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La Commission africaine demande que justice soit faite au Burundi

12 ans après, un assassinat politique flagrant requiert toujours une enquête sérieuse

Carte d'identité d'Audace Vianney Habonarugira, retrouvée sur lui lors de la découverte de son corps le 15 juillet 2011. © 2011 Human Rights Watch

En juillet 2011, Audace Vianney Habonarugira nous a rendu visite dans notre bureau à Bujumbura, alors la capitale du Burundi, pour parler. C’était un homme traqué et il avait pris des précautions pour nous rencontrer discrètement.

Audace Vianney Habonarugira, 28 ans, marié et père d’un enfant de deux ans, avait rejoint un mouvement rebelle quand il était encore un jeune garçon et s’était hissé au rang de colonel, avant de quitter le mouvement en 2009. Il avait ensuite suivi le processus officiel de démobilisation ainsi qu’une formation pour devenir chauffeur et mécanicien.

Cependant, dès 2010, à la suite d’élections contestées, les assassinats pour des motifs politiques se sont multipliés à travers le Burundi. Le groupe auquel avait appartenu Audace Vianney Habonarugira, les Forces nationales de libération (FNL), était alors une cible privilégiée et, en tant qu’ancien colonel, il était considéré comme un potentiel informateur de premier plan.

Début 2011, Audace Vianney Habonarugira a commencé à recevoir des menaces de la part d’individus liés aux forces de sécurité et aux services de renseignement, mais il a refusé de collaborer. Le 7 mars, un officier présumé des services de renseignement s’est rendu à son domicile accompagné d’agents de police. « Il a donné des ordres à un policier qui m'a tiré [dessus].… Je suis tombé et j’ai perdu connaissance ». Audace Vianney Habonarugira a été hospitalisé à Bujumbura pendant trois mois et demi.

Nous l’avons rencontré le 9 juillet. Il nous a montré de nombreuses cicatrices et a expliqué comment il était traqué par les services de renseignement. Il savait que ces derniers n’auraient de cesse que lorsqu’ils l’auraient retrouvé. Mais il voulait que son histoire soit connue : « Vous pouvez en parler. Je n’ai pas peur », nous a-t-il dit.

Le 15 juillet, son cadavre a été retrouvé, à côté de celui d’un de ses proches amis, lui aussi ancien combattant démobilisé des FNL ; tous deux présentaient des blessures par balle.

Les violences politiques avaient atteint un tel pic en 2011 que le procureur de Bujumbura avait mis sur pied une commission d’investigation pour enquêter sur ce type de meurtre. L’ironie du sort a fait qu’Audace Vianney Habonarugira avait lui même témoigné devant cette commission quelques jours avant sa mort.

Les années sont passées sans qu’il n’y ait eu aucun progrès dans l’enquête sur son meurtre. Un consortium d’ONG a introduit une communication en 2014 devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. La décision de la commission, rendue publique cette semaine, a été d’appeler le gouvernement du Burundi à mener une enquête approfondie sur l’assassinat d’Audace Vianney Habonarugira et à prendre des mesures pour combattre l’impunité pour les exécutions extrajudiciaires. Attendue depuis trop longtemps, cette décision constitue néanmoins une étape positive dans la lutte contre l’impunité au Burundi.

La décision de la Commission devrait servir de rappel aux autorités burundaises : le temps passe, certes, mais la quête pour la justice elle continue. Le fait que les assassinats politiques se poursuivent jusqu’à ce jour ne fait que souligner combien il est important de mener des enquêtes sérieuses et de faire rendre des comptes à leurs auteurs.

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