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France : L’enfermement d’auteurs de crimes violents à l’issue de leur peine viole les droits humains

Le Sénat devrait rejeter le projet de loi gouvernemental

Un projet de loi français visant à prolonger la détention de délinquants à l’issue de leur peine violerait le droit à la liberté et minerait l’État de droit, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le 30 janvier, le Sénat français doit examiner un projet de loi présenté par le gouvernement et introduisant cette mesure.

Le gouvernement de Nicolas Sarkozy veut créer ce qu’il appelle des « centres socio-médico-judiciaires » pour les personnes qui ont été condamnées à 15 ans de réclusion ou plus pour un crime violent. Cette mesure survient dans la foulée de deux effroyables agressions perpétrées par des délinquants sexuels récidivistes en 2007.

« Incarcérer les gens dans l’hypothèse qu’ils pourraient commettre une nouvelle infraction à l’avenir sape les fondements de la justice pénale française en place depuis des centaines d’années », a expliqué Jean-Marie Fardeau, directeur du bureau de Human Rights Watch à Paris. « Le Sénat devrait rejeter cette mesure en la jugeant inacceptable. »

Aux termes du projet de loi, une commission spéciale composée de trois juges aurait le pouvoir de prolonger d’un an la peine de prison d’un condamné si une commission multidisciplinaire d’experts concluait à sa dangerosité et à la probabilité très élevée qu’il récidive. La rétention de sûreté d’un an pourrait être renouvelée indéfiniment et ne pourrait faire l’objet d’un recours que devant une commission d’appel composée de trois juges et basée à Paris. Un droit limité de pourvoi devant la Cour de Cassation est prévu.

À l’origine, cette mesure visait uniquement les personnes condamnées pour crimes violents commis sur des mineurs. Mais l’Assemblée nationale a amendé le projet au début janvier de façon à ce qu’il s’applique aussi aux personnes condamnées pour des crimes violents commis sur des victimes majeures avec circonstances aggravantes. Un amendement de dernière minute a également rendu la mesure rétroactive pour toutes les personnes condamnées avant la publication de la loi mais toujours en cours d’exécution de peine à la date du 1er septembre 2008.

La Commission des Lois du Sénat a proposé un certain nombre d’amendements, notamment la suppression de la disposition autorisant l’application rétroactive.

Ce projet relatif à la rétention de sûreté viole les normes en matière de procès équitable garanties dans la Convention européenne des Droits de l’Homme, a déclaré Human Rights Watch, notamment le droit à la présomption d’innocence, la protection contre la détention arbitraire et le droit de ne pas être condamné deux fois pour la même infraction. La privation de liberté n’est légale qu’à des fins légitimes et explicitement autorisées par la loi, et elle est soumise à des garanties procédurales adéquates, notamment le droit de contester cette privation de liberté, un réexamen périodique indépendant et des dédommagements en cas de privation illégale de liberté.

« Quoi qu’en dise le gouvernement français, l’enfermement dans ces centres équivaut à une deuxième condamnation pour le même crime », a souligné M. Fardeau. « Et pour certains, cela pourrait signifier qu’une peine de 15 ans se transforme en réclusion à perpétuité. »

La France a déjà mis en place des mesures visant à garantir un internement psychiatrique pour les personnes qui constituent une menace directe pour elles-mêmes ou pour d’autres. Il existe également des mécanismes destinés à surveiller certaines catégories de condamnés lorsqu’ils sont libérés, notamment l’obligation de se faire enregistrer auprès de la police et le port d’un bracelet électronique. L’efficacité de ces mesures devrait être évaluée pleinement avant d’envisager des restrictions à la liberté. À ce jour, cela n’a été le cas pour aucune des deux.

Le projet de loi a été présenté après qu’une personne condamnée pour pédophilie eut enlevé et violé un garçon de cinq ans en août 2007, et qu’une autre personne condamnée pour viol eut, en novembre 2007, tenté d’agresser sexuellement une étudiante en journalisme de 23 ans dans une rame de RER de la périphérie parisienne, la tuant ensuite à coups de couteau.

Des sources très diverses ont exprimé leur opposition au projet de loi, notamment des organisations non gouvernementales nationales de défense des droits humains, le Conseil national des barreaux, le Syndicat de la Magistrature ainsi que Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux. Dans un commentaire général sur les condamnations à perpétuité, le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, a également fait part de son inquiétude quant à la compatibilité de ce type de mesures avec l’État de droit.

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