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Nous souhaitons nous adresser à vous à propos de la prochaine réunion du Conseil d'Association UE/Tunisie qui devait se tenir le 10 avril. L'accord d'association, signé le 17 juillet 1995 par la Communauté européenne et les Etats membres de l'UE, d'une part, et par la République de Tunisie d'autre part, et qui est entré en vigueur le 1er mars 1998, comprend une clause concernant les droits de l'Homme qui lie juridiquement les parties (article 2). Cette clause stipule que tant les relations entre les parties que l'ensemble des dispositions de l'accord lui-même, sont fondées sur le respect des droits de l'Homme et des principes démocratique, qui guident leur politique interne et internationale, et constitue un élément essentiel de l'Accord.

Nos organisations estiment que le Conseil des Ministres de l'UE et la Commission européenne se doivent d'aborder de manière concrète les importantes préoccupations que soulève la situation des droits de l'Homme en Tunisie dans le cadre du Conseil d'Association, et qu'il leur revient de mettre en place un mécanisme qui puisse assurer le suivi nécessaire de cette situation, de manière à en susciter et à en vérifier l'amélioration.

La détérioration de la situation des droits de l'Homme en Tunisie (voir document ci-joint) depuis que l'Accord d'association entre la Tunisie et l'UE est entré en vigueur constitue un véritable défi quant au bien fondé de la politique européenne à l'égard de ce pays, mais également, de manière plus large, à l'égard de la région méditerranéenne. La manière dont l'UE agit à cet égard vis-à-vis de la Tunisie, le premier pays avec lequel un accord d'association est entré en vigueur, aura valeur de précédent quant à sa crédibilité et à son efficacité dans sa manière d'aborder les questions relatives aux droits de l'Homme avec ses autres partenaires méditerranéens.

Comme a pu le noter la Commission européenne elle-même dans sa communication récente relative au renforcement du processus de Barcelone du 6 septembre 2000, les droits de l'Homme, la démocratie, la bonne gouvernance et l'état de droit devraient faire l'objet de discussions régulières avec les partenaires, et notamment au sein du Conseil d'Association. La Commission déclare "Cela pourrait amener à la mise en place de groupes de travail conjoints sur les droits de l'Homme" … qui "viseraient à s'entendre sur un certain nombre de repères concrets et de critères objectifs qui devraient être passés en revue au sein des différents Conseils d'association.... La coopération dans le domaine des droits de l'Homme, de la bonne gouvernance et de l'état de droit devrait avoir pour objectif principal la création d'un climat dans lequel les ONGs pourraient travailler de manière productive."

En sa résolution du 14 décembre 2000, le Parlement européen a exprimé son inquiétude quant à la situation des droits de l'Homme et a appelé la Conseil et la Commission " à faire usage de tous les moyens prévus par l'accord d'association entre l'UE et la Tunisie pour assurer le respect des libertés démocratiques et des droits de l'Homme et, en ce qui concerne la prochaine réunion du Conseil d'association UE-Tunisie, d'examiner, en particulier, la situation des droits de l'Homme en Tunisie et les restrictions apportées aux activités des associations indépendantes, dans le contexte du programme MEDA-Démocratie ".

Dans une résolution antérieure adoptée le 15 juin 2000, le Parlement européen insistait sur le fait que la promotion des droits de l'Homme, de la démocratie, des libertés fondamentales, de l'état de droit et d'une gestion saine des affaires publiques constitue un élément essentiel de l'Accord d'association UE-Tunisie, en vue de créer un corps de valeurs partagées. Dans cette résolution, le Parlement européen exprimait son inquiétude quant à la situation des droits de l'Homme en Tunisie et appelait le Conseil d'Association à mener à bien dès que possible une évaluation commune du respect des droits de l'Homme en Tunisie, de manière à impliquer les deux parties à aborder le sujet, et demandait à la Commission de présenter au Parlement un rapport sur l'évolution de la situation des droits de l'Homme en Tunisie.

