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L’ancien député et activiste Térence Nahimana devrait être libéré immédiatement, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch, ajoutant que son emprisonnement soulevait des interrogations sur la liberté d’expression au Burundi.

Nahimana a été emprisonné après s’être interrogé sur les raisons pour lesquelles le gouvernement burundais n’avait pas ouvert de négociations de paix avec les Forces Nationales de Libération (FNL), un mouvement rebelle qui s’était dit prêt à négocier il y a plus de deux mois.

« Les garanties concernant la liberté d’expression sont essentielles afin que les gens puissent donner leur point de vue sur des questions d’importance publique comme la guerre et la paix, » a déclaré Alison Des Forges, conseillère à la division Afrique de Human Rights Watch. « Arrêter quelqu’un parce qu’il s’interroge sur les actions du gouvernement, c’est faire passer le message que les dissidents ne devraient pas oser s’exprimer. »

Dans une lettre en date du 5 mai adressée au Président burundais Pierre Nkurunziza, puis lors d’une conférence de presse, Nahimana a suggéré plusieurs explications quant au délai du gouvernement à entamer des négociations de paix avec les FNL, notamment que le Burundi avait l’intention de se joindre au Rwanda et à l’Ouganda pour envahir la République Démocratique du Congo (RDC) voisine. Les FNL auraient des bases au Congo et la poursuite du conflit avec les FNL pourrait servir de prétexte à l’armée burundaise afin de franchir la frontière avec le Congo.

Le 15 mai, après avoir été détenu pendant cinq jours, Nahimana a été formellement accusé « d’atteintes à la sûreté de l’Etat. » Les accusations reposeraient sur des dispositions du code pénal qui considèrent comme un crime le fait d’exposer le Burundi à l’hostilité d’une puissance étrangère et qui interdisent d’exciter la population contre le gouvernement ou d’inciter à la guerre civile.

Rien ne prouve que les questions soulevées par Nahimana et soumises au débat public ont provoqué une quelconque hostilité de la part d’un pays voisin ou ont donné lieu à une forme ou une autre de désordre public.

« Préserver la sécurité de l’Etat est très clairement une responsabilité importante du gouvernement, » a déclaré Des Forges. « Mais, dans ce cas, les faits suggèrent que l’arrestation de Nahimana a pour but d’imposer le silence à l’opposition et non pas de répondre à de véritables inquiétudes sécuritaires. »

Un précédent incident, indépendant de la présente affaire, a soulevé le 17 avril des interrogations sur l’exercice de la liberté d’expression et la capacité des media à travailler librement. Des journalistes couvrant la conférence de presse d’un ancien député, Mathias Basabose, ont été séquestrés dans sa maison pendant plusieurs heures et plusieurs ont été passés à tabac par la police.

Le Burundi est un état partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques depuis 1990 et a pour obligation, selon ce pacte, de garantir la protection de la liberté d’expression. Il y est également tenu par la Charte africaine [Banjul] des droits de l’Homme et des peuples.

Nahimana a également suggéré que les responsables burundais freinaient les négociations de paix dans un effort pour retarder l’établissement d’une commission vérité et réconciliation qui doit examiner les présumées violations du droit international commises lors du conflit. Nahimana a affirmé que plusieurs responsables du gouvernement s’attendaient à être accusés de violations devant la commission.

Suite à ses déclarations, Nahimana a été convoqué à deux reprises, les 9 et 10 mai, pour être interrogé par le Service national de renseignement connu sous le nom de Documentation nationale. Les agents des services de renseignement l’ont interrogé sur le contenu de la lettre et sur ses déclarations dans la conférence de presse sur le même thème.

Détenu sans contact avec l’extérieur pendant 48 heures, Nahimana a ensuite été autorisé à recevoir des visites et il a pu notamment s’entretenir avec son avocat. Le 15 mai, il a été formellement accusé et transféré à la prison centrale de Bujumbura.

« Si les autorités ne disposent pas de preuves corroborant ces accusations contre Nahimana, celles-ci doivent être abandonnées, » a déclaré Des Forges. « Le minimum serait qu’il soit immédiatement remis en liberté conditionnelle afin qu’il puisse préparer sa défense. »

Nahimana est le président du Cercle d’initiative pour une vision commune (CIVIC), une association sans but lucratif qui travaille à la résolution pacifique des conflits et à l’établissement de l’état de droit au Burundi. Ancien membre des FNL, il a quitté ce mouvement rebelle en 1990. Depuis qu’il a fondé CIVIC en 2003, Nahimana a rencontré des responsables FNL pour encourager les négociations de paix, principalement récemment, à Dar es Salaam, en mars 2006. Il a informé plusieurs membres du gouvernement avant de rencontrer les FNL. Il affirme n’être affilié à aucun parti.

Le nouveau gouvernement du Burundi a été élu en août 2005, après une décennie de guerre civile et un long processus de transition politique. Les nouveaux responsables du pays appartenaient auparavant au plus grand groupe rebelle du pays, le CNDD-FDD. Le groupe rebelle des FNL, dirigé par Agathon Rwasa, continue de s’opposer à l’armée burundaise tout en appelant au début des négociations de paix.

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