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Grèce : Il faut mettre fin aux conditions de détention inhumaines des migrants

Les autorités grecques devraient transférer les détenus, protéger les enfants non accompagnés et les héberger convenablement

(Bruxelles, le 6 décembre 2010) - Les autorités grecques devraient sans délai transférer les migrants retenus dans des lieux de détention surpeuplés et aux conditions inhumaines de la région d'Evros vers des locaux vides situés sur l'île de Samos, et protéger les 120 enfants migrants non accompagnés qui en font partie, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Ces migrants sont arrivés en Grèce par la Turquie au cours des semaines et des mois qui viennent de s'écouler et sont originaires de pays tels que l'Afghanistan, l'Erythrée, l'Irak, l'Algérie, la Syrie, l'Iran et le Maroc.


Le nombre de migrants qui arrivent dans le nord de la Grèce par la Turquie a considérablement augmenté en 2010. Parmi eux se trouvent des demandeurs d'asile, des enfants non accompagnés, des femmes seules et des familles avec de jeunes enfants. Human Rights Watch a effectué des recherches dans la région du Nord de la Grèce pendant la première semaine de décembre et a constaté une surpopulation telle que les détenus ne pouvaient même pas s'allonger pour dormir. Les femmes et les enfants sont entassés dans les mêmes cellules que des hommes. Les toilettes sont en nombre si insuffisant que les gardiens accompagnent parfois des détenus dans les champs voisins. Ces conditions mettent clairement en danger la santé et la sécurité des détenus, et constituent un traitement cruel et dégradant qui va à l'encontre des dispositions contraignantes du droit international, a déclaré Human Rights Watch.

« L'an dernier, les autorités grecques ont indiqué à Human Rights Watch qu'elles avaient transféré des migrants arrivés sur des îles dans le sud du pays, vers la région du nord afin d'éviter un phénomène de surpopulation dans le sud », a déclaré Simone Troller, chercheuse à Human Rights Watch. « Maintenant les autorités doivent résoudre ce problème de surpopulation dans le nord, qui génère des conditions dangereuses et insalubres. »

La Grèce devrait déplacer ses détenus dans les centres de détention plus spacieux situés sur ses îles, séparer les hommes des femmes et des enfants tout en respectant l'unité familiale et, lorsque cela est possible, chercher des solutions alternatives à la détention, a déclaré Human Rights Watch.


Lorsque la présidence belge de l'Union européenne abordera la situation des enfants non accompagnés à la frontière extérieure de l'UE au cours d'une conférence prévue à Bruxelles les 9 et 10 décembre 2010, la situation d'urgence en Grèce devrait absolument être traitée, a fait savoir Human Rights Watch.


Les migrants, en particulier ceux que les autorités grecques espèrent déplacer, sont placés en détention pendant plusieurs mois. Les gardiens disent parfois aux détenus qu'ils resteront plus longtemps emprisonnés s'ils remplissent une demande d'asile, selon des témoignages de détenus recueillis par Human Rights Watch. De nombreux migrants ont appris à Human Rights Watch qu'ils ne souhaitaient pas demander l'asile car cela entraînait une durée de détention plus longue et parce que presque toutes les demandes sont rejetées par la Grèce. Un demandeur d'asile originaire de Turquie a été gardé en détention presque quatre mois dans des conditions effroyables, dans un poste de police exigu et surpeuplé situé à Feres, dans le Nord de la Grèce.


Début décembre, 120 enfants migrants non accompagnés, parmi lesquels neuf filles, ont été décomptés au sein des 450 détenus du centre de détention de Fylakio-Kyprinou, que Human Rights Watch a visité. Ils avaient déjà passé un certain temps en détention, de plusieurs semaines à plusieurs mois, et devaient partager leur matelas avec des codétenus. Certains étaient enfermés avec des adultes et ne pouvaient sortir dans la cour que rarement.


