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Côte d’Ivoire : un programme pour le second mandat de Ouattara

Publié dans: Jeune Afrique
Une femme passe devant des affiches de campagne à Abidjan le 21 octobre 2015, quatre jours avant l’élection présidentielle du 25 octobre. © 2015 Luc Gnago/Reuters

Le Président Alassane Ouattara, vainqueur de l’élection présidentielle du mois d’octobre en Côte d’Ivoire, commence à élaborer un programme de réforme pour son second mandat.

Démanteler la culture d’impunité qui nourrit les atteintes aux droits humains en Côte d’Ivoire devrait figurer en tête de sa liste de priorités – depuis la justice à rendre pour les meurtres et les viols innommables commis durant la crise postélectorale de 2010-2011 jusqu’à un appel à mettre fin à la corruption la plus insidieuse à laquelle sont confrontés tant d’Ivoiriens jour après jour.  

Au cours de l’année dernière, alors que j’effectuais des recherches pour un nouveau rapport qui évalue les progrès réalisés pendant le premier mandat du Président Ouattara, je me suis entretenu avec de nombreux Ivoiriens à propos de la direction dans laquelle se dirige leur pays.

Nombre d’entre eux m’ont répondu que la Côte d’Ivoire a réalisé des progrès importants depuis la crise postélectorale, lorsque le refus de Laurent Gbagbo, alors président, de céder le pouvoir à Ouattara a conduit à un conflit armé au cours duquel plus de 3 000 civils ont été tués et de très nombreuses femmes ont été violées.

Les Ivoiriens, en particulier dans la capitale en plein essor, déclarent qu’ils sont fiers de la forte croissance économique de la Côte d’Ivoire, et ils espèrent que celle-ci mènera à des améliorations tangibles dans le domaine de l’éducation et des soins de santé pour leurs enfants.

Cependant la victoire du Président Ouattara – retentissante même si seulement 6,3 millions sur les quelques 22 millions d’habitants du pays étaient inscrits comme électeurs lors du scrutin d’octobre – masque le fait que la Côte d’Ivoire reste divisée selon des lignes politiques et, dans une certaine mesure, ethniques. De nombreuses personnes qui ont soutenu Gbagbo en 2010, même celles qui ne réclament pas son retour, déclarent demeurer méfiantes à l’égard du gouvernement de Ouattara.

En 2011, la Côte d’Ivoire a créé une Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation pour formuler des recommandations sur la façon d’encourager la réconciliation. Mais le gouvernement a refusé de publier le rapport de la commission, et certains Ivoiriens supposent que son contenu critique le gouvernement Ouattara. Un partisan de l’opposition m’a confié : « Le rapport n’a pas été publié – vous croyez vraiment que cela signifie qu’il est favorable au régime au pouvoir ? »

Certains proches de victimes tuées par des forces pro-Ouattara durant la crise de 2010-2011 indiquent que le fait de ne pas traduire en justice les criminels nourrit leur hostilité à l’égard du gouvernement de Ouattara. Un chef de village dans l’ouest du pays, considéré comme le centre politique de Gbagbo, m’a expliqué : « Si la réconciliation n’a pas abouti, c’est à cause du manque de justice. »

De nombreux Ivoiriens ont également exprimé leur frustration face à l’incapacité du gouvernement à mettre un frein à la corruption qui prive leurs familles de revenus vitaux, alors qu’elles luttent déjà pour joindre les deux bouts. Dans les zones rurales de la partie ouest du pays, des fermiers m’ont expliqué que lorsqu’ils se rendent à des marchés locaux pour vendre leurs récoltes, ils doivent verser des pots-de-vin à des barrages routiers illégaux établis par des militaires et des gendarmes. Une unité mise en place en 2011 pour enquêter sur les actes d’extorsion souffre d’un manque chronique de financement, ce qui a fait dire à l’un de ses responsables que les policiers et les militaires corrompus « prônent la mort de notre unité ».

Le fil rouge qui relie la plupart des échecs du premier mandat de Ouattara est que le gouvernement n’a pas fait en sorte que les auteurs de violations des droits humains et de crimes économiques soient traduits en justice, en particulier les membres des forces de sécurité. Comme me l’a déclaré un juriste ivoirien : « Trop souvent, du fait qu’il s’agit de militaires, les dossiers n’aboutissent à rien. »

Les bailleurs de fonds ont investi des millions de dollars dans le système judiciaire, reconstruisant des tribunaux et remettant des prisons en état, mais ils n’ont pas poussé le gouvernement à s’attaquer à des problèmes plus enracinés, comme la corruption de nombreux juges et l’ingérence de l’exécutif dans le système judiciaire. « La corruption fait partie de la société ivoirienne », a soupiré un juge ivoirien, ajoutant que le secteur de la justice est supposé « être l’équilibre de la société, et donc si on est corrompu, la société est déséquilibrée. »

À Abidjan, le rétablissement économique de la ville – thème dominant les conversations de table des investisseurs étrangers – fait qu’on oublie facilement les défis que doit encore affronter le Président Ouattara pour son second mandat. Il a promis de réformer la constitution ivoirienne, notamment par la création d’un poste de vice-président pouvant indiquer le successeur ayant sa préférence, mais il devrait également mettre en œuvre les réformes constitutionnelles et institutionnelles nécessaires pour renforcer l’État de droit.

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Jim Wormington est chercheur auprès de la division Afrique de Human Rights Watch.

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