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Guinée : Le gouvernement doit garantir la justice pour les victimes du massacre dans un stade de Conakry

Avec les élections promises, le gouvernement de transition doit faire avancer l’Etat de droit

(Dakar, le 4 mars 2010) - Le nouveau gouvernement de transition de la Guinée devrait prendre des mesures concrètes pour garantir la justice aux victimes du massacre en septembre 2009 de plus de 150 partisans de l'opposition dans un stadium de la capitale, Conakry, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans une lettre adressée au nouveau gouvernement. Ce dernier devrait aussi localiser les corps des personnes qui n'ont pas encore été retrouvées et suspendre les fonctionnaires impliqués dans le massacre et ses répercussions, a indiqué Human Rights Watch.

Human Rights Watch a appelé le Président par intérim, le Brigadier Général Sékouba Konaté, et le Premier ministre de transition, Jean-Marie Doré, à entreprendre une action concertée en accord avec les normes internationales pour empêcher, enquêter et poursuivre les violations des droits humains commises par les forces de sécurité guinéennes. Dans la période précédant les élections, prévues pour le mois de juin, le gouvernement devrait contrôler les forces de sécurité afin d'empêcher les tentatives pour intimider ou manipuler les candidats ou les électeurs, a ajouté Human Rights Watch.

« Konaté et Doré ont une opportunité de rejeter l'impunité persistante en Guinée et de mettre un terme à la violence », a observé Corinne Dufka, chercheuse senior pour l'Afrique de l'Ouest à Human Rights Watch. « Rendre compte des exactions passées et construire une société s'appuyant sur l'État de droit, c'est le travail d'aujourd'hui et non de demain. »

Le 15 janvier 2010, le dirigeant du coup d'État de 2008, le Capitaine Moussa Dadis Camara, s'est écarté, ouvrant la voie à un gouvernement par intérim en grande partie civil, qui a été nommé le 15 février par Doré, ancien dirigeant d'opposition. Doré fixé une date pour la tenue d'élections qui devraient aboutir à un gouvernement pleinement civil.

Dans sa lettre, Human Rights Watch a exhorté les deux dirigeants à tirer un trait sur le passé d'exactions de la Guinée et à œuvrer au démantèlement d'un système dans lequel les auteurs d'exactions ont dormi sur leurs deux oreilles, sachant qu'ils ne feraient jamais l'objet d'une enquête ni de poursuites, alors que les victimes étaient abandonnées, rassemblant les morceaux de leurs vies.

Personne n'a du rendre des comptes pour les répressions brutales de 2006 et 2007 contre les Guinéens manifestant contre la détérioration des conditions économiques, qui ont fait environ 150 morts et plus de 1 700 blessés. D'autres incidents sont également restés impunis, notamment l'attaque préméditée contre les partisans de l'opposition rassemblés dans un stade le 28 septembre 2009, au cours de laquelle 150 à 200 Guinéens ont été tués, ainsi que la corruption galopante et le détournement des vastes ressources naturelles de la Guinée, qui ont empêché l'accès des Guinéens à des droits économiques fondamentaux tels que la santé et l'éducation.

Human Rights Watch a aussi exprimé sa préoccupation à propos de la promotion accordée en décembre 2009 et du décret présidentiel du 16 février reconfirmant à de hautes fonctions au gouvernement deux officiers militaires haut gradés qui sont, selon les enquêtes de Human Rights Watch et des Nations Unies, lourdement impliqués dans des actes de torture, des meurtres et des viols. Human Rights Watch a appelé à ce que ces officiers - le Major Claude Pivi et le Lieutenant-colonel Moussa Tiégboro Camara - soient destitués de leurs fonctions dans l'attente d'une enquête impartiale sur leurs rôles dans les violences de septembre et dans d'autres exactions graves.

Le Major Pivi aurait été impliqué dans la répression qui a suivi le massacre au stade, notamment les attaques contre les domiciles de dirigeants politiques ce soir-là. Il a aussi été impliqué dans des actes de torture commis en 2008, y compris à l'encontre de policiers guinéens, des actes criminels dont des vols, et le meurtre en décembre 2009 de deux soldats qui auraient été liés à la tentative d'assassinat du 3 décembre contre le dirigeant du coup d'État.

Le Lieutenant-colonel Tiégboro a commandé personnellement une unité de gendarmes qui a employé une force meurtrière contre les partisans de l'opposition qui convergeaient vers le stade, aurait pris une part active au massacre, et, à un moindre degré, aux violences sexuelles qui ont suivi. Plusieurs hommes placés après le massacre de septembre dans un centre de détention ad hoc sous son commandement direct auraient fait l'objet de graves exactions. En juin 2009, il a exhorté publiquement des jeunes à mettre en place des brigades de surveillance en leur tenant les propos suivants : « Si vous prenez un voleur en flagrant délit, mettez de l'essence sur lui et brûlez-le vivant ».

« Les victimes des violences de septembre ont du endurer le fait que sont toujours en service des membres de la Garde présidentielle et d'autres qui ont pris part au bain de sang », a expliqué Corinne Dufka. « Et ce qui est pire, c'est que nombre de ces coupables présumés, entre autres Pivi et Tiégboro, ont bénéficié d'une promotion et ont été récompensés par des fonctions gouvernementales. »

La Cour pénale internationale a commencé une analyse de la situation en Guinée à la suite des violences de septembre. Quant à savoir si la Cour ouvrira une enquête, cela dépend du fait que les tribunaux nationaux aient à la fois la volonté et la capacité de mener des enquêtes et des poursuites pour les crimes commis.

Etant donné les préoccupations relatives au manque d'indépendance de l'exécutif, à l'insuffisance des ressources et à la corruption, toute l'expertise disponible devrait être utilisée pour garantir que les enquêtes et les poursuites nationales sont menées de façon équitable, impartiale, indépendante et efficace, a ajouté Human Rights Watch.

Human Rights Watch a aussi exhorté Konaté et Doré à financer et à rendre opérationnel l'Observatoire national de la démocratie et des droits de l'homme (ONDH), un organisme guinéen mandaté pour enquêter sur les atteintes aux droits humains persistantes, et à rendre opérationnelle la Commission d'enquête indépendante sur les violences liées à la grève de janvier et février 2007, qui ont fait au moins 137 morts.

De plus, les autorités devraient garantir le droit à la vie et un procès équitable pour le Lieutenant Abubakar « Toumba » Diakité, s'il est détenu, a insisté Human Rights Watch. Le Lieutenant Diakité est un coupable présumé clé des violences de septembre, en fuite depuis la tentative d'assassinat contre Dadis Camara.

« Les nouveaux dirigeants de la Guinée ont un travail important devant eux », a conclu Corinne Dufka. « Leur réussite sera mesurée à la façon dont ils s'attaqueront aux violences passées et dont ils rétabliront l'État de droit. »

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