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EAU : Procès inique de défenseurs des droits

Les autorités devraient mettre fin à l’isolement cellulaire prolongé de certains accusés, et abandonner les poursuites à leur encontre

In this Aug. 25, 2016 file photo, human rights activist Ahmed Mansoor speaks to Associated Press journalists in Ajman, United Arab Emirates. © 2016 AP Photo/Jon Gambrell

(Beyrouth, 29 avril 2024) – Un procès collectif inéquitable tenu actuellement aux Émirats arabes unis (EAU) soulève de graves préoccupations en matière de procédure régulière, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. De nombreux accusés ont été détenus en isolement cellulaire prolongé, pratique susceptible de constituer un acte de torture.

En décembre 2023, alors même que les EAU accueillaient la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP28), les autorités émiraties ont porté des accusations contre au moins 84 personnes, en guise de représailles pour leur participation à la création d'une organisation indépendante de plaidoyer en 2010. Parmi les accusés figurent d'éminents militants et dissidents qui purgent déjà de longues peines de prison en raison de précédentes accusations abusives, notamment l’éminent défenseur des droits humains Ahmed Mansoor, l’universitaire Nasser bin Ghaith, l’homme d’affaires Khalaf al Romaithi, et plusieurs personnes condamnées à la suite d’un précédent procès collectif inéquitable tenu en 2013 (procès « UAE94 ») ; beaucoup d’entre eux ont été détenus arbitrairement même après avoir purgé leur peine.

« Ce procès de masse inéquitable est une farce, et les allégations de torture et de violations flagrantes des normes de procès équitables mettent en évidence l’absence d’état de droit et de justice aux Émirats arabes unis », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur les Émirats arabes unis à Human Rights Watch. « Les autres pays, entreprises et célébrités mondiales ayant conclu des partenariats avec les Émirats arabes unis devraient appeler d’urgence à la fin de ces abus, et à la libération immédiate des militants des droits humains comme Ahmed Mansoor. »

Parmi les préoccupations en matière de procédure régulière pour ce procès collectif figurent l’accès restreint aux pièces du dossier, aux informations sur les affaires et à l’assistance juridique ; la manière dont les juges tentent d’influencer des témoignages ; les violations du principe de la double incrimination ; des allégations crédibles de graves abus et de mauvais traitements ; et le maintien de secrets concernant les audiences.

Dans un communiqué publié le 6 janvier, les autorités émiraties ont annoncé avoir inculpé les 84 accusés de « création et gestion d’une organisation terroriste clandestine », le Comité Justice et Dignité. Les accusations semblent provenir de la loi antiterroriste abusive de 2014 des Émirats arabes unis, qui prévoit des peines allant jusqu'à la prison à vie, voire la mort, pour quiconque crée, organise ou dirige une « organisation terroriste clandestine ».

Entre fin mars et fin avril 2024, Human Rights Watch a mené à distance des entretiens avec des sources bien informées et des représentants du Centre de plaidoyer en faveur des détenus émiratis (Emirates Detainees Advocacy Centre, EDAC).

Les recherches de Human Rights Watch indiquent que de nombreux accusés ont été maintenus en isolement cellulaire pendant au moins 10 mois. Les communications téléphoniques et les visites familiales ont été interdites durant des périodes comprises entre 10 mois et un an, à l'exception de brefs appels téléphoniques en décembre 2023, lors desquels les accusés ont pu appeler leurs proches pour les informer des nouvelles inculpations, et leur demander d'engager des avocats.

Au cours du procès, les accusés ont décrit à plusieurs reprises des conditions de détention abusives, notamment des agressions physiques, le manque d'accès aux soins médicaux, l’exposition à une musique incessante à volume élevé, et des cas de nudité forcée.

Ce procès de masse inéquitable est mené de manière partiellement secrète, les autorités émiraties ayant empêché les avocats des accusés d’accéder librement aux dossiers et aux documents judiciaires. Selon des proches des accusés, les avocats n'ont apparemment pas pu obtenir des copies physiques ou électroniques des documents judiciaires ; ils ne peuvent visualiser les documents que sur un écran dans une pièce sécurisée, sous la supervision d'agents de sécurité. Des sources bien informées ont indiqué que les avocats ne sont pas autorisés à prendre des photos des documents, et doivent écrire leurs notes manuellement.

Les autorités émiraties ont également empêché les proches des accusés d'assister librement au procès. Lors de certaines audiences, les autorités n'ont pas autorisé les proches à entrer dans la salle d'audience ; ils ont été redirigés vers une autre salle où le déroulement de l’audience était visible sur un écran, mais sans son, donc sans possibilité d’écouter les débats.

Au moins 60 accusés ont déjà été condamnés en 2013 pour leur implication au sein du Comité Justice et Dignité, selon l'EDAC. Cela suscite des inquiétudes quant au fait que les autorités émiraties violent le principe de la double incrimination, qui interdit de juger une personne deux fois pour le même délit après que le verdict ait été prononcé.

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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