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Égypte : Accords d'amnistie contestables pour des membres de l'EI

Ces accords comportent le risque d’impunité pour de graves violations des droits humains

Des chars et des véhicules blindés de l'armée égyptienne à Rafah, dans le Sinaï Nord, en 2018. L'armée a démoli des milliers de logements dans la partie égyptienne de cette ville (dont la partie palestinienne est située dans la bande de Gaza), près de la frontière avec Israël, expulsant de force la quasi-totalité de la population. © 2018 Privé

(Beyrouth, 13 mars 2024) – Au cours des dernières années, les autorités égyptiennes semblent avoir conclu dans le Sinaï Nord des accords d'amnistie avec des membres présumés de l'État islamique (EI, ou Daech), dans des conditions opaques et sans rendre les critères publics, ont déclaré aujourd'hui Human Rights Watch et la Fondation Sinaï pour les droits humains.

Les éléments de preuve recueillis par les deux organisations et les déclarations publiques de divers responsables indiquent que les autorités ont accordé l'amnistie à certains membres du groupe Wilayat Sina' (« Province du Sinaï »), affilié à l'État islamique, en échange de leur promesse de se rendre et de déposer leurs armes. Cependant, les autorités n'ont pas précisé si elles projettent de poursuivre en justice les personnes soupçonnées d’abus graves tels que des massacres de civils et des exécutions extrajudiciaires.

« Les amnisties accordées aux membres de groupes armés qui déposent les armes ne devraient jamais inclure les individus qui ont intentionnellement commis des crimes graves, comme la prise pour cible ou le meurtre délibéré de civils », a déclaré Ahmed Salem, directeur exécutif de la Fondation Sinaï pour les droits humains. « Les autorités égyptiennes devraient élaborer une stratégie nationale pour les poursuites engagées contre Wilayat Sina’, garantissant que les personnes directement responsables de crimes graves ne bénéficient pas de l'impunité. »

Depuis 2020, les autorités égyptiennes encouragent les membres de Wilayat Sina’ à se rendre, dans le cadre d’initiatives sécuritaires facilitées par des chefs de clans locaux du Sinaï Nord, selon les médias et des organisations de défense de droits humains.

Le groupe armé Wilayat Sina', de taille relativement petite, cible l'armée égyptienne, d'autres forces gouvernementales et des civils depuis 2013. Ce groupe a prêté allégeance à l'État islamique en 2014. Le conflit armé s'est progressivement atténué, alors que Wilayat Sina' a perdu la plupart de ses bastions en 2020 ; le groupe semble avoir été presque complètement éradiqué à la fin de 2022, selon les médias, les récits des habitants et les déclarations officielles. Mais Wilayat Sina’, tout comme l’armée égyptienne, des milices alliées à l’armée et la police ont commis de graves violations du droit international humanitaire qui, dans de nombreux cas, pourraient constituer des crimes de guerre.

Malgré une situation relativement calme, les autorités continuent de traiter la région comme une zone militaire fermée, où les reportages indépendants sont interdits. L’armée continue d’empêcher des dizaines de milliers d’habitants, forcés de quitter cette région depuis 2013, de retourner sur leurs terres.

Le droit international de la guerre encourage l’octroi « la plus large amnistie possible » à la fin d’un « conflit armé non international » comme celui du Sinaï Nord, afin de promouvoir la réconciliation et la paix. Cependant, la loi exclut spécifiquement des amnisties pour les « personnes soupçonnées ou accusées de crimes de guerre ou condamnées pour crimes de guerre ». Les autorités égyptiennes devraient rendre publics les critères utilisés pour accorder l'amnistie, et annoncer la prise de mesures pour garantir que les responsables de graves abus soient traduits en justice, ont déclaré les deux organisations.  

« Le gouvernement égyptien devrait établir des critères détaillés, transparents et fondés sur les droits humains pour toute amnistie qu'il accorde aux anciens membres de Wilayat Sina’ », a déclaré Adam Coogle, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les autorités devraient offrir des services de réadaptation et de réintégration pour aider ceux qui se rendent, tout en enquêtant sur les criminels de guerre présumés, afin de les poursuivre de manière conforme aux normes internationales de procédure régulière. »

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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