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25 juillet 2025

S.E. Évariste Ndayishimiye,

Président de la République du Burundi,

Envoyé spécial de l'Union africaine pour le Sahel

Objet : Mettre en œuvre un programme en faveur des droits humains au Sahel

Monsieur le Président,

Nous vous adressons nos félicitations pour votre nomination en tant qu'envoyé spécial de l'Union africaine pour le Sahel. Votre prise de fonction intervient à un moment charnière pour une région confrontée à une détérioration de sa sécurité, à l'aggravation de ses crises humanitaires et à une escalade des violations des droits humains. Nous vous écrivons pour souligner plusieurs préoccupations majeures en matière de droits humains dans la région et vous exhorter à faire de la promotion des droits humains un pilier de votre mandat.

Human Rights Watch est une organisation non gouvernementale indépendante dédiée à la défense et à la protection des droits humains. Nous surveillons et rendons compte des violations du droit international humanitaire et des droits humains dans une centaine de pays à travers le monde. Nous travaillons sur des questions relatives aux droits humains dans la région du Sahel depuis plus de 20 ans.

Votre nomination intervient dans un contexte marqué par une instabilité croissante et une recrudescence des violences à l'encontre des civils pris au piège dans les conflits au Mali, au Burkina Faso et au Niger, par la résurgence de pratiques autoritaires du pouvoir à la suite d'une série de coups d'État militaires, par le refus constant des juntes militaires d'engager de réelles transitions vers des régimes démocratiques civils, et par la marginalisation croissante des institutions indépendantes, y compris l'Union africaine, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et des organisations de la société civile. Ces dynamiques ont érodé l'état de droit, accru l'impunité pour les violations graves des droits humains et rendu les civils de plus en plus vulnérables.

Les principales préoccupations régionales en matière de droits humains dont vous devriez être conscient comprennent :

