Depuis le 25 juillet 2021, Rached Ghannouchi, 83 ans, ex-président du parti d’opposition Ennahda et ancien président du Parlement, a été l’un des opposants principaux du pouvoir autocratique du président Saied. Détenu depuis avril 2023 à la prison de Mornaguia à Tunis, Ghannouchi purge plusieurs peines et fait l’objet d’enquêtes et d’inculpations dans plus d’une dizaine d’affaires, dont certaines directement liées à l’exercice de sa liberté d’expression.
Le 17 avril 2023, Ghannouchi a été arrêté chez lui par des agents en civil qui n’ont pas montré de mandat d’arrêt, selon l’un de ses avocats. Le 20 avril, un juge d’instruction a émis un mandat de dépôt à son encontre sur la base des chefs d’inculpation de tentative de « changer la forme du gouvernement » et de « complot contre la sûreté intérieure de l’État ». Ces accusations portent prétendument sur les déclarations qu’il avait faites lors d’une réunion, le 15 avril, lorsqu’il avait averti que le fait d’éradiquer les mouvements politiques d’opposition, dont Ennahda et « la gauche », était un « projet de guerre civile ». Le 18 avril, la police a fermé le siège d’Ennahda sans ordonnance judiciaire. Ghannouchi n’a toujours pas été jugé dans cette affaire.
Ghannouchi a aussi été poursuivi dans une affaire distincte pour « apologie du terrorisme », après une plainte déposée par un ancien dirigeant du syndicat des forces de sécurité, selon lequel, lors des funérailles d’un membre du parti Ennahda, Ghannouchi avait déclaré que le défunt ne craignait pas les « tyrans ». Le 15 mai 2023, un tribunal de Tunis l’a condamné à un an de prison et une amende de 1 000 dinars (320 USD). Le 30 octobre 2023, la Cour d’appel de Tunis a augmenté sa peine à quinze mois de prison.
Le 1er février 2024, un tribunal de Tunis a condamné Ghannouchi à trois ans de prison après que son parti a été reconnu coupable d’avoir reçu des financements étrangers, ce qui est interdit par la loi tunisienne. Le 4 février 2025, un tribunal de Tunis l’a condamné en première instance à 22 ans de prison, une amende de 80 000 dinars (25 200 USD) et une inéligibilité de cinq ans, outre la saisie de d’actifs et de biens immobiliers, pour avoir prétendument comploté pour changer la forme du gouvernement et contre la sûreté extérieure de l’État, ainsi que pour offense contre le président et pour blanchiment d’argent, dans le cadre de l’affaire Instalingo.
Avant son emprisonnement, Ghannouchi présentait des symptômes de la maladie de Parkinson à la main gauche, et suivait un traitement pour ralentir sa progression. Pendant sa détention, durant laquelle il n’a pas reçu de traitement adéquat, le mal a gagné sa main droite et nettement impacté sa vie quotidienne, y compris sa capacité à écrire. Selon sa famille, les autorités ne lui ont accordé que quelques séances de kinésithérapie, rejeté ses demandes de traitement régulier et refusé de donner à sa famille accès à son dossier médical en lien avec ses problèmes de thyroïde.