Skip to main content

Les forces russes ont violé et sexuellement agressé des femmes lors des opérations de cet hiver, en Tchétchénie, a dénoncé aujourd'hui Human Rights Watch.

Cinq femmes ont rapporté aux chercheurs de Human Rights Watch des cas de violences sexuelles subies au début de cette année. Trois de ces femmes ont tenté de signaler ces attaques aux autorités locales qui ont refusé de donner suite à leurs allégations.

Lors de ce qui fut appelé des opérations "de ratissage", quand les forces russes se sont livrées à des fouilles maison par maison à la recherche de personnes supposées impliquées dans les activités des rebelles tchétchènes, les habitants de sexe masculin ont souvent quitté leur village pour se rendre dans des lieux plus sûrs, afin de réduire le risque d'arrestation arbitraire, de torture et de "disparitions". Cependant, en l'absence d'hommes dans les maisons, les femmes se sont trouvées plus exposées à de possibles agressions sexuelles de la part des soldats.

Les barrières sociales et culturelles qui empêchent la dénonciation de la violence sexuelle sont importantes en Tchétchénie.

"Le gouvernement russe déclare au monde qu'un retour à la normale est en cours en Tchétchénie," a déclaré Elizabeth Andersen, Directrice Exécutive de la Division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch. "Mais le gouvernement n'a traduit personne en justice pour ces terribles actes de violence sexuelle."

Andersen a exhorté la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, actuellement en session à Genève, à adopter une résolution condamnant les abus russes en Tchétchénie. Au cours des deux dernières années, la Commission a adopté des résolutions sur le conflit en Tchétchénie formulées de façon ferme, condamnant les violations du droit international en matière de droits humains et du droit humanitaire et appelant la Russie à établir une commission nationale d'enquête et à traduire en justice les responsables d'abus de cette sorte. Le gouvernement russe a rejeté les deux résolutions. "Aset Asimova (nom d'emprunt), veuve de 43 ans a raconté à Human Rights Watch qu'elle était à la maison avec son fils de huit ans lorsque des soldats ivres ont fait irruption chez elle, début février. Trois d'entre eux l'ont emmenée dans une autre pièce alors que les autres se livraient au pillage de la maison. "Ils ont déchiré ma robe. Ils m'ont demandé où étaient les hommes, ils m'ont demandé depuis combien de temps j'étais sans mari." Les soldats lui ont ensuite demandé de se déshabiller et lorsqu'elle a lutté pour les repousser, ils l'ont battue avec les crosses de leurs fusils et l'ont violée. "Je ne sais pas combien parmi eux m'ont violée. J'ai perdu conscience quand cela se produisait. Quand je suis revenue à moi, ils me versaient de l'eau dessus… puis ils sont partis."

"Asimova" n'a pas rapporté son viol aux autorités. Les chercheurs de Human Rights Watch ont découvert que de nombreuses femmes expriment des réticences à rapporter des crimes d'agressions sexuelles, craignant disgrâce et représailles. Le premier geste "d'Asimova" après le départ des soldats fut de cacher ce qui s'était produit afin que son fils plus âgé ne puisse deviner le viol. "J'ai barbouillé mon nez et ma bouche de sang comme si j'avais été battue à ces endroits et que le sang venait de là. J'ai tout nettoyé, j'ai caché ma robe et j'en ai mis une propre."

D'autres femmes ont tenté de rapporter les agressions sexuelles qu'elles avaient subies mais ont découvert que les autorités locales entravaient leurs efforts. Le 29 janvier, lors d'une opération de ratissage, des soldats ont sexuellement agressé "Madina Magomedova" (nom d'emprunt) et ses sœurs, dans la maison de leurs parents. Les soldats étaient venus dans la maison de "Magomedova" un peu plus tôt ce même jour et elle soupçonne qu'ils sont revenus parce qu'ils savaient qu'aucun homme n'était présent.

"Ils voulaient me toucher, ils disaient que j'avais de jolies lèvres et qu'ils voulaient m'embrasser," a-t-elle raconté à Human Rights Watch. "Je savais ce qu'ils voulaient faire et j'ai commencé à résister. L'un des soldats a dit : "Attends un peu, salope, que je te baise." "Magomedova" a raconté à Human Rights Watch qu'elle n'avait pas été violée mais que les soldats l'avaient violemment battue quand elle luttait contre eux. Elle a dû passer trois jours alitée afin de récupérer.

