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CPI : L’affaire contre le dirigeant rebelle rwandais doit être poursuivie

Le rejet de la demande de mandat d’arrêt à l’encontre de Sylvestre Mudacumura ne préjuge pas des crimes commis en RDC

(Bruxelles) – Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) doit de toute urgence présenter les informations demandées par la Cour dans l’affaire contre un dirigeant rebelle rwandais dont les forces continuent de commettre des atrocités dans l’est de la République démocratique du Congo, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le 31 mai 2012, les juges de la CPI ont conclu à l’unanimité que la demande de mandat d’arrêt à l’encontre de Sylvestre Mudacumura manquait de clarté et de spécificité, mais ils ne se sont pas prononcés sur le fond de l’affaire.

« Sylvestre Mudacumura ne doit pas penser un seul instant qu’il peut échapper à la justice pour les crimes graves commis par ses forces contre des civils congolais, » a déclaré Géraldine Mattioli-Zeltner, directrice du plaidoyer en faveur de la justice internationale à Human Rights Watch. « Il est crucial que le procureur de la CPI fournisse sans tarder aux juges les informations complémentaires nécessaires pour la délivrance d’un mandat d’arrêt. »

Sylvestre Mudacumura est le commandant militaire des Forces démocratiques de Libération du Rwanda ou FDLR, un groupe armé composé essentiellement de Hutus rwandais, parmi lesquels des personnes ayant pris part au génocide de 1994 au Rwanda. Les FDLR opèrent dans l’est de la République démocratique du Congo, sous différentes appellations, depuis 1994. Sylvestre Mudacumura est responsable des opérations militaires des FDLR depuis 2003.

Le 15 mai, le procureur de la CPI a demandé à la Chambre préliminaire II la délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre de Sylvestre Mudacumura pour neuf chefs d’accusation de crimes de guerre et cinq chefs d’accusation de crimes contre l’humanité concernant son rôle dans les meurtres, les mutilations, les actes inhumains, les viols, la torture et les pillages commis en 2009 et 2010 par les troupes sous son commandement dans les provinces du Kivu dans l’est de la République démocratique du Congo.

La décision de la Cour de ne pas examiner la demande est fondée sur la façon dont les informations de l’accusation sont présentés dans le document, et non sur la qualité réelle des preuves réunies ni sur la responsabilité présumée de Sylvestre Mudacumura dans ces crimes. Les juges de la Chambre préliminaire de la CPI ont déclaré que la demande manquait de clarté et de spécificité. Par exemple, les juges ont indiqué que les dates et les lieux spécifiques des actes criminels présumés étaient parfois manquants ou que le dossier ne faisait pas toujours apparaître clairement les crimes dont l'accusation suspecte Sylvestre Mudacumura d’être l’auteur en rapport avec des faits spécifiques. On s’attend à ce que le procureur remette les informations demandées à la Cour.

« La décision rendue sur la demande de mandat d’arrêt ne doit pas être interprétée comme un rejet des allégations à l’encontre de Mudacumura, » a expliqué Géraldine Mattioli-Zeltner. « Le personnel chargé de la sensibilisation et de l’information du public de la CPI doit tout mettre en œuvre pour expliquer aux populations de l’est de la République démocratique du Congo que l’affaire est toujours en cours. »

En 2009, les FDLR ont mené des attaques généralisées et particulièrement violentes contre des civils après que l’armée congolaise ait lancé une opération militaire contre le groupe avec l’appui de l’armée rwandaise et des forces de maintien de la paix des Nations Unies. Human Rights Watch a documenté de nombreux meurtres délibérés de civils, y compris ceux de beaucoup de femmes, d’enfants et de personnes âgées, par les combattants des FDLR, qui tuaient leurs victimes avec des machettes et des binettes. Les combattants des FDLR ont également pillé et incendié des maisons, parfois alors que les victimes étaient enfermées à l’intérieur. Les viols et d’autres violences sexuelles étaient répandus.

Les activistes des droits humains locaux, les Nations Unies, et d’autres ont récemment rapporté que les FDLR ont déclenché une nouvelle vague de violences en décembre 2011, en attaquant des villes et des villages dont des habitants avaient été accusés de soutenir leurs ennemis. En mai, les combattants des FDLR ont attaqué des civils à Kamananga et à Lumenje, près de Bunyakiri dans la province du Sud-Kivu, ainsi qu’à Chambucha, dans le territoire de Walikale et dans des villages de la région d’Ufumandu dans le territoire de Masisi, dans la province du Nord-Kivu. Lors de ces attaques, les combattants des FDLR armés de machettes et de couteaux ont tué des dizaines de civils, dont de nombreux enfants.

Deux dirigeants politiques des FDLR, Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni, sont actuellement en procès devant un tribunal pénal en Allemagne, accusés d’appartenir à une organisation terroriste et d’assumer la responsabilité du commandement dans le cadre de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés par les FDLR dans l’est de la République démocratique du Congo en 2009. Le secrétaire exécutif des FDLR, Callixte Mbarushimana, avait été arrêté en France en octobre 2010 sur un mandat d’arrêt émis par la CPI, mais les juges de la Chambre préliminaire ont refusé de confirmer les charges pesant contre lui en raison du manque de preuves suffisantes. Il a été remis en liberté par la Cour en décembre 2011.

« Les commandants militaires des FDLR en République démocratique du Congo n’ont pas eu à craindre de poursuites judiciaires pour les crimes graves qu’ils ont commis, ce qui a encouragé de nouvelles attaques contre des civils, » a déclaré Géraldine Mattioli-Zeltner. « Le procureur de la CPI a un rôle fondamental à jouer pour mettre un terme à cette impunité et pour garantir que les procès se déroulent efficacement. »

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