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Le retrait de trois États du Sahel de la CEDEAO sape l’obligation de rendre des comptes

Le Burkina Faso, le Mali et le Niger privent leurs citoyens d’accès à la cour régionale de l'Afrique de l'Ouest

Dirigeants ouest-africains avant une réunion de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à Abuja, au Nigeria, le 10 août 2023. © 2023 Abraham Achirga/Reuters

Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont officiellement quitté la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) le 29 janvier, après avoir annoncé leur retrait il y a un an, soulevant des inquiétudes quant à l'accès à la justice pour les victimes de graves violations des droits humains dans ces pays.

En annonçant leur intention de se retirer, les trois pays, chacun dirigé par une junte militaire, ont accusé la CEDEAO de « [trahir] ses principes fondateurs » et d'être « sous l'influence de puissances étrangères ». Ils se sont également plaints des sanctions « illégales » et « illégitimes » qui leur ont été imposées dans le cadre de leur lutte contre le terrorisme. Ils ont omis de mentionner que les trois juntes faisaient face, au moment de cette décision, à des condamnations croissantes de la part de la communauté internationale pour les atrocités commises par leurs forces et leur répression des institutions démocratiques.

Malgré le départ des trois pays, la CEDEAO s'est engagée à garder ses « portes … ouvertes » et a demandé à ses États membres de continuer à autoriser la libre circulation et le libre commerce pour toutes les personnes en possession d’un passeport de la CEDEAO.

Depuis 2005, la Cour de Justice de la Communauté de la CEDEAO a compétence pour entendre des affaires de droits humains portées par des citoyens des États membres. Elle a rendu des décisions historiques en matière de droits humains, y compris dans des affaires concernant le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Une des particularités de la Cour est que les personnes souhaitant porter plainte n'ont pas besoin d'épuiser les recours locaux avant de déposer une plainte.

Le retrait de la CEDEAO effectué par ces trois pays privera leurs citoyens d'une voie importante vers la responsabilisation et la justice, à un moment où les abus contre les civils liés aux conflits sont monnaie courante dans la région du Sahel, et où l'accès aux tribunaux nationaux est de plus en plus limité. Les autorités maliennes, nigériennes et burkinabè n'ont guère progressé dans leurs enquêtes, et encore moins dans leurs poursuites judiciaires engagées contre les forces de sécurité, les groupes armés et autres responsables d'infractions graves commises dans le cadre des conflits armés en cours sur leurs territoires.

« Depuis qu'ils sont arrivés au pouvoir par la force, ces gouvernements militaires ont systématiquement échoué à tenir pour responsables ceux commettant des violations flagrantes des droits humains et ont maintenant atteint un nouveau point bas en empêchant les victimes de demander justice devant la Cour de la CEDEAO », m’a confié la semaine dernière un activiste politique malien en exil en France. « Cette dernière décision ne fait que confirmer leur mépris des droits humains et de l'État de droit. »

Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont joué un rôle important dans la création de la Cour de la CEDEAO, mais les trois juntes ont maintenant choisi de réduire sa portée plutôt que de l'élargir. Cela se fera au détriment de l'accès de leurs propres citoyens à la justice.

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