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Irak: Le procès pour le massacre d’Al Dujail entaché de graves irrégularités

La Cour devrait annuler le verdict et la peine de mort

Le procès de Saddam Hussein et de ses sept coaccusés devant le Haut Tribunal irakien pour crimes contre l’humanité a été entaché par tant d’irrégularités, aussi bien sur la forme que sur le fond, que le verdict est contestable, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport de 97 pages publié aujourd’hui. Les défauts qui ont marqué le procès, intenté pour l’exécution de plus de 100 personnes dans la ville irakienne d’Al Dujail, font également planer le doute sur les procédures qui auront lieu ultérieurement devant le tribunal.

« La conduite du procès dans l’affaire d’Al Dujail était foncièrement inéquitable », a déploré Nehal Bhuta du programme Justice internationale de Human Rights Watch et auteur du rapport. « Le tribunal a galvaudé une opportunité majeure de rendre justice au peuple irakien de façon crédible. Et son imposition de la peine capitale suite à un procès inéquitable est indéfendable ».

Le rapport, intitulé Judging Dujail: The First Trial Before the Iraqi High Tribunal (Jugement dans l’affaire d’Al Dujail: Premier procès devant le Haut Tribunal irakien), est basé sur un travail d’observation de 10 mois et sur des dizaines d’entretiens avec des juges, des procureurs et des avocats de la défense. Il s’agit de l’analyse la plus complète réalisée à ce jour sur le procès. Human Rights Watch, qui demandait depuis plus de dix ans que Saddam Hussein et ses lieutenants soient poursuivis en justice, a été l’une des deux seules organisations à avoir assuré la présence régulière d’un observateur dans la salle d’audience.

Dès le départ, le Haut Tribunal irakien a été miné par les actions du gouvernement irakien menaçant son indépendance et l’impartialité qu’il laissait percevoir. Des parlementaires, voire des ministres, ont régulièrement dénoncé la faiblesse du tribunal. Reproche qui a abouti à la démission du premier juge présidant le procès.

Judging Dujail révèle de graves irrégularités procédurales dans le déroulement du procès, lesquelles n’avaient jusqu’à présent jamais été documentées, notamment:

• La non présentation à la défense, au préalable, de preuves importantes, notamment de preuves disculpantes. Et ce de façon répétée;
• Les violations du droit élémentaire des accusés à une confrontation avec les témoins à charge dans le cadre d’un procès équitable;
• Des écarts de comportement du judiciaire qui ont mis à mal l’apparente impartialité du président du tribunal; et
• Des lacunes importantes au niveau des preuves qui sapent le caractère persuasif des arguments de l’accusation et posent la question de savoir si tous les éléments concernant les crimes imputés ont été établis.

Le rapport démontre par ailleurs que le tribunal, en tant qu’institution, a eu des difficultés à remplir avec compétence ses fonctions administratives élémentaires. Des fonctions qui sont pourtant indispensables pour garantir un procès équitable et effectif. Le tribunal n’a pas développé de programmes efficaces visant à répondre aux besoins des témoins et des victimes et n’a pas assuré la sécurité des avocats de la défense. Il a en outre fermé les yeux sur la tâche importante qui lui incombait d’expliquer à la population irakienne les procédures suivies au cours du procès.

Le procès pour le massacre d’Al Dujail a débuté à Bagdad devant le Haut Tribunal irakien le 19 octobre 2005 et a pris fin le 27 juillet 2006. Le verdict a été prononcé le 5 novembre 2006. Saddam Hussein et deux coaccusés ont été condamnés à mort par pendaison et quatre autres accusés ont été condamnés à des peines d’emprisonnement allant de 15 ans à la perpétuité. Un prévenu a été acquitté à la demande de l’accusation. Le verdict et les condamnations font actuellement l’objet d’un appel devant la Chambre d’appel.

Le procès portait sur les conséquences de la tentative d’assassinat contre Saddam Hussein, alors président du pays, à Al Dujail en juillet 1982. Les responsables du gouvernement étaient accusés d’avoir orchestré une attaque contre les habitants de la ville en guise de représailles pour la tentative d’assassinat. Une attaque qui avait mené à l’arrestation, la torture et le déplacement forcé de centaines de personnes et à la mort de plus de 100 hommes et garçons suite à un procès sommaire.

« Lors de son premier procès, le tribunal a failli au respect des normes fondamentales en matière d’équité judiciaire. Il est peu probable qu’il soit apte à conduire d’autres procès de façon équitable si le gouvernement n’autorise pas la participation directe de juges et d’avocats internationaux expérimentés » a ajouté Nehal Bhuta.

Le statut du tribunal requiert que les condamnations à mort soient exécutées dans les 30 jours qui suivent l’appel final et aucune commutation n’est possible. Si la peine capitale prononcée contre Saddam Hussein est confirmée en appel, il est probable qu’il soit exécuté avant la conclusion du procès qui lui est intenté actuellement pour génocide contre les Kurdes.

Human Rights Watch s’oppose à la peine de mort, considérant celle-ci comme un châtiment intrinsèquement inhumain. L’organisation affirme par ailleurs qu’exécuter Hussein alors que d’autres procès sont en cours équivaudrait aussi à priver des milliers de victimes de la possibilité de faire entendre leurs voix.

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