à la force contre les manifestants. Des statuts sur les réseaux sociaux montrent que la police se sert de véhicules pour repousser des dizaines de personnes qui semblaient manifester pacifiquement derrière des barricades, plusieurs d’entre elles ayant été renversées ; plaquer des manifestants au sol ; utiliser des gaz lacrymogènes sans discernement et manifestement sans raison ; ainsi que          des sprays anti-agression, des balles en caoutchouc et des grenades assourdissantes.

Un statut publié sur les réseaux sociaux montre des policiers patrouillant dans un quartier résidentiel apparemment calme en tenue militaire à bord d’un véhicule blindé. À la suite de l’ordre donné de « les allumer », un officier tire un projectile, touchant directement au moins une résidente se trouvant sur le porche de son domicile. Le 1er juin, le président Donald Trump a déployé la garde nationale, qui a recouru à des grenades lacrymogènes et des grenades éclair pour disperser des manifestants pacifiques devant la Maison Blanche et ce, afin de lui permettre de faire une séance photo devant l’église de Lafayette Square, à proximité.

La Constitution américaine et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels les États-Unis sont parties, protègent les droits à la liberté d’expression et de rassemblement pacifique. Le Pacte s’applique aux gouvernements fédéral, étatiques et locaux. Le personnel chargé de l’application des lois est tenu de protéger et de faire respecter ces droits fondamentaux.

En vertu des Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, ceux-ci doivent autant que possible recourir à des moyens non violents avant de recourir à la force. Tout recours à la force par les forces de l’ordre doit être proportionné et invoqué que si d’autres mesures visant à faire face à une menace réelle se sont révélées inefficaces ou n’ont aucune probabilité d’atteindre le résultat escompté. Lorsqu’elles recourent à la force, les forces de l’ordre doivent faire preuve de retenue et agir de manière proportionnée, en tenant compte à la fois de la gravité de l’infraction et de l’objectif légitime à atteindre.

« Il est inacceptable de répondre à des manifestations contre les violences policières et en faveur de l’égalité raciale par davantage de violence policière », a conclu Nicole Austin-Hillery. « À moins que les États-Unis à tous les échelons gouvernementaux ne s’attaquent aux problèmes qui ont poussé les citoyens à descendre dans la rue, les troubles persisteront. »

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