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En réponse aux menaces que faisaient peser les milices progouvernementales ivoiriennes sur les Français de Côte d'Ivoire, Paris a déployé des renforts de soldats pour protéger ses quelque dix mille ressortissants et procédé à un début d'évacuation. Mais ceux-ci sont loin d'être les seuls à courir des risques. Après leur départ, qu'arrivera-t-il si ces mêmes miliciens tournent leur rage contre tous ceux qu'ils considèrent comme partisans de la rébellion ou de l'opposition politique ? En ce cas, la force de maintien de la paix des Nations unies, en place depuis avril 2004, devra agir avec autant de détermination et protéger ce groupe vulnérable, souvent pris pour cible dans le passé.

À l'ouest d'Abidjan, dans la boucle du cacao, l'ombre de la violence ethnique rôde. À Gagnoa, un groupe bété, l'ethnie du président Laurent Gbagbo, s'est attaqué au quartier dioula, terme générique qui désigne pêle-mêle les Ivoiriens du Nord, les musulmans et les immigrés ouest-africains. Alors que les pillages battaient leur plein, cinq personnes auraient été tuées. En dépit des deux accords de paix conclus sous l'égide de la communauté internationale, les membres des milices - la plus grande est connue sous le nom de « Jeunes patriotes » - ont reçu, ces derniers mois, un entraînement militaire. On les tient pour responsables de nombreuses violations des droits humains, notamment en mars dernier, à Abidjan, où 120 manifestants sont morts. Le 4 novembre, ils ont attaqué l'hôtel qui abrite les ministres des Forces nouvelles, pillé et brûlé les bureaux de deux journaux d'opposition. Le 7 novembre, Gbagbo leur a demandé de rentrer chez eux. Dès le lendemain matin, ils étaient à nouveau sur les ondes et dans la rue. Si le pouvoir ne les contrôle pas, les Casques bleus doivent continuer à protéger les civils.

Il faut que la force de maintien de la paix fasse sentir sa présence dans les quartiers peuplés par les Dioulas et, de façon urgente, dans les villes de l'ouest de la boucle du cacao. Elle doit également surveiller la radio nationale pour éviter les appels à l'émeute. Le Conseil de sécurité des Nations unies étudie une nouvelle résolution sur la Côte d'Ivoire. Une des clauses pourrait requérir « des autorités ivoiriennes de mettre un terme à toutes les émissions de radio et de télévision qui incitent à la haine, à l'intolérance ou à la violence ». Pour chasser le spectre du conflit interethnique, la communauté internationale doit approuver cette mesure et s'assurer que la Côte d'Ivoire la met en pratique. Chargés par mandat de « protéger les civils contre toute menace ou violence physique », les Casques bleus ont donc pour mission de protéger les personnes vulnérables, de la même façon que les Français se sont occupés de leurs propres concitoyens.

Corinne Dufka est spécialiste de l'Afrique de l'Ouest pour l'organisation de protection des droits de l'homme Human Rights Watch.

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