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Le président de la Commission nationale tchadienne des droits humains destitué à un moment critique

Mahamat Nour Ahmat Ibédou garantissait l’indépendance de l’instance nationale des droits humains

Mahamat Nour Ibédou (au centre), dirigeant de la société civile tchadienne, assiste à une conférence de presse à N'Djamena, au Chad, le 5 février 2018. © 2018 AFP via Getty Images

La semaine dernière, un éminent défenseur des droits humains, Mahamat Nour Ahmat Ibédou, a été destitué de ses fonctions de président de la Commission nationale des droits humains. Son départ est un coup dur pour un pays sur le point de tenir des élections présidentielles.

Le 20 octobre 2022, les forces de sécurité tchadiennes ont tiré à balles réelles sur des manifestants, tuant et blessant nombre d’entre eux. Des centaines d’hommes et de garçons ont été arrêtés et beaucoup conduits à Koro Toro, une prison de haute sécurité située à 600 kilomètres de N’Djamena, la capitale du pays. Le gouvernement de transition a dans les faits ignoré les abus, présentant les manifestants comme des insurgés. Seul un organisme gouvernemental, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), a eu le courage de publier un compte rendu véridique de cette journée.

Dans son rapport rendu public en février 2023, il est indiqué que 128 personnes ont été tuées et 518 blessées ce jour-là, que de nombreuses personnes ont nommé « jeudi noir ». La Commission a constaté que les forces de sécurité « avaient systématiquement violé plusieurs droits humains fondamentaux… [en utilisant] des moyens disproportionnés » pour réprimer les manifestations. La Commission a posé plusieurs questions au gouvernement, notamment pourquoi aucune enquête judiciaire n’avait été ouverte sur des violations des droits humains. Le rapport a également fait des recommandations aux autorités militaires de la transition, notamment celle de poursuivre en justice les responsables de ces violations.

Peu après la publication du rapport, le président de la Commission, Ibédou, a subi des pressions. Avant de rejoindre le CNDH, il avait été secrétaire général de la Convention Tchadienne de Défense des Droits de l’Homme (CTDDH) et avait été persécuté par les gouvernements d’Hissène Habré et d’Idriss Déby Itno avant sa mort en 2021. Il avait été arrêté à plusieurs reprises sous le régime de ce dernier pour son travail au sein de la société civile. Malgré les intimidations et le harcèlement, il est connu dans tout le pays pour faire passer les droits humains avant la politique et pour militer pour l’établissement des responsabilités.

La semaine dernière, Ibédou a été exclu du CNDH, dans une décision qui, bien qu’autorisée par la Cour suprême du pays, est considérée par des personnes interrogées comme étant politiquement motivée. Il a été démis de ses fonctions alors que les élections présidentielles du pays, prévues en octobre, ont été repoussées au mois de mai de cette année.

Le renvoi d’Ibédou est une perte pour le Tchad. Les gouvernements qui prétendent soutenir les droits humains devraient défendre un CNDH indépendant, avec à sa tête des personnalités indépendantes comme lui. Autrement, il se pourrait bientôt qu’il n’y ait plus d’organisations suffisamment fortes pour défendre les droits humains dans ce pays et y faire respecter l’État de droit.

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