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Zimbabwe : L’ingérence des forces de sécurité présente un risque pour les élections

Les personnes perçues comme soutenant l’opposition sont victimes de passages à tabac et de harcèlement

(Johannesburg, le 5 juin 2013) – Le « gouvernement d’unité nationale » du Zimbabwe devrait engager des réformes pour garantir un comportement non partisan et professionnel des forces de sécurité à l’approche des élections nationales qui se tiendront plus tard cette année, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport paru aujourd’hui.

Le rapport de 44 pages, intitulé « The Elephant in the Room: Realigning the Security Sector Ahead of Zimbabwe’s Elections » (« Un défi de taille : Le réalignement du secteur de la sécurité à l’approche des élections au Zimbabwe »), décrit la manière dont l’armée et d’autres forces de sécurité zimbabwéennes s’ingèrent dans les affaires politiques et électorales du pays pour soutenir le Président Robert Mugabe et son parti, le ZANU-PF, empêchant ainsi les Zimbabwéens d’exercer leur droit à la liberté d’expression et d’association, ainsi que leur droit de vote. Ce phénomène a été particulièrement manifeste avant l’élection présidentielle de juin 2008, lorsque l’armée a commis des abus généralisés dont des meurtres, des passages à tabac et des actes de torture. Depuis, les mêmes équipes dirigeantes de l’armée, de la police et de l’agence de sécurité interne, la « Central Intelligence Organization », sont toujours en place et elles continuent de soutenir ouvertement Mugabe.

« Étant donné que les forces de sécurité, jusqu’aux échelons les plus élevés, menacent et attaquent les personnes perçues comme étant des opposants à Mugabe, les Zimbabwéens n’ont guère confiance dans les prochaines élections », a déclaré Tiseke Kasambala, directrice du plaidoyer auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « S’il veut garantir que ces élections aient un véritable sens, le gouvernement d’unité nationale du Zimbabwe va devoir contenir les forces de sécurité et les tenir à l’écart du processus politique. »

Depuis l’instauration du gouvernement d’unité nationale en septembre 2009, plusieurs responsables militaires haut placés ont fait part de leur soutien à l’égard de Mugabe et du ZANU-PF et jeté le discrédit sur le Premier ministre Morgan Tsvangirai, leader du parti d’opposition, le Mouvement démocratique pour le changement (Movement for Democratic Change, MDC). Tout récemment, le 1er mai, le directeur de la police nationale Augustine Chihuri a déclaré publiquement que les forces de sécurité ne rencontreraient jamais Tsvangirai pour débattre des réformes sécuritaires, et que toute personne qui soulèverait cette question ou en rendrait compte pourrait être arrêtée.

Le 4 mai, le commandant des Forces de défense du Zimbabwe, le général Constantine Chiwenga, a tenu des propos similaires dans un entretien avec l’hebdomadaire The Sunday Mail, contrôlé par l’État, affirmant qu’il n’était pas disposé à retrouver Tsvangirai pour aborder les réformes sécuritaires : « Nous n’avons pas le temps de rencontrer des traitres. De toute évidence, Tsvangirai est un malade mental qui a besoin d’un psychiatre compétent. »

Ces déclarations partisanes de l’équipe dirigeante des forces de sécurité se reflètent dans les mesures que les forces de sécurité prennent sur le terrain, a constaté Human Rights Watch. Ainsi, le 7 mai, la police a arrêté Dumisani Muleya, rédacteur en chef du Zimbabwe Independent, et Owen Gagare, son principal journaliste, après la publication par l’hebdomadaire d’un article annonçant que Tsvangirai avait rencontré les responsables des forces de sécurité. La police a interrogé les deux hommes et les a placés en détention pendant huit heures, les accusant ensuite, en vertu de la loi sur la codification et la réforme du droit pénal - dite Criminal Law (Codification and Reform) Act - d’avoir « publié ou communiqué de fausses déclarations préjudiciables à l’État ».

Les enquêtes menées par Human Rights Watch ont permis de conclure que l’armée nationale du Zimbabwe a déployé des militaires dans tout le pays, intimidant, passant à tabac et soumettant à d’autres abus les personnes perçues comme soutenant le MDC ou les détracteurs du gouvernement. À certains moments, ces militaires ont recouru à la distribution de nourriture, à des projets scolaires communautaires et même à un « projet de recherche sur l’histoire de l’armée » pour réussir à s’immiscer dans plusieurs communautés.

Le 17 mars, le lendemain du référendum sur la nouvelle constitution, cinq militaires armés et en uniforme ont abordé un partisan du MDC à Mataga Growth Point, à Mberengwa, dans la province des Midlands, et exigé de savoir s’il avait voté « oui » lors du référendum. Le partisan du MDC a déclaré à Human Rights Watch :
Quand je leur ai dit que j’avais voté en faveur de l’avant-projet de constitution, ils m’ont demandé pourquoi je portais un t-shirt du MDC et avant même que je puisse répondre, ils se sont mis à me donner des coups de poing et de pied sur tout le corps. Ils m’ont dit qu’il fallait sans faute que je vote pour le ZANU-PF aux prochaines élections, sinon ils reviendraient.

Human Rights Watch a documenté et pris connaissance d’abus perpétrés à Buhera, Nyanga, Chipinge et Mutare dans la province de Manicaland ; à Gokwe, Zhombe, Mberengwa et Silobela dans la province des Midlands ; et à Chivhu, Marondera et Uzumba dans la province du Mashonaland oriental.

« Les lois et la constitution du Zimbabwe exigent la neutralité et l’impartialité des forces de sécurité, or celles-ci n’ont rien fait qui démontre qu’elles remplissent leurs devoirs », a commenté Tiseke Kasambala. « Il est impératif que le gouvernement transmette un message clair en disciplinant et en poursuivant en justice les membres des forces de sécurité et les militaires qui portent atteinte au droit pour des raisons politiques. »

Le gouvernement d’unité nationale devrait intervenir de toute urgence pour s’assurer de la neutralité politique des forces de sécurité zimbabwéennes, a observé Human Rights Watch, avec le soutien de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), l’organe régional qui regroupe 15 pays de cette région.

Le gouvernement se doit d’enquêter sur les abus qu’auraient commis les membres des forces de sécurité et de les poursuivre en justice. Il lui faut également exiger publiquement de l’équipe dirigeante de ces forces qu’elles assument leurs fonctions avec professionnalisme et impartialité, et punir de manière appropriée les dirigeants récalcitrants.

« La SADC devrait faire de l’amélioration du comportement des forces de sécurité un pilier essentiel de la feuille de route devant mener le Zimbabwe à des élections crédibles, libres et équitables », a conclu Tiseke Kasambala. « Les prochaines élections vont marquer une étape importante dans la résolution de la crise des droits humains qui sévit de longue date dans le pays. »

 

 

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