En décembre, au moment de cette visite, plusieurs cellules étaient inondées par les eaux usées qui s'écoulaient de toilettes hors service. Il régnait un climat de tension dans le centre et, selon la police et les détenus, les dégâts subis par l'infrastructure étaient le résultat de fréquentes manifestations de violence. Un garçon non accompagné, âgé de 14 ans, nous a dit qu'il était resté enfermé là pendant 43 jours.


Des enfants restent en détention pendant des semaines ou des mois, en dépit de l'obligation qu'a la Grèce de les protéger et de ne recourir à la détention qu'en dernière mesure. Des représentants officiels ont déclaré à Human Rights Watch que les enfants sont gardés en détention jusqu'à ce qu'une place dans un centre d'accueil soit trouvée, car on ne peut les laisser se débrouiller seuls. Cependant, la Grèce n'a guère agi pour remédier au manque de places destinées aux enfants, en dépit des appels répétés lancés par plusieurs organisations internationales.

  
« Placer les enfants en détention n'est pas un moyen de les protéger », a déclaré Simone Troller. « Plutôt que de chercher à se justifier, les autorités grecques devraient mettre en place des réponses urgentes avec les autorités locales et les organismes de services sociaux pour prendre soin de ces enfants fragiles. »


Début novembre, Frontex, l'agence européenne des frontières extérieures, a pour la première fois depuis sa création, il y a cinq ans, déployé une équipe d'intervention rapide aux frontières composée de 175 personnes. Cette équipe, qui dispose d'appareils de détection de pointe, d'un hélicoptère, de chiens et de véhicules, vient en aide aux autorités grecques pour essayer de freiner le flux de migrants entrant en Grèce. Elle doit, en aidant les autorités grecques à identifier les migrants, agir dans le respect de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, même s'il manque dans le mandat de Frontex une obligation claire d'intervenir pour protéger ceux qui en ont besoin.


La Grèce est un des principaux points d'entrée pour ceux qui veulent se rendre en Europe. Parmi les migrants, on trouve des demandeurs d'asile ou des individus vulnérables, comme des enfants non accompagnés, des victimes de trafic ou de torture, que la Grèce a l'obligation de protéger des persécutions, de l'exploitation ou de la négligence. Les autorités grecques sont aussi tenues de traiter toute personne se trouvant sur son territoire de façon humaine, indépendamment du droit de celle-ci à rester ou non en Grèce.


« La mission de Frontex ne peut pas simplement ignorer la crise humanitaire qui touche les migrants de la région frontalière grecque », a conclu Simone Troller. « La Charte et les valeurs fondamentales de l'UE exigent que Frontex veille à ce que les migrants soient traités avec humanité. »


Si les autorités grecques ne parviennent pas à résoudre cette situation, Frontex devrait mettre un terme à sa collaboration avec ces dernières jusqu'à ce que les migrants présents sur cette frontière soient traités avec humanité, a déclaré Human Rights Watch. Les États membres de l'UE qui fournissent des membres à l'équipe d'intervention devraient demander à leurs gardes-frontière de se retirer de l'opération.


Human Rights Watch, les Nations Unies et différents organismes des droits humains européens ont à maintes reprises condamné avec force les conditions de détention des migrants dans cette partie de la Grèce. Malgré ces critiques répétées, la Grèce n'a pas fait grand chose pour que les besoins essentiels des détenus soient satisfaits et leurs droits protégés. Le pays a même modifié la loi pour allonger la durée de détention.


En outre, les recherches effectuées par Human Rights Watch font apparaître que le système grec entourant les demandes d'asile est défaillant. Seulement 0,04 % des demandes sont acceptées après un premier examen. Même si une procédure d'appel a récemment été mise en place, elle est engorgée par l'accumulation de plus de 45 000 demandes en cours. Il faudra des années à la Grèce pour réformer son système d'asile, afin de garantir à ceux qui en ont besoin une protection contre la persécution.

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