  • L'absence de protection des civils pris au piège dans les conflits armés : Les groupes armés islamistes et les forces de sécurité gouvernementales continuent de commettre de graves violations du droit international humanitaire, notamment des crimes de guerre et de potentiels crimes contre l'humanité. À la mi-2025, les conflits armés au Sahel avaient fait au moins des dizaines de milliers de victimes civiles, provoquant l'une des crises humanitaires les plus graves au monde et contraignant plus de trois millions de personnes à quitter leur foyer.
  • La suppression des droits civils et politiques : Depuis 2020, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont connu des changements de gouvernement anticonstitutionnels. Les juntes au pouvoir ont systématiquement réprimé l'opposition politique et s'en sont prises aux dissidents, aux journalistes et aux militants de la société civile, en recourant à des tactiques telles que les détentions arbitraires, les disparitions forcées et la conscription forcée illégale. Les chefs militaires des trois pays ont tous été installés à la présidence en dehors des processus constitutionnels, retardant encore davantage le retour à la gouvernance démocratique.
  • L'impunité généralisée : Les autorités des trois pays ont systématiquement manqué à leur devoir d'enquêter et de poursuivre les auteurs de violations graves des droits humains, y compris pour celles commises par leurs propres forces de sécurité. Le climat d'impunité a encouragé les auteurs de violations et privé les victimes de justice. Le retrait des trois pays de la CEDEAO début 2025 a également coupé l'accès de leurs justiciables à la Cour de justice de la CEDEAO, un mécanisme régional de reddition des comptes pour les victimes d'abus pourtant essentiel.
  • Au Burkina Faso, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, ou en arabe Jama’at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), lié à Al-Qaïda, continue de tuer et de déplacer de force des civils dans le but d'établir son contrôle territorial. Le GSIM a assiégé des dizaines de villes et de villages, privant les populations de nourriture, de produits de première nécessité et d'aide humanitaire. En réponse au GSIM, la junte actuelle, qui a pris le pouvoir lors d'un coup d'État en 2022, et ses milices alliées, connues sous le nom de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), ont pris pour cible des civils, en particulier ceux appartenant à l'ethnie peule, dans le cadre de massacres qui constituent des crimes de guerre et de potentiels crimes contre l'humanité. Ibrahim Traoré, le chef de la junte, a mené une répression massive contre l'opposition politique, les médias et les dissidents pacifiques, notamment par le biais d’arrestations arbitraires, de disparitions forcées et de la conscription illégale de militants des droits humains, de journalistes et d'opposants politiques.
  • Au Mali, les civils sont pris au piège dans un cycle de violence entre les groupes armés islamistes et les forces armées maliennes, soutenues par les groupes paramilitaires liés à la Russie, le Groupe Wagner et l'Africa Corps. Toutes les parties ont commis de graves violations des droits humains. Les autorités ont restreint les droits et libertés fondamentaux, muselé les médias, l'opposition politique et la dissidence en faisant disparaître de force des personnalités politiques, des lanceurs d'alerte et des journalistes. En mai, la junte a adopté un projet de loi qui abolit de fait le multipartisme, interdisant les réunions, les discours et les organisations politiques de l'opposition.
  • Au Niger, les autorités militaires ont réprimé les médias, la dissidence pacifique et l'opposition politique depuis leur prise de pouvoir lors d'un coup d'État en juillet 2023. L'ancien président Mohamed Bazoum et son épouse sont toujours détenus arbitrairement pour des motifs politiques, aux côtés d'autres anciens responsables. Moussa Tiangari, éminent militant des droits humains et détracteur de la junte, arrêté arbitrairement en décembre 2024, demeure en détention pour des accusations fallacieuses liées au terrorisme. La junte a créé une base de données pour les personnes soupçonnées de terrorisme, en fixant des critères d'inclusion trop larges, privant les personnes répertoriées d'une procédure régulière et d'un mécanisme de recours adéquat, et mettant en péril la protection des données personnelles et d'autres droits à la vie privée. Les autorités ont également retiré leur nationalité nigérienne à des détracteurs et des opposants. D’autre part, les civils continuent de subir des exactions lors de combats entre les groupes armés islamistes et les forces gouvernementales dans la région du Tillabéri.
  • Place les droits humains et l'État de droit au cœur de sa stratégie.
  • Donne la priorité à la protection des civils en exhortant toutes les parties – y compris les forces nationales, les milices alliées et les combattants étrangers – à respecter le droit international humanitaire.
  • Insiste sur la reddition des comptes et la justice en préconisant des enquêtes crédibles et impartiales sur les abus, des poursuites équitables à l'encontre des responsables, quel que soit leur rang ou leur fonction, et en demandant réparation pour les victimes et leurs familles.
  • Condamne publiquement les violations et les abus commis par toutes les parties, y compris ceux commis par les forces de sécurité nationales, les milices pro-gouvernementales et les combattants étrangers, ainsi que par les groupes armés islamistes.
  • Fasse pression pour la libération des personnes détenues de manière arbitraire, telles que l'ancien président du Niger, Mohamed Bazoum et l'éminent militant des droits humains Moussa Tiangari.
  • Soutienne des enquêtes crédibles et impartiales, en particulier dans les cas les plus emblématiques de violations des droits humains, notamment ceux de Moura et Djafarabe au Mali, et de KarmaSoro, Nondin et Solenzo au Burkina Faso.
  • Promeuve le respect des droits civils et politiques, notamment la liberté d'expression, d'association, de réunion pacifique et de participation politique.
  • Soutienne la collaboration internationale et régionale avec des partenaires clés, notamment : l'envoyé spécial de l'UA pour la prévention du génocide et d'autres atrocités de masse ; le représentant spécial des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel ; l'expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l'homme au Mali ; le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans de le cadre de la lutte contre le terrorisme ; et l'envoyé spécial de l'Union européenne pour le Sahel.

Les préoccupations spécifiques à chaque pays dont vous devez être conscient comprennent :

Human Rights Watch salue la déclaration du président de l'UA à l'occasion de votre nomination afin de « diriger le soutien diplomatique de haut niveau renouvelé de l'Union africaine et les efforts de collaboration visant à relever les défis sécuritaires et humanitaires qui prévalent au Sahel ». Cependant, l'action de l'UA dans la région s'est jusqu'à présent révélée insuffisante pour répondre à la gravité et à l'ampleur des violations commises par des acteurs étatiques et non étatiques.

Nous vous exhortons à garantir que l'approche renouvelée de l'UA au Sahel :

Human Rights Watch accorde une grande importance à son engagement de longue date auprès de l'UA et de nombreux États membres. Nous nous réjouissons de collaborer avec votre bureau afin de promouvoir le respect des droits, l'inclusion et la sécurité dans la région du Sahel.

Nous restons à votre disposition pour vous fournir de plus amples informations concernant la situation des droits humains au Sahel.

Respectueusement,

Allan Ngari,

Directeur du plaidoyer pour l'Afrique, Human Rights Watch

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