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Le moment #MeToo du Cameroun

Les autorités devraient garantir l’ouverture d’enquêtes, protéger et accompagner les victimes

Une policière de la circulation dans le centre-ville de Yaoundé, au Cameroun, le 9 octobre 2018. © 2018 Zohra Bensemra/Reuters

Au cours des dix derniers jours, le mouvement #MeToo a connu une résurgence au Cameroun, alors que des dizaines de femmes et d’hommes se sont tournés vers les réseaux sociaux pour relater leurs expériences de harcèlement sexuel, d’agression et d’autres abus qu’ils ont subis – tous aux mains du même prédateur présumé.

Le 19 janvier, le lanceur d’alerte camerounais @N’ZUI MANTO a publié le récit anonyme d’une victime accusant l’homme d’affaires bien connu Hervé Bopda de harcèlement sexuel. Peu de temps après, d’autres femmes, hommes, filles et garçons ont partagé sur Twitter et Facebook – principalement via des comptes anonymes – leurs propres allégations d’abus commis par Hervé Bopda, notamment du harcèlement sexuel, des viols, des enlèvements, des passages à tabac et des menaces.

@N’ZUI MANTO a indiqué avoir reçu plus de 1 000 témoignages de victimes et de témoins d’abus remontant à 20 ans. Dans un cas, une victime a déclaré que Hervé Bopda l’avait enchaînée à un lit et l’avait privée de nourriture et d’eau pendant deux jours. @N’ZUI MANTO explique également que Hervé Bopda bénéficie de « relations influentes » et a publié des photos de lui avec des membres haut placés des forces de sécurité camerounaises. Les accusations ont rapidement été diffusées dans les médias.

Des allégations de harcèlement sexuel ont déjà été relayées sur les réseaux sociaux au Cameroun, mais cette fois, le mouvement prend de l’ampleur alors que de plus en plus de personnes se manifestent. « C’est vraiment un moment #MeToo, car il met en lumière une culture d’hommes puissants s’attaquant à des jeunes gens vulnérables en raison de leur pauvreté et de leur manque de soutien social », a déclaré Kah Walla, une éminente défenseuse des droits humains et femme politique camerounaise.

Si la violence sexuelle est omniprésente au Cameroun, les ressources pour fournir un soutien médical et psychosocial aux survivant·e·s sont elles limitées.

Les allégations contre Hervé Bopda ont provoqué un tollé et une mobilisation publique. Une pétition en ligne appelant à son arrestation a recueilli plus de 20 600 signatures et des avocats ont été mis à disposition pour aider les victimes qui souhaitent intenter une action en justice. Au moins trois plaintes ont déjà été déposées contre Hervé Bopda.

Après plus de dix jours de silence et sans que l’on sache si les allégations faisaient l’objet d’une enquête, la police a arrêté Hervé Bopda le 30 janvier.

Les autorités doivent maintenant mettre en place une procédure judiciaire équitable et impartiale qui respecte à la fois les droits de la défense de Hervé Bopda et les droits des victimes. L’objectif ultime est, toutefois, de garantir une tolérance zéro pour les violences sexuelles à l’avenir, y compris en renforçant le système judiciaire de manière à ce qu’il puisse traiter correctement les allégations de violences sexuelles. Des enquêtes efficaces concernant Hervé Bopda et un meilleur suivi médical et psychosocial pour les survivant·e·s seraient un bon début.

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