Le 25 janvier 2001, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme de la République française priait le gouvernement français d'encourager ses partenaires européens à prendre des mesures qui puissent assurer un suivi de la situation des droits de l'Homme en Tunisie dans le cadre de l'Accord d'association (article 2), notamment à l'occasion de la prochaine réunion du Conseil d'association.

Dans ce contexte, et à la lumière des attaques et des restrictions de plus en plus graves que subissent les défenseurs des droits de l'Homme de la part des autorités tunisiennes, Amnesty International, Avocats sans Frontières, la Fédération Internationale des Ligues des droits de l'Homme, Human Rights Watch, l'Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l'Homme, l'Organisation Mondiale Contre la Torture, Reporters sans Frontières, le Réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme, et le Service International des droits de l'Homme demandent instamment à l'Union européenne qu'elle réclame de la Tunisie qu'elle remplisse ses obligations qui découlent de l'Accord d'association et des instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme, notamment en:

-libérant toutes les personnes détenues ou emprisonnées uniquement pour avoir exercé de manière non violente leur liberté d'expression, d'association ou de réunion;

-restituant leur liberté de circulation à toutes les personnes qui sont privées arbitrairement de leur passeport ou à qui il est interdit de quitter le pays;

-mettant fin à toute forme de harcèlement à l'encontre des défenseurs des droits de l'Homme et de leur famille, notamment, entre autres mesures, en leur restituant leurs passeports, et en rétablissant les services de téléphone et de fax dont ils ont été privés; en mettant fin aux surveillances policières qui constituent manifestement des formes d'intimidation; et en autorisant toutes les organisations indépendantes de droits de l'Homme, en ce compris le Conseil National des Libertés en Tunisie (CNLT) et la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH) à agir dans la légalité et librement, conformément à la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'Homme des Nations Unies.

-en instaurant des mesures efficaces de prévention contre l'usage de la torture à l'encontre de personnes détenues par la police;

-en instaurant un système crédible et transparent chargé de mener des enquêtes sur les abus, et d'assurer que les auteurs de violations des droits de l'Homme soient identifiés et traduits en justice.

-En invitant en Tunisie la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies sur les Défenseurs des droits de l'Homme

De plus, la Tunisie devrait être instamment priée de ne pas faire obstacle aux efforts que la Commission européenne mène pour accorder un soutien financier aux associations tunisiennes non-gouvernementales qui en font la demande. L'indépendance de la Commission quant aux décisions liées au programme MEDA-démocratie devrait être pleinement reconnue par les partenaires méditerranéens.

L'article 2 de l'Accord euro-méditerranéen d'association UE-Tunisie offre un fondement pour la mise en place de programmes d'encouragement à la protection et à la promotion des droits de l'Homme. Par conséquent, nous demandons instamment à l'UE de s'assurer que la coopération bilatérale qu'elle entretient avec la Tunisie inclue une composante importante visant au renforcement des droits de l'Homme et de l'état de droit.

En outre, l'article 2 de l'Accord euro-méditerranéen d'association UE-Tunisie prévoit également des actions concrètes en cas d'abus graves et soutenus. Nous estimons donc que la pleine mise en œuvre de l'Accord d'association avec la Tunisie exige que l'Union européenne soulève certaines préoccupations concrètes en matière de droits de l'Homme, et fasse pression afin d'obtenir des améliorations qui puissent être vérifiées sur la base des recommandations énumérées plus haut ainsi que des recommandations énoncées par les organes des Nations Unies.

Nous demandons donc au Conseil des Ministres de l'Union européenne et à la Commission européenne de mettre en place des mécanismes concrets à même d'évaluer régulièrement le respect de l'article 2 par toutes les parties à l'Accord euro-méditerranéen d'association. Ces mécanismes devraient comprendre:

-le contrôle régulier et impartial des développements dans le domaine des droits de l'Homme et des libertés fondamentales sur le territoire de chacune des parties contractantes;

-le contrôle de la mesure dans laquelle les défenseurs des droits de l'Homme sont libres d'agir et de s'exprimer pour défendre les droits d'autres personnes;

