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En RD Congo, la Fondation de la Première dame accuse des militants de la Lucha

Deux membres du mouvement citoyen poursuivis suite aux allégations du groupe sur des détournements

Parfait Muhani (à gauche) et Ghislain Muhiwa © Privé (2)

Cela fait trois mois aujourd’hui que les autorités congolaises ont placé en détention Parfait Muhani, un militant pro-démocratie âgé de 31 ans, à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, à la suite d’une plainte déposée par une fondation créée par l’épouse du président du pays, Félix Tshisekedi.

Muhani, membre du mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha), risque la peine de mort pour « association de malfaiteurs » pour avoir prétendument « formé une association dans le but d’attenter aux personnes ou aux propriétés » et pour diffamation pour un tweet dénonçant un détournement de biens qui impliquerait des membres du personnel de cette fondation. Le procès devrait débuter dans le courant de ce mois-ci. La peine de mort n’est plus appliquée en RD Congo depuis deux décennies, mais Muhani encoure toutefois la perpétuité.

La confrontation entre la Fondation Denise Nyakeru Tshisekedi, du nom de la Première dame congolaise, et les activistes a débuté en juin, lorsque la Lucha a accusé des fonctionnaires du territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu, et des responsables de la Fondation, d’avoir détourné des biens destinés aux personnes déplacées par l’éruption volcanique du Nyiragongo. Alors qu’un fonctionnaire de Rutshuru et son associée ont été poursuivis et condamnés, la Fondation n’a fait l’objet d’aucune enquête.

Au contraire, la Fondation a déposé plainte contre des membres de la Lucha, et les autorités ont arrêté Muhani à Goma le 6 juillet. Le 22 août, les autorités ont arrêté un autre militant de la Lucha, Ghislain Muhiwa, âgé de 31 ans, le jour de son mariage coutumier. Un mandat d’amener a aussi été lancé contre un troisième membre du mouvement, Espoir Ngalukiye.

« On pensait que la justice allait [également] se saisir des responsables [au sein de la Fondation] pour ces détournements [présumés] », nous a dit Muhiwa. « Malheureusement, ça a été autre chose. »

En vertu de l’état de siège actuellement en vigueur au Nord-Kivu, Muhani et Muhiwa seront jugés devant un tribunal militaire, contrairement aux dispositions de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, qui stipule que les civils ne devraient jamais être jugés devant des juridictions militaires.

Muhani et Muhiwa avaient déjà été pris pour cible dans le passé pour leur activisme. Tous deux ont été détenus pendant des mois en 2016 et 2018 à la prison centrale de Goma pour avoir manifesté pacifiquement lors du maintien au pouvoir de l’ancien président Joseph Kabila au-delà de la limite constitutionnelle de deux mandats.

Au cours de l’année écoulée, Human Rights Watch a documenté des dizaines de cas impliquant des agents de l’État et des forces de sécurité ciblant des activistes critiques envers le gouvernement, notamment d’autres membres de la Lucha et des lanceurs d’alerte.

Les procureurs congolais devraient cesser de répondre aux accusations de corruption en poursuivant ceux-là même qui les portent. Plutôt que de prendre pour cible les messagers, les autorités devraient enquêter sur les allégations de la Lucha sur le détournement de l’aide et prendre les mesures adéquates.

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