Le 10 octobre, le chef de la junte nigérienne, le général Abdourahamane Tiani, a signé un décret retirant provisoirement leur nationalité nigérienne à neuf personnes liées à l'ancien président Mohamed Bazoum, qui a été renversé en juillet 2023 et reste détenu arbitrairement. Le décret est basé sur une ordonnance antérieure instituant une base de données de personnes soupçonnées de terrorisme.
Ces neuf personnes, qui ont occupé des postes importants au sein du gouvernement de Mohamed Bazoum, sont toutes actuellement en exil. Parmi elles figurent Rhissa Ag Boula, ancien conseiller de Mohamed Bazoum ; Karingama Wali Ibrahim, ancien chef de la garde présidentielle ; le général Mahamadou Abou Tarka, chef de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix, qui met en œuvre des processus de paix avec les groupes rebelles ; ainsi qu’Amadou N'Gade Hamid et Abdou Pagoui Hamidine, deux anciens membres du cabinet.
Le décret accuse les neuf personnes de « mener des activités susceptibles de perturber la paix et la sécurité publiques » et de « complot contre l'autorité de l’État et de trahison », entre autres chefs d'accusation. En septembre 2023, la junte avait lancé des avis de recherche contre 20 personnalités du gouvernement de Mohamed Bazoum, dont certaines sont aujourd'hui déchues de leur nationalité.
« Le Niger est à la dérive », a déclaré Abdou Pagoui Hamindine, l'un des anciens membres du cabinet, à Human Rights Watch. « Sinon, comment expliquer que dans un pays confronté à des défis sécuritaires, notamment le terrorisme, des rébellions et du banditisme transfrontalier, un opposant politique soit plus dangereux qu'un terroriste ou un chef rebelle ? »
Human Rights Watch a exprimé ses inquiétudes quant au fait que la base de données sur le terrorisme ne respecte pas certains principes internationaux en matière de droits humains en fixant des critères d'inclusion trop larges, en privant les personnes inscrites d'une procédure régulière et en l'absence d'un mécanisme d'appel adéquat. Elle met également en péril les droits à la vie privée et accroît le risque d'apatridie. Le Niger est un État partie à la Convention des Nations Unies sur la réduction des cas d'apatridie, qui interdit de priver une personne de sa nationalité si cela la rend apatride. L'une des personnes concernées a déclaré que huit des neuf personnes déchues de leur nationalité ne possédaient qu'un passeport nigérien.
Sans nationalité, des individus et leurs familles pourraient être privés de protections juridiques et sociales à l'étranger et empêchés de retourner au Niger, ce qui est pourtant leur droit en vertu du droit international relatif aux droits humains. Les autorités devraient cesser de manipuler les droits des citoyens, abroger le décret et suspendre l'utilisation de la base de données sur le terrorisme.