(Washington) – Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies devrait renouveler le mandat de sa Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Venezuela, ont déclaré conjointement 30 organisations vénézuéliennes et internationales de défense des droits humains.
Cette Mission peut jouer un rôle clé pour faire pression en faveur de l’obligation de rendre des comptes et du maintien d’une surveillance internationale, dans un contexte de répression généralisée ayant suivi l’élection du 28 juillet, ont déclaré les organisations.
L’équipe de trois experts de la Mission devrait présenter son cinquième rapport le 19 septembre, lors de la 57ème session du Conseil des droits de l’homme, qui se tiendra à Genève du 9 septembre au 11 octobre. Une résolution est requise pour prolonger le mandat de la Mission au-delà d’octobre.
Un groupe de gouvernements d’Amérique latine, de divers horizons politiques, ainsi que le Canada, ont par le passé présenté un texte concernant le mandat de la Mission, afin qu’il soit adopté. En cas de vote par les États membres du Conseil, une majorité simple sera nécessaire pour adopter le texte.
Depuis l’élection présidentielle, les Vénézuéliens sont confrontés à une répression violente contre des électeurs, des manifestants, des dirigeants politiques, des journalistes, les défenseurs des droits humains et d’autres opposants réels ou présumés au gouvernement Maduro, ce qui rend la nécessité de renouveler le mandat des experts particulièrement urgente, ont déclaré les organisations.
Le Conseil des droits de l’homme a créé la Mission en 2019, la chargeant d’enquêter sur « les cas d’exécution extrajudiciaire, de disparition forcée, de détention arbitraire et de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants survenus depuis 2014 », y compris les violences sexuelles et sexistes, « afin que les auteurs répondent pleinement de leurs actes et que justice soit rendue aux victimes ». Le mandat de la Mission, d’une durée initiale de deux ans, a été renouvelé à deux reprises, en octobre 2020 et en octobre 2022.
Cette Mission a été l’un des premiers mécanismes internationaux à affirmer que les autorités vénézuéliennes ont commis de graves violations des droits humains dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre la population civile, qui dans certains cas pourraient constituer des crimes contre l’humanité. Dans ses rapports rigoureux, la Mission a identifié des autorités de rang intermédiaire et supérieur, y compris le chef de l’État, comme étant peut-être responsables de violations des droits humains telles que des exécutions extrajudiciaires, des détentions arbitraires, des actes de torture, des violences sexuelles et des abus contre des manifestants. La Mission a également évoqué le rôle des autorités judiciaires vénézuéliennes dans ces violations et les tactiques répressives de l’État, notamment un plan visant à réprimer les membres de l’opposition ou ceux perçus comme tels, ainsi que l’absence de véritable réforme des institutions chargées du maintien de l’ordre public.
Des millions de Vénézuéliens ont participé à l’élection malgré les irrégularités et les violations des droits humains commises par le gouvernement, qui ont conduit à un scrutin inéquitable. Les autorités gouvernementales ont arrêté des membres de l’opposition, prononcé des discours stigmatisants, restreint l’espace civique, disqualifié des candidats et imposé des restrictions quant au droit de vote.
Le Conseil national électoral (CNE) du Venezuela a affirmé que Nicolás Maduro avait remporté l’élection, mais une équipe d’experts techniques électoraux de l’ONU ainsi qu’une équipe du Centre Carter – les deux seules missions d’observation technique accréditées par le CNE pour observer les élections –ont conclu que le processus manquait de transparence et d’intégrité. L’opposition a publié en ligne des décomptes de bulletins de vote indiquant que le candidat de l’opposition Edmundo Gonzalez Urrutia avait remporté l’élection avec une marge significative.
Depuis le 29 juillet, les autorités publiques vénézuéliennes ont intensifié leur répression, violant les droits humains, y compris le droit à la vie, aux garanties judiciaires et à la liberté.
Les forces de sécurité vénézuéliennes, ainsi que des groupes armés pro-gouvernementaux, connus sous le nom de « colectivos », ont réprimé les manifestations contre le résultat électoral annoncé ; plus de 20 manifestants et auraient été tués, selon les informations disponibles. Ainsi que l’a reconnu Maduro, plus de 2 400 personnes ont été arrêtées ; parmi elles figurent 120 mineurs, juridiquement considérés comme des enfants en vertu de leur âge inferieur a 18 ans, selon la Convention relative aux droits de l’enfant. De nombreuses personnes arrêtées ont été accusées de « terrorisme » et d’autres crimes.
Le système judiciaire vénézuélien, notamment la Cour suprême de justice et le bureau du Procureur général, manque d’indépendance et d’impartialité, comme la Mission l’a rigoureusement établi dans ses rapports.
Les conditions structurelles ayant favorisé la commission de graves abus et motivé la création de la Mission – manque d’indépendance judiciaire, impunité pour les violations des droits et absence de réparations pour les victimes – n’ont toujours pas été rectifiées, ont déclaré les organisations.
En reconduisant le mandat de la Mission, les gouvernements indiqueraient clairement aux auteurs de violations que la communauté internationale s’engage à les amener à rendre des comptes pour les crimes internationaux et les violations continues des droits humains, ainsi qu’à soutenir la lutte des nombreuses victimes pour obtenir vérité et justice, ont affirmé les organisations signataires. Les enquêtes en cours et les rapports publics de la Mission sont également essentiels pour éviter une nouvelle détérioration en cette période post-électorale critique.
Le renouvellement du mandat permettrait aux experts de continuer à recueillir des preuves de violations graves des droits humains, de rendre compte de la dynamique actuelle dans le pays, d’analyser les causes profondes des abus et de recommander des mesures au niveau international. Cela permettrait également à la Mission de soutenir et de compléter les activités du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et du Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale, qui a ouvert une enquête sur les crimes contre l’humanité commis au Venezuela.
L’interruption des travaux de la Mission à un moment aussi crucial aurait des conséquences négatives sur la protection des victimes, des survivants et de la population en général, et inciterait le gouvernement vénézuélien à poursuivre sa répression violente contre la dissidence, ont conclu les organisations.
Organisations signataires :
- Acceso a la Justicia
- AlertaVenezuela
- Amnesty International (communiqué)
- Caleidoscopio Humano
- Centro de Justicia y Paz (Cepaz)
- Centro para los Defensores y la Justicia
- Centro por la Justicia y el Derecho Internacional (CEJIL)
- CIVICUS
- Comité de familiares de víctimas de los sucesos de febrero y marzo de 1989 (COFAVIC)
- Commission internationale de juristes (CIJ)
- Due Process of Law Foundation (DPLF)
- Espacio Público
- Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
- Foro Penal
- Freedom House
- Global Centre for the Responsibility to Protect (GCR2P)
- Human Rights Watch
- Ideas por la Democracia
- International Service for Human Rights (ISHR)
- Justicia, Encuentro y Perdón
- Laboratorio de Paz
- Observatorio Global de Comunicación y Democracia (OGCD)
- Observatorio venezolano de conflictividad social (OVCS)
- ONG Red Reto
- Organisation mondiale contre la torture (OMCT)
- Programa Venezolano de Educación Acción en Derechos Humanos (Provea)
- Red Electoral Ciudadana (REC)
- Robert F. Kennedy Human Rights
- Voto Joven
- Washington Office on Latin America (WOLA)
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