-l'émission de recommandations spécifiques dont le respect puisse être mesuré régulièrement, et qui visent à améliorer la situation des droits de l'Homme, en prenant en compte les recommandations émises par les organes des Nations unies à propos du pays en cause;

-des démarches appropriées à l'égard des pays concernés en vue de la résolution de situations individuelles dans lesquelles des violations de droits de l'Homme fondamentaux ont eu lieu ;

-l'insertion de l'évaluation du respect de l'article 2 comme point spécifique à l'ordre du jour de toutes les réunions organisées conformément à l'Accord, et en particulier, les réunions du Conseil d'Association ; et

-Encourager le gouvernement tunisien à ce qu'il invite la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies sur les Défenseurs des droits de l'Homme à effectuer une visite en Tunisie.

Ce sont là les raisons qui nous amènent à vous demander instamment de faire en sorte que le Conseil d'association qui devait se tenir le 10 avril prenne place dans les plus brefs délais. La prochaine réunion du Conseil d'Association ne peut se permettre d'être une nouvelle occasion manquée mais devrait, au contraire, constituer le point de départ d'un processus visant à aborder de manière efficace les problèmes des droits de l'Homme en Tunisie . A cette fin, elle devrait arrêter des points de repère détaillés qui pourront servir d'instruments d'évaluation pour les futures réunions liées à l'Accord d'association.

Nous vous remercions vivement de l'attention que vous voudrez bien réserver à la présente et vous prions d'agréer l'expression de notre haute considération.

Amnesty International EU Office Rue du Commerce 70-72 B-1040 Bruxelles
Tel +3225021499 / Fax: +322 5025686 - e-mail: doosting@aieu.be

Avocats Sans Frontières rue de l'Enseignement, 91, B-1000 Bruxelles
Tél ++32 2 223 36 54 / Fax ++32 2 223 36 14 - e-mail : info@asf.be

Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme (FIDH) - 17, Passage de la Main d'Or 75011 Paris - Tel: +33143552518 / Fax: +33143551880 - e-mail: fidh.bruxelles@linkline.be

Human Rights Watch 15, Rue van Campenhout 1000 Brussels
Tel: +3227322009 / Fax: +3227320471 e-mail: hrwbe@hrw.org

Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l'Homme (FIDH/OMCT)
e-mail: observatoire.paris@wanadoo.fr

Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) 8 rue du Vieux-Billard, Case p)ostale 21, 1211 Genève 8 - tel : +41 22 809 49 39 / fax : 00 41 22 809 49 29

Reporters sans frontières 5, rue Geoffroy-Marie F-75009 Paris -
Tel : +33144838471 - Fax : +33145231151 - e-mail : moyen-orient@rsf.fr

Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l'Homme - Wilders Plads 8H - DK-1403 Copenhagen K Tel: +45.32.69.8910 / Fax: +45.32.69.8901 - e:mail: posten@euromedrights.net

Service International des Droits de l'Homme 1, rue de Varembé - P.O. Box 16 - CH - 1211 Geneva 20 CIC - Tel : +41 22 733 51 23 - Fax: +41 22 733 08 26 - E-mail: hrdo@worldcom.ch

Copie :
Mme Catherine von Heidenstam, Ministère des Affaires étrangères, Suède
M. Goblet d'Alviella, Ministère des Affaires étrangères, Belgique
M. Alberto Navarro, Cabinet du Haut représentant de l'Union européenne
Mme Gonzalez Durantez, Cabinet du Commissaire Chris Patten
Mme Vicky Bowman, Cabinet du Commissaire Chris Patten
M. Alexandre Zafiriou, Secrétariat général du Conseil
M. Lothar Jaschke, Secrétariat général du Conseil
Mme van den Heuvel, Secrétariat général du Conseil
M. Jan Thesleff, Représentation permanente de la Suède auprès de l'UE
M. Raimon Obiols, Président de la Délégation du Parlement européen pour les relations avec les pays du Maghreb
M. Elmar Brok, Président de la Commission du Parlement européen pour les affaires étrangères, les droits de l'Homme, la sécurité commune et la politique de défense

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