Des soldats ont menacé les sœurs de "Magomedova" en sa présence et ont aussi tenté de forcer l'une d'entre elles à pratiquer une fellation. "Ils voulaient arrêter ma sœur plus âgée parce qu'elle n'a qu'un certificat temporaire d'enregistrement, pas un passeport interne. L'un d'eux a demandé si elle était mariée et quand elle a dit qu'elle était divorcée, ils lui ont demandé si elle "avait déjà taillé une pipe." Ils ont dit que "sa queue ne resterait dans sa bouche que cinq minutes," et "que ça serait bon pour tous les deux." "Magomedova" a porté plainte auprès du procureur pour agression sexuelle malgré les avertissements des soldats pour l'en empêcher et en dépit des tentatives d'un procureur local pour la dissuader d'aller plus avant dans cette affaire. Craignant des représailles, elle s'est finalement enfuie vers une autre ville.

Dans un autre cas, deux sœurs capturées début mars ont subi une agression sexuelle lors de leur détention. Des membres de leur famille ont convaincu les deux femmes de rapporter les mauvais traitements qu'elles avaient subis aux autorités de l'état. "Luiza Larsanova" (nom d'emprunt), jeune femme de 27 ans a été capturée le 4 mars 2002 et détenue dans deux sites différents avant d'être libérée le soir même. Des soldats ont menacé "Larsanova" de viol afin de lui soutirer par la force des informations sur les combattants tchétchènes.

Elle a raconté à Human Rights Watch : "D'abord, ils m'ont battue et c'était déjà dur. Mais ensuite, ils ont dit qu'ils allaient me violer. C'était pire. J'étais assise sur une chaise et l'un d'entre eux m'a attrapée par derrière et a commencé à me caresser comme pour me calmer, mais vraiment, c'était terrifiant. Il disait : 'Oh, tu es si douce, si petite.' Je portais de longs sous-vêtements en laine sous ma jupe et il m'a dit de les enlever ainsi que ma jupe. Je pleurais et je leur ai dit que je n'avais rien à leur raconter et de me laisser tranquille. J'étais pratiquement sur les genoux, le suppliant de ne pas me toucher."

"Larsanova" a raconté à Human Rights Watch que bien que les soldats aient tripoté ses seins et l'aient caressée, elle n'avait pas été violée.

"Tsatsita Timourova" (nom d'emprunt), la sœur de "Larsanova" âgée de 21 ans, capturée un jour auparavant a également raconté à Human Rights Watch que lors de sa détention, elle avait été battue, caressée et menacée mais n'avait pas subi de viol. Les soldats qui ont libéré les deux sœurs leur ont dit de ne pas porter plainte sur la façon dont elles avaient été traitées. "Larsanova" a pris contact avec des officiers de police locaux qu'elle connaissait personnellement et ceux-ci l'ont découragée de poursuivre sa démarche. "Quand j'ai essayé de leur dire ce qui s'était produit, ils ont dit que je devrais citer l'endroit où j'avais été retenue et qui m'avait détenue," a-t-elle raconté à Human Rights Watch. "Larsanova" avait été contrainte de porter une cagoule lors de sa capture et de son transport, comme beaucoup d'autres détenus en Tchétchénie et ne pouvait donc fournir de tels détails révélateurs. Séparément, "Timurova" a été repoussée quand elle s'est rendue au poste de police locale pour porter plainte.

Ces allégations de viols et de violences sexuelles commis par les forces russes ne sont pas les premières à parvenir de Tchétchénie. En janvier 2002, Human Rights Watch a fourni un mémorandum décrivant d'autres cas de viols et d'agressions sexuelles en Tchétchénie au Comité des Nations Unies pour l'Elimination de la Discrimination à l'Egard des Femmes (CEDEF ; Committee on the Elimination of Discrimination against Women, CEDAW). Dans une déclaration publique, le Comité a mentionné ses graves inquiétudes quant à l'échec de la Fédération de Russie à conduire de véritables investigations ou à tenir les auteurs de ces crimes pour responsables de leurs actes, dans la vaste majorité des cas, malgré de fortes preuves que des membres des forces russes ont commis des actes de viol et d'autres violences sexuelles contre des femmes, durant le conflit armé en Tchétchénie. Human Rights Watch a également envoyé le 28 mars 2002, des lettres soutenant l'appel du Comité des Nations Unies en faveur de la recherche des responsables de ces crimes, aux membres de l'Assemblée parlementaire russe-Duma participant au groupe de travail sur la Tchétchénie du Conseil de l'Europe.

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.